OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un député veut encadrer la déontologie des journalistes http://owni.fr/2011/08/01/un-depute-veut-encadrer-la-deontologie-des-journalistes/ http://owni.fr/2011/08/01/un-depute-veut-encadrer-la-deontologie-des-journalistes/#comments Mon, 01 Aug 2011 10:51:03 +0000 Aliocha http://owni.fr/?p=75184 C’est une proposition de loi qui s’est discrètement glissée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 13 juillet dernier et que mon confrère Olivier Da Lage a eu bien raison de faire sortir en pleine lumière.

L’auteur ? Jean-François Mancel, député UMP de la 2ème circonscription de l’Oise, membre de la commission des finances de l’Assemblée et plein d’autres choses encore.

Le texte ? Une proposition de loi. Comme chacun sait, les textes rédigés par les parlementaires sont dénommés “propositions”, par opposition à ceux du gouvernement appelés “projets”. Le Parlement a si fort à faire avec les réformes gouvernementales que généralement les propositions passent à la trappe. À moins d’une exception, toujours possible. Il ne faut donc pas s’emballer, mais il convient d’être vigilant.

L’objet ? La création d’un Conseil national de déontologie journalistique.

Les motifs ? Il s’agit de réagir aux dérives de la presse française (oui, je suis d’accord avec vous amis lecteurs, au moment même où l’empire Murdoch s’effondre et alors que nous avons avantageusement soutenu la comparaison avec nos confrères américains lors de l’affaire DSK sur la présomption d’innocence, puis sur le respect dû aux victimes, les parlementaires s’indignent de nos excès, c’est amusant). Le député s’appuie sur l’échec de la commission présidée par Bruno Frappat visant à adopter un code de déontologie pour estimer qu’il est temps que le législateur nous prenne par la main pour nous aider à nous auto-réguler. En soi, on ne peut critiquer l’idée, c’est sa traduction qui est discutable.

L’inspiration : La Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, les pays scandinaves disposent de conseils de la presse, lesquels ont pour mission, suivez bien c’est important, de :

  • préserver la liberté rédactionnelle,
  • contribuer à restreindre l’ingérence de l’État,
  • favoriser la qualité de l’information,
  • démontrer le sens de la responsabilité des médias,
  • aider le public à accéder aux médias.

Donc la France doit faire de même. Dans un précédent billet très intéressant, Olivier souligne que le conseil britannique n’a pas été très efficace pour empêcher les dérives de la presse anglaise, mais bon. Admettons quand même l’intérêt d’ouvrir le débat, on n’a jamais rien à perdre à réfléchir. Surtout que Jean-François Mancel insiste sur la notion d’auto-régulation, histoire d’éviter une levée de boucliers. L’auto-régulation justement, cela consiste pour une profession à se gérer elle-même, entièrement et exclusivement. Or, ce n’est pas tout à fait cela qu’on nous propose en pratique. Le texte tend plutôt à organiser l’amorce d’une régulation partagée.

Un tiers des membres nommés par décret

Ce Conseil national serait en effet composé de 21 membres dont 7 représentants des éditeurs de presse, 7 représentants des journalistes et 7 représentants de la société civile. Comme le souligne Olivier, c’est dans la représentation de la société civile que le bât blesse. Non pas tant sur le principe en soi, que sur le mode de désignation de ses membres, lequel est renvoyé à un décret, c’est-à-dire au bon vouloir du gouvernement (article 2). Or, souvenez-vous, dans l’exposé des motifs, le député évoquait l’une des vocation de ce type de conseil chez nos voisins européens : “contribuer à restreindre l’ingérence de l’État”. En lui confiant le soin de fixer les modalités de désignation de 7 membres sur 21 ? Drôle de restriction ! Surtout que c’est aussi par décret que l’on fixera le mode de désignation des membres du comité exécutif. On restreint, on restreint. À cela s’ajoute le fait que le comité se verra adjoint un représentant du ministère de la Culture, certes avec voix consultative, mais tout de même. Toujours pour restreindre l’ingérence de l’État, je suppose…

D’ailleurs c’est amusant, quand on lit l’article 1 qui définit les missions du conseil, il n’est fait nulle part mention de la liberté rédactionnelle, ni de l’ingérence de l’état, pas même de l’accès du public aux médias. Notre conseil à nous ne sera qu’un père fouettard. Il est chargé en effet de veiller à la qualité de l’information, au renforcement de notre crédibilité et au respect de l’éthique. La liberté et l’indépendance sont passées à la trappe. C’est magique !

Le comité exécutif, dont le mode de désignation sera fixé par le gouvernement, aura vocation à définir le règlement intérieur du Conseil. Nous sommes toujours dans la logique de restriction de l’influence de l’État comme vous le voyez (article 3).

L’article 5 nous apprend que cet aimable conseil sera financé par la profession, c’est-à-dire par chaque journaliste et chaque éditeur de presse qui en sera obligatoirement membre. L’État décide et co-dirige, nous payons. Logique.

Comité Théodule

L’article 6 institue un système d’examen des plaintes, dans lequel le conseil a avant tout un rôle de médiateur et doit par ailleurs se déclarer incompétent si la justice vient à être saisie du dossier. Il n’est habilité qu’à prononcer des “sanctions morales”. On sent bien à ce stade que le député a choisi d’avancer sur la pointe des pieds. Nous partons d’une situation décrite comme insupportable dans l’exposé des motifs, pour arriver à un conseil au rôle de médiation et dont la seule arme consiste à désapprouver la faute. Entre nous, il faudrait savoir. Soit le journalisme français est dans un état de déliquescence morale avancé et dans ce cas il faut créer en plus des solutions judiciaires une véritable instance disciplinaire, soit ce n’est pas le cas et alors pourquoi mettre en place ce qui ressemble fort à un comité Théodule ? Nous serions face à une stratégie du pied dans la porte que ça ne m’étonnerait pas outre mesure.

Mais le point d’orgue est l’article 7 : dans les trois mois de la création du conseil, un comité représentatif de l’ensemble des professionnels du journalisme et des différents médias, dont la composition sera fixée… par décret bien sûr – vous avez saisi la logique – sera chargé de rédiger un code de déontologie. Et ce code sera validé… eh oui, vous avez deviné, par décret ! Le diable est dans les détails. Puisqu’il sera soumis à l’approbation du gouvernement, ce dernier pourra imposer les modifications qui lui paraîtront nécessaires. Et la profession devra demander l’autorisation pour toute modification ultérieure.

C’est ce qui est arrivé aux commissaires aux comptes avec la loi de sécurité financière de 2003. Eux aussi s’auto-régulaient. Aujourd’hui, ils sont sous la coupe d’une instance de régulation dans laquelle ils n’ont plus qu’une représentation minoritaire et qui définit leurs règles de déontologie. Elle le fait d’ailleurs de façon si contestable que la Commission européenne a récemment  enjoint à la France de réviser le texte qu’elle jugeait trop restrictif par rapport aux autres pays européens. Ce que les commissaires aux comptes ne cessaient de hurler sur tous les tons. Le Conseil d’État, saisi par les professionnels, avait quant à lui jugé le texte parfaitement conforme…

Jean-Luc Martin-Lagardette qui a écrit des ouvrages passionnants sur la déontologie de la presse, réagit dans un article de façon assez rude aux critiques d’Olivier :

La résistance d’Olivier Da Lage cache en fait, selon nous, le refus persistant de la profession de rendre des comptes au public, de lui donner des garanties sur l’exigence de qualité et d’équité qui est attendue d’elle.

En ce qui me concerne, j’ai toujours pensé que la profession avait besoin de se souder autour d’un texte commun, fort, qui définisse ses droits et ses devoirs et qu’elle puisse opposer aux tiers autant qu’on puisse le lui opposer. De la même façon, je ne serais pas hostile, loin de là, à un conseil national en charge de veiller au respect de l’éthique, mais aussi de nous représenter, de veiller à la préservation de nos valeurs et de nos règles professionnelles. À condition que l’on s’inscrive dans le cadre d’une réelle auto-régulation, à l’instar des avocats, qui sont confrontés à la même impérieuse nécessité que nous de préserver leur indépendance à l’égard des pouvoirs publics. Or, la proposition de Jean-François Mancel n’offre aucune garantie de cette indépendance. J’en veux pour preuve l’article 1 qui n’évoque au titre des missions du Conseil,  ni la préservation de la liberté de la presse, ni celle de son indépendance. Plus qu’un symbole, cet “oubli” est un aveu.


Article initialement publié sur La Plume d’Aliocha sous le titre : “Les journalistes français bientôt sous surveillance ?”

Crédits Photo FlickR CC by-nc-nd Giara/ by-nc Yazuu / by-nc-nd Ma Gali

]]>
http://owni.fr/2011/08/01/un-depute-veut-encadrer-la-deontologie-des-journalistes/feed/ 12
Blogueuses ne rendez pas le web sexiste http://owni.fr/2011/03/08/blogueuses-ne-rendez-pas-le-web-sexiste-8-mars-journee-femme/ http://owni.fr/2011/03/08/blogueuses-ne-rendez-pas-le-web-sexiste-8-mars-journee-femme/#comments Tue, 08 Mar 2011 10:44:09 +0000 Aliocha http://owni.fr/?p=49879 [petits cadeaux sonores inside] C’est en jetant un coup d’oeil aux sites qui renvoyaient vers ce blog que j’ai découvert cet article de Rue89. Ainsi le web serait sexiste ! La preuve ? Pas un blog tenu par une fille ne figure dans le classement wikio des blogs politiques. Mais comment donc, même pas moi ? Eh non, on m’a classé dans « société ». Mince alors, c’est tellement vaste que j’y suis perdue ! Il ont dû le faire exprès, quand ils ont compris qu’Aliocha, diminutif russe masculin, dissimulait en réalité… Une femme ! Donc la toile est sexiste, et wikio aussi. En voilà une découverte. Toujours est-il que les féministes se plaignent. Et les blogueurs ricanent. On ne peut pas leur donner tout à fait tort. D’abord, comment elles le savent qu’il n’y a pas de femmes? Les intitulés des blogs ne sont pas forcément très explicites quant au sexe de leur auteur.

Tenez par exemple, rien que le number 1 des blogs politiques, « Partageons mon avis », il est drôlement neutre. L’auteur aurait pu choisir de s’appeler « Robert a des couilles », voilà qui aurait été connoté. Surtout s’il avait annoncé en plus qu’il entendait parler de sexe, de bière et de foot. Mais là, ce n’est pas le cas. Ensuite, il ne leur est pas venu à l’esprit, à mes copines, que s’il n’y a pas de femme dans le classement, c’est peut-être tout simplement parce qu’aucune de nous n’est aussi brillante que les blogueurs en matière politique? Aïe, me voici traître à la cause. Je viens de foncer tout droit dans un tabou. Tant pis, j’assume :

Les blogueuses n’osent pas faire de politique

Quoique… Les femmes n’osent pas aborder les sujets politiques, m’explique-t-on dans le même article. Nous y voilà. Pauvres pitchounes! Il est vrai que les femmes n’ont jamais osé se frotter à la politique, de Nefertiti à Angela Merkel en passant par Jeanne d’Arc, Marie de Medicis, Olympe de Gouges et Margaret Thatcher, toutes se sont cantonnées à filer leur quenouille, c’est bien connu, surtout en ces temps reculés où c’était autrement plus compliqué d’évoluer dans un monde apparemment dominé par les hommes. Je dis bien, « apparemment » tant il est vrai qu’on a oublié l’étendue infinie des pouvoirs que nous détenions quand nous avions la sagesse de n’en revendiquer aucun. Aïe, encore un tabou, je vais mal finir.

Le « beau sexe » blogue aussi

Ah, les filles… les filles….

Je vous aime bien, mais entre nous, ça vous surprend de vous faire traiter sur vos blogs de « salopes » comme vous dites, quand vous positionnez volontairement le débat sur le terrain sexuel, soit en parlant mode, cuisine et bébé jusqu’à la nausée, soit en vociférant justement après ces « salauds de mecs » qui vous empêchent d’exister, franchement? Vous ne croyez pas que vous le cherchez un peu? Notez, j’ai bien failli vous croire. C’est même une des raisons pour lesquelles j’ai opté pour un pseudo masculin en débarquant sur la toile. Je me suis dit : la parole d’un homme est plus crédible que celle d’une femme, en me faisant passer pour l’un d’entre eux, je m’épargnerai la commisération et les blagues sexuelles.

J’avais tout faux. Il y a ici plus de commentateurs que de commentatrices alors qu’ils savent depuis longtemps que j’appartiens à ce qu’autrefois on appelait le « beau sexe ». Et aucun d’entre eux n’a jamais dépassé les limites d’un amusant badinage, dans les cas les plus extrêmes. Allez savoir pourquoi. Peut-être parce que je ne me positionne pas sur le terrain du genre, justement. Je me pense d’abord comme un être humain, un citoyen (même pas une citoyenne, j’en ai ma claque de la féminisation de tout, de cette guerre qui s’étend jusqu’à la grammaire au point de la rendre ridicule), et ensuite une femme. Il ne s’agit pas d’un reniement, mais d’une hiérarchisation. Je l’aime ma condition, je l’assume pleinement, mais je lui interdis de déborder.

Ma féminité ne prime pas sur mon humanité, elle la teinte, c’est tout.

Et encore, il m’arrive de me demander jusqu’à quel point la réflexion est susceptible d’être sexuée. Il me semble que cela dépend des sujets, des individus, des circonstances et de mille autres paramètres. Voyez-vous ce qui m’inquiète dans votre démarche, c’est votre aveuglement. Vous n’avez pas remarqué qu’on commence à leur faire sérieusement peur aux hommes? Ah mais si, les filles! Sont paumés nos jules. Savent plus s’ils doivent nous inviter au restaurant ou pas, nous proposer de nous raccompagner, nous tenir la porte. Ils se demandent si on les rêve papas poule ou au contraire absorbés par leur carrière, si l’on souhaite qu’ils soient riches et ambitieux ou tendres baladins. Ils finissent même par penser qu’on les veut tout à la fois carriéristes, poètes, machos, soumis, aimants, brutaux, viriles, émotifs, empathiques, indifférents, calmes, passionnés, mystérieux, proches, distants, complices, bref comme hier mais à la mode d’aujourd’hui et capables d’anticiper nos désirs de demain. Même nous, on ne sait plus très bien ce qu’on espère.

Je crois qu’il est temps d’arrêter la guerre. L’évolution vers l’égalité des sexes, ou plus exactement vers la suppression des inégalités sociales qui n’ont pas lieu d’être, cette évolution donc est lancée, plus rien ne l’arrêtera. Sauf peut-être un retour de boomerang si on va trop loin.

Contre-coup (de boomerang)

Mais revenons à notre sujet. Qu’est-ce qui vous chiffonne au juste? Qu’il n’y ait pas assez de femmes en tête des classements de blogs ? Ce n’est pas tout à fait vrai, elle tiennent le haut du podium dans les rubriques « loisirs », « gastronomie » et « scrapbooking » (je ne savais même pas ce que c’était avant de me pencher sur le classement wikio !). Qu’est-ce qu’on y peut si c’est là qu’elles performent ? Vous voudriez quoi? Que la mode devienne un sujet politique majeur? Ce serait ça, le triomphe de la cause des femmes dans la société? Ou bien regrettez-vous de n’avoir pas réussi à hisser un blog féministe en tête des blogs politiques? Et pour quoi faire ? Supprimer les discriminations injustes est utile et nécessaire, mais c’est un combat parmi d’autres. Or, j’ai l’impression que vous tentez d’en faire une vision globale de l’existence. Une grille d’analyse générale. Comme si tout se réduisait à un gigantesque affrontement entre les sexes.

Et ça vous étonne de ne trouver ni chez les hommes, ni même chez la majorité des femmes, un public enthousiaste? Mais on ne la partage pas votre vision du monde, essayez donc de le comprendre! C’est vous qui rendez le web sexiste à votre endroit en vous positionnant délibérément sur le terrain sexuel. Vous vous enfermez toutes seules et vous hurlez ensuite après vos prétendus geôliers. Tout le monde s’en fout du sexe des auteurs sur Internet, c’est même l’un des multiples intérêts de la chose.

Et c’est précisément cela que vous n’avez pas compris.


Image de Une par Marion Kotlarski pour Owni

Article initialement publié le 3 mars sur le blog La Plume d’Aliocha sous le titre “Sexiste le web ? Allons donc…”

Illustration sonore offerte par Nova : l’intégralité de cette production barrée à découvrir toute la journée sur les ondes, ainsi que sur le site www.salondelafemme.org. Diane Bonnot et Fred Tousch, les deux comédiens que vous avez entendus sur les inserts, font partie de la troupe d’Edouard Baer.

Crédits Photo FlickR CC : Mike Licht, NotionsCapital.com / Profound Whatever /

Retrouvez l’intégralité de notre dossier sur la Journée de la Femme.

Téléchargez l’infographie des Positions féministes. (cc) Mariel Bluteau pour Owni /-)

]]>
http://owni.fr/2011/03/08/blogueuses-ne-rendez-pas-le-web-sexiste-8-mars-journee-femme/feed/ 18