OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Réforme du bac STI : de la fin des ateliers pratiques à la disparition des ouvriers http://owni.fr/2011/01/18/reforme-du-bac-sti-de-la-fin-des-ateliers-pratiques-a-la-disparition-des-ouvriers/ http://owni.fr/2011/01/18/reforme-du-bac-sti-de-la-fin-des-ateliers-pratiques-a-la-disparition-des-ouvriers/#comments Tue, 18 Jan 2011 11:04:11 +0000 Mathieu L (Les privilégiés parlent aux Français et au Monde) http://owni.fr/?p=37671 En France, on se passionne toujours, lorsqu’on parle d’éducation, sur des sujets touchants les matières générales. Par exemple, la disparition de l’histoire-géographie en terminale scientifique a fait couler beaucoup d’encre durant les mois précédents. On s’intéresse beaucoup moins à toute une série de matières et de disciplines qui concernent plutôt les domaines techniques et industriels. Aujourd’hui, il existe plusieurs bacs techniques et professionnels qui forment à ces voies.

Dans les lycées généraux et techniques, on trouve principalement les bacs Science et technologies industrielles (STI) et Sciences et technologies de laboratoire (STL). Ces bacs aboutissent à des formations courtes dans le supérieur et donnent en général de bons débouchés aux élèves qui les choisissent. Ils ont largement participé à la démocratisation du baccalauréat engagée dans les années 1980.

Pour les inspecteurs d’académie, la France est un pays de concepteurs, pas d’ouvriers

Le bac STI nécessitait une réforme car ses programmes dataient de 1993. Les syndicats enseignants la réclamaient largement et un premier projet était en préparation sous les gouvernements Raffarin puis De Villepin, avec de fortes discussions entre entreprises, gouvernement et syndicats enseignants. Il avait presque abouti mais Xavier Darcos le suspendit brutalement en 2007.

A l’époque, nous avions pensé que le ministère allait tout simplement le supprimer, laissant ces formations à l’enseignement professionnel. Or, dans le cadre de la réforme du lycée, le gouvernement y est revenu, annonçant au début de 2010 la naissance du bac Sciences et technologies Développement Durable (STI2D)… Bon, voici encore le développement durable qui réapparaît et qui encadre le futur de nos ouvriers spécialisés. Actuellement, ce terme figure dans tous les programmes de l’école, à tous les niveaux.

A ceux qui croient que l’éducation n’a plus d’objectifs politiques…

Au-delà de ce terme, il est intéressant de regarder ce que contient ce nouveau diplôme qui remplacera la STI le 1er septembre prochain.

Tout d’abord, les enseignements généraux sont nettement augmentés (avec l’arrivée de la 2e langue). Surtout, on change totalement l’approche de la partie technique en abandonnant le travail sur machines et en s’appuyant uniquement sur des notions théoriques et de conception.

En clair, on met en place un bac qui n’est plus du tout une voie permettant de former des ouvriers très qualifiés mais visant plus précisément à former des concepteurs et des ingénieurs. La formation des ouvriers retombe donc sur le lycée professionnel. On peut voir clairement l’objectif budgétaire qu’il y a derrière ça : en se passant des ateliers, on fait d’importantes économies, et les régions qui ont construit ces dix dernières années de magnifiques lycées autour de machines flambant neuves vont en être pour leurs frais.

Il y a aussi là-dedans de grosses économies de postes et les premières vraies attaques contre les statuts des enseignants, mais je voudrais plutôt souligner autre chose et m’intéresser aux discours des inspecteurs de ces disciplines. Lorsque ceux-ci présentent le nouveau bac aux enseignants, ils n’y vont pas par quatre chemins et sont très directs : la France ne doit plus former d’ouvriers, même très qualifiés, mais des concepteurs. Nous sommes dans une situation où il est évident que les tâches de fabrication ne se feront plus ici et il devient inutile d’envoyer des jeunes dans le mur en les formant à des métiers qui n’existeront plus dans notre beau pays.

Sans ouvrier pourquoi relocaliser les usines?

Cette réforme permet de comprendre trois choses à propos des politiques menées actuellement par notre gouvernement :

Tout d’abord, on peut vraiment remettre en cause ce calcul. En effet, les nouveaux pays industrialisées se sont depuis longtemps attaqués à la conception mais ne maîtrisent pas toutes nos techniques industrielles. Se priver de bons ouvriers en s’appuyant sur une organisation du travail déjà dépassée est très risqué. Très vite, nous n’allons plus du tout être les commandants de la production des usines du Sud, mais les concurrents de ces mêmes pays sur des productions industrielles équivalentes aux nôtres. Nous pourrions encore conserver un peu d’avance, mais si nous formons des cerveaux, nous n’aurons plus de bras.

Ensuite, cette réforme sépare les parcours possibles pour les jeunes entre le général et le professionnel. Que vont devenir tous ces gamins qui partent aujourd’hui dans le technique s’ils n’ont plus le choix qu’entre du général pur ou du technique très élevé mais forcément difficile, et du professionnel très mal vu dans notre pays ?

Enfin, on peut clairement remettre en question les beaux discours de notre président sur la soi-disant réindustrialisation nécessaire de la France. On peut toujours ramener des usines ici, mais si on a plus d’ouvriers très qualifiés à y mettre, quel intérêt ?
En clair, l’Etat a fait un choix fort : la France poursuivra définitivement sa désindustrialisation. On ne peut que s’en étonner et même s’en inquiéter. Je me demande bien ce qu’en pensent les patrons des entreprises industrielles qui sont encore en France et qui ont choisi d’y rester. Sont-ils informés que les filières qui leur fournissent leurs salariés vont profondément changer ? Cher camarade employeur, il est à craindre que tu sois obligé de délocaliser, même si tu ne le voulais pas.

Étonnante époque…

Article publié initialement sur Les privilégiés parlent aux Français et au Monde sous le titre Par la réforme du bac STI, la France entérine la disparition de son industrie.

Illustrations CC Flickr par Stéfan et CAPL

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Les 35 heures à l’école, une copie à revoir… http://owni.fr/2011/01/07/les-35-heures-a-ecole-une-copie-a-revoir-education-nationale-prof-enseignement/ http://owni.fr/2011/01/07/les-35-heures-a-ecole-une-copie-a-revoir-education-nationale-prof-enseignement/#comments Fri, 07 Jan 2011 16:14:04 +0000 Mathieu L (Les privilégiés parlent aux Français et au Monde) http://owni.fr/?p=37496 La passion du moment pour les 35 heures ne s’affaiblissant pas, on polémique à droite comme à gauche. Chacun y va de son petit mot, qu’il soit lambda ou élu et le tout au sein d’une joyeuse allégresse qui pourrait ouvrir le débat. Dans le texte, les 35 heures. Et dans les faits, bien autre chose.

Estimation complexe: calcul d’un temps de travail basé sur celui de 1950

Dernièrement, le temps de travail des enseignants a largement occupé les médias. Le PS, dans ses récentes propositions, a repris l’idée de Ségolène Royal et proposé un réaménagement de notre temps de travail. La droite expérimente la hausse du travail par la suppression des personnels, obligeant les autres à travailler et anime un grand débat sur les vacances qui suscite de nombreuses réactions dans la profession mais aussi dans les lobbies touristiques. Estimer le temps de travail réel qu’on utilise est réellement très compliqué. Cela doit être simple pour un salarié utilisant une pointeuse. Pour moi, je ne peux me baser que sur des estimations, forcément très personnelles et forcément très subjectives.

En théorie, notre boulot s’appuie sur différentes missions. Nous devons donner un certain nombre d’heures de cours en fonction de notre statut (15 heures ou 18 heures). Nous devons fournir des cours de qualité durant ces heures, s’appuyant sur la recherche universitaire actualisée (pas celle du moment où nous faisions nos études) et nous devons participer à toute une série d’examens, soit dans nos classes, soit dans des examens divers comme le brevet ou le bac. Notre temps de travail est calculé sur le temps de travail de 1950, qui était de 43 heures pour les salariés de l’époque. Pour moi qui suis agrégé, cela signifie que je suis censé travailler 2,86 heures pour une heure de cours effective. Nous avons de plus un certain nombre de semaines de vacances (j’exclus l’été car nous ne sommes pas payés sur cette période) durant lesquelles on travaille toujours un peu, mais évidemment bien moins que durant les 36 semaines de cours. Personnellement, je travaille beaucoup pendant les vacances de la Toussaint et celle de février, nettement moins en avril et quasiment pas durant les vacances de Noël.

Dans la pratique, c’est encore pire

J’avais estimé utiliser, en fonction des semaines travaillées, entre 30 et 45 heures. Ces variations importantes sont liées à l’organisation de l’année scolaire. Je travaille bien plus en début d’année (je prépare tous mes cours en les adaptant aux classes que je viens de découvrir) ou durant les périodes de conseil de classe et au moment des examens. Par exemple, une période assez calme est le mois de mai. On a tellement préparé de cours et on est tellement en retard sur le programme qu’on n’a plus grand-chose à faire en dehors des corrections.

Lorsqu’on interroge les collègues sur le sujet, ils affirment travailler beaucoup. Le billet de Cycee de ce matin en est un excellent exemple.

Tous les profs vous diront que « c’est de plus en plus dur », que « les vacances sont encore loin » ou que « y en a marre de ce boulot lourd et si mal payé ».

En fait, quand on creuse, on constate que deux choses émergent nettement : ce sont finalement les heures de cours devant élèves qui sont citées comme étant réellement le moment usant du travail, surtout dans les bahuts difficiles, en particulier les collèges, et les enseignants ont le sentiment qu’on leur rajoute sans arrêt toute une série de trucs inutiles et sans intérêt, que ce soit dans les cours ou hors des cours, qui les éloignent de leur mission centrale qui est déjà assez difficile comme cela.

Responsabilités, propositions et bases de discussion

La droite est clairement vu comme responsable de cette dégradation : les suppressions de poste ont amené à une nette hausse des heures supplémentaires, certes bien payées, mais qui ont alourdi nettement la charge de travail. Elle a aussi contribué à toute une série de décisions qui n’ont cessé de faire penser aux profs qu’ils étaient mal considérés et qu’ils faisaient un peu tout et n’importe quoi.

Les propositions du PS ne sont pas vraiment mieux passés. Les socialistes proposent une diminution des heures de cours et une revalorisation salariale pour continuer à faire des économies en supprimant de nombreuses professions comme les surveillants, les conseillers d’orientation ou les CPE : les profs devraient ajouter bien d’autres missions à leurs arcs.

Je ne sais pas ce que souhaitent vraiment les profs, mais il y aurait deux bases pour discuter je pense :
- que les changements dans notre temps de travail fassent du bien aux élèves (ce qui n’est pas le cas en ce moment, regardez les résultats de PISA),
- que ces changements donnent l’impression (au moins) que l’on prend en compte le fait que notre travail premier (donner des cours) est important pour la société.

Si on s’appuie là-dessus, on pourra discuter. Sinon…

Article initialement publié sur Les privilégiés parlent aux Français et au Monde sous le titre Parlons sérieusement du temps de travail: et les profs?

Photos Flickr CC Alain Bachellier, USNationalArchive

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