OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Spotify: le ver(t) dans la Pomme? http://owni.fr/2010/10/26/pourquoi-apple-a-raison-davoir-peur-de-spotify/ http://owni.fr/2010/10/26/pourquoi-apple-a-raison-davoir-peur-de-spotify/#comments Tue, 26 Oct 2010 12:50:25 +0000 Philippe Astor http://owni.fr/?p=27383 Philippe Astor, journaliste spécialiste de l’industrie de la musique, a co-fondé le site Electron Libre et est blogueur sur digitaljukebox.fr.

Les performances de Spotify en Europe ont de quoi inquiéter Apple, alors que se profile son lancement aux États-Unis. Le service de streaming suédois dispose en effet de nombreux atouts susceptibles de remettre en cause le leadership d’Apple à domicile. Au point que la firme américaine envisage sérieusement de lancer son propre service de streaming sur abonnement, histoire de prévenir une hémorragie de ses 100 millions de clients américains.

Apple serait en train de se convertir au modèle de l’abonnement. Selon des sources citées par le New York Post, Eddy Cue, le patron d’iTunes, multiplie depuis quelques semaines les contacts avec les exécutifs de l’industrie musicale aux États-Unis, pour parvenir à une entente avec eux. Le projet de la firme de Cupertino serait bien de lancer un service de streaming sur abonnement donnant accès, avec son logiciel iTunes et pour le prix d’un forfait mensuel, à un catalogue étendu de plusieurs millions de titres.

Steve Jobs, le PDG d’Apple, a toujours décrié ce modèle, mais deux contingences pourraient justifier une subite conversion de la Pomme : le tassement des ventes de musique en téléchargement aux États-Unis, principal marché d’iTunes, au premier semestre 2010 ; et la perspective de voir débarquer sur le marché américain, d’ici la fin de l’année, un concurrent redoutable en la personne du suédois Spotify.

La montée en puissance de Spotify est pour le moins phénoménale. Au mois de janvier dernier, le service de streaming freemium revendiquait 250 000 abonnés en Europe, essentiellement répartis entre Suède et Royaume-Uni. A l’époque, le ratio entre nombre d’abonnés et nombre d’utilisateurs de son service gratuit financé par la publicité n’était que de quelques pour cent, c’est-à-dire encore ridiculement bas aux yeux des maisons de disques américaines ; très en-deçà, en tout cas, des 10 % de taux de conversion en utilisateurs payants qu’elles exigeaient. Neuf mois plus tard, Spotify a passé la barre des 600 000 abonnés, avec un taux de conversion qui est désormais de 15 %, selon des statistiques internes auxquelles nous avons eu indirectement accès.

500 000 nouveaux abonnés en l’espace d’un an

Spotify est bien parti pour atteindre son objectif de 770 000 abonnés en Europe à fin 2010, et pour avoir plus que triplé leur nombre en un an. A titre de comparaison, le pic d’abonnés à des services de streaming aux Etats-Unis, depuis quatre ou cinq ans, n’a jamais dépassé le million et demi. Un record que Spotify pourrait avoir battu à lui tout seul en Europe d’ici la fin 2011. Le lancement de la version mobile de Spotify, en septembre 2009, a été un premier facteur déclencheur. Puis, la progression du taux de conversion s’est accélérée avec l’intégration de fonctions de partage de playlists via Facebook et Twitter, en avril dernier. Mais aussi avec le lancement du player permettant d’écouter sa bibliothèque de fichiers MP3 personnelle avec le logiciel de la start-up, qui s’est ainsi transformé en véritable jukebox universel digne de rivaliser avec celui d’Apple.

La marge de progression de Spotify reste en outre très importante, notamment sur les cinq marchés européens où sa pénétration reste encore faible et est promise à une forte progression (France, Espagne, Finlande, Norvège et bientôt Pays-Bas). D’autant que plus les internautes utilisent le service gratuit depuis longtemps, plus leur taux de conversion en abonnés est élevé. Au mois de juillet dernier, il était supérieur à 17 % pour les utilisateurs ayant rejoint le service en février 2009, de 12 % pour ceux l’ayant rejoint en avril 2009, de 8 % pour ceux l’ayant rejoint entre juillet et octobre 2009, et inférieur à 5 % pour ceux qui ne l’avaient adopté qu’en janvier 2010. L’objectif de Spotify est de doubler son taux moyen de conversion des « free users » en abonnés dans les 12 mois qui viennent, pour atteindre les 30 %.

Afin de s’assurer d’atteindre cet objectif, Spotify permet depuis le mois de mai dernier d’ouvrir un compte gratuit directement, et non plus uniquement sur invitation. Une offre limitée à 20 heures d’écoute par mois, qui vise à répondre à une demande en très forte progression, tout en contrôlant la croissance des usagers. Le pari est le suivant : les non-abonnés investissent beaucoup de temps dans la construction d’une librairie musicale personnelle sur Spotify (elle est en moyenne de 100 titres au bout de trois mois d’utilisation du service, et de 500 titres au bout de 17 mois) ; ce qui augmente leur fidélité et leur propension à s’abonner. D’autant que la tranche d’âge la mois assidue (les 45-54 ans) écoute en moyenne 300 titres par mois. La limite des 20 heures d’écoute est donc très vite franchie par la plupart des utilisateurs.

63 % des abonnés premium ont moins de 33 ans

Le lancement concomitant d’une offre Spotify illimitée sur le PC à 4,99 € par mois (sans accès au service sur les mobiles ni possibilité d’écoute hors connexion) a contribué à augmenter le taux de conversion en abonnés sans affecter la progression du nombre d’abonnés au service premium complet. En l’espace de quatre mois, Spotify avait recruté 56 000 abonnés à cette nouvelle offre de base et, dans le même temps, le nombre d’abonnés premium était passé de 404 000 à 516 000. La start-up envisage par ailleurs de multiplier les accords de bundle avec les opérateurs de télécommunications, tel celui passé avec Telia en Suède et en Finlande, qui a eu un effet direct sur la hausse du nombre d’abonnés.

Une fois qu’il est abonné, le nombre de titres écoutés par chaque utilisateur tous les mois augmente considérablement. Il franchit la barre des 500 titres par mois pour les 45-54 ans, et passe de 500 à 600 titres par mois à plus de 800 pour les tranches d’âge les plus assidues (les 9-14 ans et les 15-17 ans). Spotify a par ailleurs pour vertu de séduire dans des proportions remarquables les jeunes générations, qui sont les moins enclines à payer pour accéder à la musique sur Internet. Ainsi 28 % des utilisateurs premium ont-ils moins de 24 ans. Et les 18-33 ans représentent 63 % des abonnés premium.

Enfin, une autre vertu de Spotify est de favoriser la vente de musique en téléchargement. Aucune statistique n’est disponible sur les ventes générées sur We7 depuis la mise en place d’un partenariat avec la plateforme britannique, mais c’est un aspect que le service de streaming compte nettement améliorer dans les mois qui viennent, en proposant notamment des bundles. L’ambition de Spotify est clairement de devenir à la fois une plateforme de découverte, à travers son offre de streaming, et une plateforme de téléchargement.

Un redoutable concurrent pour la Pomme

Dans ce domaine, le cercle vertueux que parviennent à créer les services de streaming, dont on craignait qu’ils ne cannibalisent les ventes en téléchargement, ne fait plus aucun doute, à l’image des performances de Deezer, premier affilié d’iTunes en France et troisième en Europe. Tous ces éléments tendent à valider la pertinence du modèle freemium que Spotify cherche à exporter aux Etats-Unis, face auquel les majors américaines ont jusque-là fait de la résistance ; ce qui explique le retard pris par le lancement du service outre-Atlantique.


Quel que soit le partenaire que se choisira Spotify pour se lancer aux Etats-Unis – Google ? Microsoft ? Amazon ? – Apple a du souci à se faire. D’abord, et avant tout, parce que c’est le seul concurrent sérieux d’iTunes à disposer d’un jukebox logiciel digne de ce nom. De nombreuses améliorations devront encore lui être apportées, dans la gestion des playlists, notamment, s’il souhaite faire totalement de l’ombre au logiciel d’Apple. Mais contrairement à iTunes, qui reste une véritable usine à gaz dans l’environnent PC, le logiciel de Spotify est redoutablement optimisé.

Ce dernier est en outre présent sur toutes les plateformes mobiles, d’Android à iOS (iPhone), en passant par Symbian ou Windows Mobile 6 et bientôt 7. Un formidable atout face à la plateforme d’Apple, qui se cantonne à l’iPhone. Or, le mobile est aujourd’hui le principal levier de croissance du marché du téléchargement, au point qu’iTunes réalise désormais un tiers de ses ventes sur iPhone en Europe,- et de celui de l’abonnement. Si elle veut prévenir une hémorragie de ses 100 millions de clients américains en direction de Spotify, la firme de Cupertino n’a d’autre choix que de leur proposer à son tour une offre de streaming. A défaut, Spotify, qu’un buzz de dix-huit mois a déjà précédé aux Etats-Unis, pourrait très bien venir croquer goulûment les parts de la Pomme sur le marché américain de la musique…

Article initialement publié par Philippe Astor sur Electron Libre

Crédits photos CC flickr: Jon Aslund; Marcin Michary; Mysza

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Crise de la presse quotidienne: à quand un Spotify des journaux ? http://owni.fr/2010/05/18/crise-de-la-presse-quotidienne-a-quand-un-spotify-des-journaux/ http://owni.fr/2010/05/18/crise-de-la-presse-quotidienne-a-quand-un-spotify-des-journaux/#comments Tue, 18 May 2010 10:38:14 +0000 Eric Delattre http://owni.fr/?p=15929 Baisse continue des ventes, désintérêt des lecteurs, évolutions du « mode de consommation » de l’information et des attentes des lecteurs, concurrence des « gratuits ». Je ne vous apprends rien, la presse quotidienne Française est en crise.

Je ne connais absolument pas ce milieu, je ne vais ainsi pas m’attarder sur cette crise elle-même mais plutôt sur un modèle qui à mes yeux, ceux d’un consommateur, est pertinent. De plus, je m’étonne de n’avoir encore rien lu au grès de mes recherches en vue de l’écriture de ce billet sur le sujet. Aveuglement ?

Voici un point de vue, le mien… (Et une idée de start-up à l’occasion !)

L’idée est simple et, encore une fois, je m’étonne de n’avoir rien lu à ce sujet. Brièvement, il s’agit d’appliquer le modèle de Spotify à la presse écrite. Je m’explique.

Le constat

J’aime l’actu, et je la consomme principalement sur Internet. Parce que je suis à l’étranger et que cela me permet d’avoir accès facilement à l’actualité de mon pays, mais pas seulement. Lorsque j’habitais en France, il en était de même. La raison était alors la grande flexibilité qui m’était offert à éditorialiser ma propre information, au gré de mes intérêts.

Aujourd’hui, le modèle économique retenu par les quotidiens est le suivant :

  • L’info « à la minute », principalement la reprise des brèves d’agences, est gratuite et financée par la pub.
  • Les articles de fond, analyses et investigations sont réservées aux abonnés.

Concernant la première catégorie citée ci-dessus, aucun problème. J’aime me tenir informé rapidement de ce qui se passe dans le monde et ainsi parcourir en un clin d’œil l’actualité. Les solutions actuelles me conviennent parfaitement. Cette information n’est pas chère, et un financement par la pub est concevable.

J’aime également me plonger plus longuement dans des articles d’analyses, d’investigation, pourquoi pas partisans. Je ne suis pourtant abonné à aucune formule payante. Pourquoi ?

Je ne désire pas me borner a la lecture d’un seul journal, d’une seule opinion. J’aime lire des analyses provenant de diverses sources, lire ce que pensent des personnes dont l’idéologie n’est a priori pas la mienne. Lire uniquement un journal et lui seul me donne l’impression de m’emprisonner, de brider mon raisonnement.

Si je ne suis donc abonné à aucun journal, c’est principalement pour cette raison. Et je ne veux, ni ne peut compenser en m’abonnant à plusieurs d’entre eux pour les raisons suivantes :

  • Trop cher.
  • Trop « exclusif ». J’ai mes opinions, mais j’aime lire différents quotidiens connaissant leur politique éditoriale, cela me permet de mieux construire mes propres opinions. Ainsi, je ne veux pas m’abonner à Libération, car je suis aussi intéressé par les articles du Figaro ! Et c’est encore plus vrai pour les pure player type Mediapart ou Slate.fr.
  • Visiter autant de sites web que de journaux est fatiguant. Cela peut paraître une remarque surprenante mais bel et bien réelle. Les blogs y ont d’ailleurs répondu depuis un moment en permettant de regrouper et consommer les contenus via un lecteur RSS. Google pour sa part y a formidablement répondu avec Google News. J’aimerais ainsi retrouver une sélection d’articles / d’analyses payantes, sélectionnées selon mes propres critères et centres d’intérêts, au sein d’une même interface.

Petite comparaison avec l’industrie musicale et filmographique

Même si les causes sont très différentes – dématérialisation des supports dans le premier cas, changement des attentes et de la façon de consommer de l’information dans l’autre, l’analogie avec le monde de l’édition musicale est inévitable.

Pourquoi ? Parce que dans les deux cas, Internet et les nouvelles technologies sont au cœur du changement des habitudes, mais également au cœur des solutions disponibles. De plus, la presse a l’avantage d’être exposée à cette problématique avec un décalage par rapport au monde de la musique. Elle a donc pu observer, analyser et anticiper. Pourtant, il n’en est rien, et les quotidiens, dans leur façon systématique de se poser en victime (le piratage dans le cas de la musique, le grand méchant Google News dans le cas de la presse), ne fait que reproduire les erreurs de l’industrie musicale et filmographique.

Libération, par la voix de Nathalie Collin, co-Présidente du directoire, et de Laurent Joffrin, directeur de publication, ont récemment proposé l’idée d’une licence globale pour l’industrie de la presse écrite. Il s’agit ici d’une fausse solution (faire payer les fournisseurs d’accès, donc TOUT abonné), évoquée pour de mauvaises raisons (« vous [FAI] gagnez de l’argent sur notre dos, donnez nous-en un peu » !). Vous pouvez trouver ici l’interview donnée à Chalenge sur le sujet.

Messieurs, sortez de votre attitude passive, et devenez acteur de votre avenir en allant chercher de nouvelles solutions !

La solution ?

Me concernant, et pour les raisons évoquées ci-dessus, je ne m’abonnerai jamais à une offre payante d’un quotidien sur Internet. Je serais par contre prêt à payer 10 à 15 Euros par mois pour accéder aux contenus de TOUS les quotidiens !

Suis-je fou? Je ne pense pas. Il serait facile d’offrir au travers d’une application ou d’un site web, un accès à l’ensemble des articles, reportages et sujets traités par l’ensemble de la presse quotidienne. Nationale comme régionale.

  • Un organisme dont les sociétés éditrices seraient coactionnaires, se chargerait de récolter les abonnements.
  • Ce même organisme (une sorte de SACEM ?) rémunèrerait alors les journaux. Comment ? Facile, selon leur audience, très simple à mesurer sur Internet.
  • Pourquoi pas ne pas imaginer un site permettant ainsi de se réaliser notre « Une » selon nos critères de choix ? (un portail de news à la Google News en somme), avec application iphone / ipad associée (ne pas à avoir à ouvrir 8 applications iphone différents !)

Il s’agit ni plus ni moins de réaliser ce que fait Spotify ou Deezer pour la musique…

Quels impacts cette solution pourrait avoir ?

A mes yeux, les bénéfices sont multiples, pour un risque très limité :

  • Conquérir de nouveaux abonnés (dont je ferais à coup sûr partie). Il suffit de regarder l’engouement que de tels services ont auprès des utilisateurs, comme Spotify ou Deezer, pour s’en convaincre.
  • Ces nouveaux abonnés seraient a mes yeux principalement des personnes n’ayant pas l’habitude de payer pour de l’information aujourd’hui. Donc, le cannibalisme est très limite avec l’offre papier qui s’adresse à un public différent. Nous avons donc ici une nouvelle source de revenus sans avoir besoin de transformer les rédactions existantes, simplement ajouter un nouveau canal de distribution.
  • Les articles étant regroupés, le bénéfice des abonnements étant centralisés avant d’être repartis selon les audiences, cela pousse (et finance) les quotidiens à investir et proposer du contenu de qualité. Le cercle vertueux est ainsi enclenché, la tendance actuelle inversée.
  • Les pure players du web (Slate.fr, Mediapart, @rrêt Sur Image, Bakchich, Rue89, …) trouvent également un nouveau réservoir a audience, donc à revenus, et de par leur positionnement éditorial d’aujourd’hui (contenus a forte valeur ajoutée), tirent facilement leur épingle du jeu. Je reste en effet persuadé qu’en termes d’audience payante, ces sites ont aujourd’hui atteint leur plein potentiel.

Conclusion

Je reste très étonné que ce sujet ne soit pas évoqué, débattu, et de l’absence quasi-complète de solutions proposées. Beaucoup d’articles / émissions traitent et débattent du méchant Google (et son service Google News), de la crise de la presse…etc. Mais presque toujours sous l’angle de la « victime ».

De plus, pour reprendre la comparaison faite ci-dessus avec l’industrie musicale, les journaux ont très souvent écrit de très pertinentes analyses sur le changement dans les attentes des consommateurs, sur l’industrie qui s’automutile en espérant coûte que coûte défendre son ancien et si lucratif modèle économique…etc. Alors, pourquoi ne lisons nous rien à son propre sujet (mis a part la révolution iPad qui n’en est pas une !) ?

Alors, messieurs, s’il vous plait, arrêtez de vous poser en victime, sortez de votre attitude passive et dépendante, écoutez-nous, et proposez nous des modèles pertinents, nous serons alors acheteurs !

La conclusion est simple : aujourd’hui, je ne paye rien. Avec ce modèle, je serai prêt à m’abonner ! Et vous, que pensez-vous d’une telle proposition ?

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Billet initialement publié sur le blog de Eric Delattre.

Crédit Photo CC Flickr : Opacity, Lulupine.

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