OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Institubes rend les armes http://owni.fr/2011/03/16/institubes-rend-les-armes/ http://owni.fr/2011/03/16/institubes-rend-les-armes/#comments Wed, 16 Mar 2011 17:46:41 +0000 Loïc Dumoulin-Richet http://owni.fr/?p=31168 C’est une figure de la pop, du hip-hop et de l’electro qui s’éteint aujourd’hui. Mercredi 16 mars, dans un communiqué direct et empreint d’une certaine amertume, le label Institubes a annoncé sa fermeture après huit ans d’activité.

Dans ce contexte, les fondateurs du label, Jean-René Etienne et Emile Shahidi dressent un bilan de leur aventure avec le collectif emmené par les emblématiques Para One, Cuizinier, Orgasmic ou Teki Latex (TTC), Jean Nipon ou encore Chateau Marmont. Il illustre les difficultés rencontrées par les petits labels, pour qui vendre de la musique reste primordial.

Je pourrais écrire dix pages sur les réalités et les difficultés liées au business de la musique […]. Nous n’avons jamais connu l’âge d’or dont nos ainés dans l’industrie chantent les louanges. Nous avons toujours évolué dans un paysage post-apocalyptique et paupérisé jusqu’à la mort, empli de zombies de directeurs artistiques irradiés et de blogueurs mutants et aveugles. Nous avons toujours mené un bataille difficile. Mais les choses ont empiré

Institubes est l’une de ces structures de l’ère post-Napster. Porté par un collectif d’artistes aux influences diverses, le label a su garder une ligne claire et distincte, qui plutôt que de s’ouvrir à des “coups” mainstream rémunérateurs, s’est construit tout au long son existence une cohérence artistique davantage mue par la volonté de se forger une identité forte que par celle de faire concurrence aux majors. D’ailleurs, lorsque Institubes collabore avec Alizée, l’ex Lolita aux millions de disques vendus, en produisant son quatrième album studio Une Enfant du Siècle en 2010, c’est en apportant sa touche plutôt qu’en faisant du “Alizée par Institubes”, comme ont tendance à le faire de nombreux producteurs. Cf. le mercenaire RedOne qui réplique plus ou moins adroitement la même chanson pour toute la planète pop ou presque, de Lady GaGa à Enrique Iglesias en passant par Mylène Farmer et Nicole-Pussycat-Scherzinger.

Si les gros labels peuvent compter sur leurs vaches à lait pour compenser les projets plus risqués, les structures plus modestes se doivent de maintenir un équilibre a minima pour assurer leur survie. “Le fait que notre industrie vive une lutte permanente où 90% de notre temps est consacré à “rester à flot” cache un fait important : nous jouons toujours le jeu selon les règles qui nous ont baisés au départ“.

Car le nerf de la guerre pour tous les labels (et on ne parle pas ici d’artistes DIY) reste, quoiqu’on en dise de vendre de la musique. Ne pas avoir à se diversifier pour multiplier les sources de revenus. Ce qu’Institubes s’est évertué à faire, sans toujours y parvenir : “Tout ce qu’on aurait pu faire (ou presque) pour éviter ou retarder cette issue malheureuse tient en deux mots : lifestyle et branding. Investir dans la production de t-shirts, dans les partenariats avec des marques, signer des contrats de collaboration ou de sponsoring avec des boites aux poches bien pleines. Je n’ai qu’un regret : qu’il nous soit arrivé d’y céder. Nous aurions du refuser plus souvent“.

Un label peut-il donc raisonnablement envisager de survivre dans le contexte actuel en comptant uniquement sur les revenus liés à la seule vente de musique ? La tendance est plutôt au pessimisme, pourtant les contre-exemples existent. On peut notamment citer l’excellent label new-yorkais Neon Gold Records, qui s’est spécialisé dans la détection précoce de talents développés sur un ou plusieurs EP, avant de les faire signer avec des majors. Dans leur panier ? Ellie Goulding, révélation de 2010 aux 300 000 albums vendus au Royaume-Uni, ou encore Marina And The Diamonds, tandis que pour 2011 on peut prédire l’émergence de leurs poulains Monarchy (signés depuis chez Universal) ou encore The Sounds Of Arrows et The Knocks.
Lorsque l’on demande au label bordelais Banzai Lab s’il pourrait subsister sans apport complémentaire de la seule musique, la réponse est claire: “nous vendons des CD mais aussi des concerts, mais on pourrait clairement vivre sans le merch. C’est juste un petit plus. En revanche on ne pourrait pas vivre qu’avec la vente de musique, mais avec musique + spectacles (+ emplois aidés!), ça fonctionne.”

Rester à flot par tous les moyens est un objectif irraisonné. La seule manière honnête pour un label de gagner de l’argent, c’est de vendre de la musique. Cela nous a toujours gênés de vendre autre chose“.

Entre raison financière et volonté de garder sa conscience artistique intacte, il existe désormais un monde que la crise de la musique enregistrée a crée. Jean-René Etienne et Emile Shahidi apportent un élément d’explication pertinent même si pas unique : “La musique est dévaluée […] Au jour d’aujour’hui, la musique n’est pas même le second, le troisième ou le dixième des intérêts et éléments de culture. La mode, Apple, les jeux vidéos, les outils high-tech, les réseaux sociaux etc sont passés devant. J’imagine que c’est cool… Mais je ne veux pas avoir à devenir une dépendance de la mode. Tout comme je refuse de presser un artiste à sortir des titres à moitié aboutis chaque mois juste pour qu’il reste dans le coup.

La mort très publique d’Institubes n’est pas un cas isolé, mais plutôt la partie émergée de l’iceberg constitué d’autres labels, moins connus, moins hype qui disparaissent chaque jour. Les nombreuses réactions ce matin sur les réseaux sociaux prouvent un point qu’il ne faut pas oublier. Le collectif est né en pleine crise et a réussi à vivre pendant huit ans, en produisant un nombre d’artistes considérable et réussissant à s’imposer sans trop sacrifier son intégrité artistique. Pour cela, il manquera sans doute au paysage musical, mais quitte la scène avec classe, en offrant une réflexion pertinente si ce n’est nouvelle sur la vie des petites structures.

Crédits photos : FlickR CC Caesar Sebastien

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C’est quoi l’équation idéale pour vendre sa musique? http://owni.fr/2011/03/03/cest-quoi-lequation-ideale-pour-vendre-sa-musique/ http://owni.fr/2011/03/03/cest-quoi-lequation-ideale-pour-vendre-sa-musique/#comments Thu, 03 Mar 2011 12:11:42 +0000 Anastasia Levy http://owni.fr/?p=30627 Anastasia Levy, peut-être plus connue pour certains sous le pseudo de @jokerwoman, est diplômée de l’école de journalisme de Strasbourg. Elle est l’auteur de plusieurs articles sur OWNImusic dont les très bonnes interview de Christian Scott et Nina Kinert. Elle prête notamment sa plume au magazine Usbek & Rica et tant d’autres. Elle nous offre aujourd’hui un petit bilan de ses observations sur l’industrie musicale. Comment font-ils pour s’en sortir, ces artistes? A chacun sa formule.

L’expérience de Radiohead

En 2007, Radiohead avait eu l’air de proposer le meilleur modèle possible pour vendre son album, In Rainbows. Le pay-what-you-want, un système avec lequel tout le monde était gagnant, sauf les maisons de disques, pointées comme des exploiteurs d’art, faisant leur beurre sur le dos des artistes et du public. Alors que tout le monde avait salué cette démarche, à part quelques commentateurs n’y voyant que le côté commercial, Radiohead remet tout en cause en ce début d’année et propose son nouvel album à un prix fixe. Ou à des prix fixes plutôt. Les internautes doivent dépenser au moins 7 € pour télécharger huit titres en mp3, jusqu’à 39 € pour un mystérieux futur « newspaper album » et dès à présent les titres en .wav. Thom Yorke avait prévenu dès 2008 (interview dans The Hollywood Reporter) que la distribution d’In Rainbows était une réponse unique à une situation particulière (après leur bataille pour se séparer d’EMI), mais tout le monde autour martelait (par ici ou par là) que ça avait été particulièrement bénéfique pour eux, au moins par les retombées externes à l’album (concerts, réputation, impact même de l’album sur l’industrie de la musique). Radiohead revient aujourd’hui dessus, expliquant que c’est une « progression logique ».

Mais de logique, personne ne peut parler aujourd’hui, dans l’industrie de la musique. Chacun y va de son innovation plus ou moins intéressée/intéressante, mais aucun modèle ne s’impose finalement. Alors que se développent difficilement des lieux de rencontre et de dialogue pour les acteurs qui veulent se poser la question de l’évolution de ce marché (voir, par exemple, le bilan de MusicNet.works) la tendance est encore à l’opposition, du simple mépris aux procès qui durent des années (majors contre plateformes de téléchargement, majors contre artistes, artistes contre plateformes, et même pire, artistes contre public).

Ce n’est évidemment pas parce que Radiohead l’a abandonné que le pay-what-you-want est mort. Si le groupe d’Oxford est le poil à gratter des majors, Nine Inch Nails est leur cauchemar. Pas question pour le groupe de repasser à une autre formule que le pay-what-you-want pour le groupe de Trent Reznor qui avait, à l’époque où ils étaient chez Universal, appelé leurs fans à voler leurs albums, et fait l’apologie du site de « piratage » Oink.

Le DIY et le crowdfunding

Ce système ne marche pas, comme on pourrait le croire, qu’avec des groupes déjà bien installés. Il a récemment permis à de petits groupes de faire le buzz autour de leur premier album, comme les excellents Yellow Ostrich, qui proposent de « name your price » pour télécharger l’album en numérique : « Download it for free, or pay-what-you-want, its your choice ». Forts de leur démarche, qui prend plutôt bien, ils placent sur leur bandcamp un lien vers Kickstarter, site de financement par les internautes sur lequel ils proposent d’investir dans… la production de leur album en vinyl. Le groupe n’a donc rien déboursé pour leur album physique : pour qu’il soit produit, il fallait que les internautes investissent (sans retour sur investissement possible, à part un cadeau déterminé à l’avance) au moins 2500 $, objectif atteint en quelques semaines. Ca fait rêver, tant la simplicité de la démarche a propulsé sa réussite.

Le côté pratique des majors

Et pourtant, même pour les jeunes groupes, la signature sur un gros label reste un des premiers objectifs. Frida Hyvonen nous confiait récemment que sa signature chez Universal Publishing, après trois albums en production et distribution indépendantes, était un soulagement : plus d’argent et donc plus de temps pour créer et pour enregistrer. C’est effectivement encore là que les moyens de production sont concentrés, et que les artistes sont chouchoutés. On comprend ainsi que les gros, type Daft Punk ou Dr Dre ne cherchent pas à se séparer de ceux qui leur offrent sécurité et visibilité (voire matraquage médiatique).
Et le rapport de force s’inverse : les maisons de disques signent aujourd’hui des contrats qui bénéficient plus aux artistes qu’avant. Les labels sont devenus les employés des artistes.

Par ailleurs, les majors ont développé ou racheté des labels spécialisés ou indie, comme Blue note (label jazz d’Herbie Hancock ou John Coltrane) chez EMI, ou Nonesuch chez Warner, qu’ils tiennent à bout de bras. Besoin d’une caution artistique ? Peut-être, mais personne ne peut nier que c’est bénéfique pour les artistes. Mais…aussi pour les majors, qui évitent ainsi de prendre les risques nécessaires à la vitalité du monde musical. Au lieu de produire des artistes non calibrés pour le marché, elles exploitent les catalogues de ceux qui ont pris ces risques.

Des labels qui pèsent

De trop rares exemples prouvent que la signature sur un label indé n’empêche pas un tel succès : Arcade Fire, sur Merge records, connaît un succès phénoménal, tandis que récemment Vampire Weekend, sur XL’s recordings, voyait son album Contra devenir n°1 des charts albums aux Etats-Unis. XL ne sort pourtant que…six albums par an, et signe un nouvel artiste par an : le choix de l’hyper-spécialisation. Richard Russell, le PDG du label confiait au Guardian : « On refuse 200 000 démos par an. En gros, on dit non à tout, et même à plein de grands artistes. Il faut une dose de courage pour faire ça. C’est une philosophie anti-commerciale ». Russell évite les dépenses inutiles (des clips ? pour quoi faire…) et ne dépense jamais plus que ce qu’il a… Un modèle simple et payant.

Certains musiciens refusent encore de traiter les questions bassement matérielles de distribution et de se poser même la question de l’avenir de l’industrie dans laquelle ils vivent. Est-ce déshonorant de parler d’autre chose que d’art ? Ceux qui le font sont en général attaqués là-dessus (voyez les dizaines de critiques de Radiohead…), alors que ça ne suppose absolument pas de mettre de côté l’aspect musical.
Toute l’industrie de la musique s’agite depuis une dizaine d’années déjà pour savoir quel modèle ressortira vainqueur du séisme de la gratuité. Mais la réponse sera peut-être dans l’hétérogénéité, chaque groupe définissant son modèle personnel comme une partie de sa personnalité.

Crédits photos CC flickr : dunechaser, dullhunk, superde1uxe

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MIDEM 2011 : Le paradoxe français ? http://owni.fr/2011/01/18/midem-2011-le-paradoxe-francais/ http://owni.fr/2011/01/18/midem-2011-le-paradoxe-francais/#comments Tue, 18 Jan 2011 09:38:53 +0000 unicum http://owni.fr/?p=29628 L’édition 2011 du plus grand salon professionnel de l’industrie musicale, le MIDEM, démarre dès ce week end à Cannes.

Emily d’Unicum Music nous livre son point de vue sur le décalage entre une politique économique française rétrograde dans son soutien à l’industrie, et l’accueille de cet évènement international phare.

A peu près au même moment l’année dernière où étaient réunies en France pour le sommet annuel du MIDEM tout ce que l’industrie musicale mondiale compte de personnes visionnaires et influentes, M. Zelnik remettait au Président de la République un rapport censé contenir toutes les mesures urgentes et nécessaires pour sauver notre industrie, toutes affaires cessantes.

L’idée n’est pas ici de disséquer ce rapport. C’est toujours facile de se prononcer un an après qu’il ait été publié alors que tout un chacun a pu constater l’échec ou la portée toute relative des diverses mesures préconisées et mises en place à ce jour. Non, le sujet n’est pas là. La vraie question pour moi est ailleurs.

Le disque, le disque, le disque !

Cet article est surtout né de la constatation d’un décalage paradoxal dans le même pays au même moment et sur le même sujet entre la timidité d’un rapport remis au chef de l’Etat et l’incroyable bouillonnement d’idées et la forte volonté d’innovation dans l’air au MIDEM.

Comment expliquer que nous hébergions LA conférence annuelle de référence pour toute l’industrie musicale à l’échelle mondiale mais que nous ne soyons pas capables d’y intéresser les acteurs au plus haut niveau de l’Etat?

Il aurait suffi de deux ou trois rapporteurs au MIDEM pour résumer et rendre compte de toutes ses incroyables conférences, de la diversité des facettes de l’industrie abordées, de l’audace et de l’ambition des pistes explorées pour « l’avenir de l’industrie musicale » pour permettre au Président de la République, si désireux de comprendre notre industrie et comment la faire avancer la tête haute, d’aborder la « crise » autrement que par le seul prisme du disque.

Car le rapport Zelnik a été conduit sous l’égide de quelqu’un qui vient du disque, conditionnant profondément la démarche qui ne visait plus qu’à sauver l’industrie du disque, consciemment ou non. Et encore : pas toutes ses composantes, au vu de tous les labels indépendants, les petites structures et artistes auto-produits etc.., qui sont les premiers touchés par cette crise et qui ne se reconnaissent pas dans ce rapport (comme en atteste le manifeste commun de la FEPPIA et CD1D “La Création Sacrifiée” à ce sujet).

L’industrie musicale ne se résume pas aux seuls labels et il y a d’autres acteurs essentiels à inviter à plancher sur l’avenir: les artistes, tout d’abord, à qui l’on ne donne tristement jamais voix au chapitre (et pas juste ceux qui vivent de leur musique parce qu’ils occupent le paysage depuis 10, 20 ou 30 ans), les tourneurs, les éditeurs, les managers, les marques, les médias et un panel de consommateurs de musique, citoyens dont les besoins de musique et usages de consommation évoluent au quotidien.

« Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ». Lavoisier avait raison. C’est un peu la même chose pour la musique. La « consommation » de musique est en hausse constante depuis 2000 mais les ventes à l’unité s’effondrent. Les usages et les besoins se transforment. La valeur de la musique est à redéfinir. Le monde change, les acteurs aussi.

Beaucoup de personnes se sont contentées d’avoir un discours de justiciers en disant que les labels n’avaient que ce qu’ils méritaient parce qu’ils avaient fait leur beurre sur le dos des fans pendant des années avant. C’est un peu facile et ça ne répond pas vraiment à la question.

On peut déplorer au final l’occasion manquée d’une profonde introspection sur les véritables raisons de cet échec plutôt que de perdre plus de temps à identifier les coupables. Les acteurs centraux de l’industrie ces dernières décennies, dont l’arrogance et le déni de réalité les a amenés à renoncer à jouer un rôle central dans la façon de penser l’avenir, sont aujourd’hui presque plus à plaindre qu’autre chose.

L’exception culturelle ?

Mais au-delà même des nombreux arguments d’ordre juridiques, économiques, politiques etc…. le fond du « problème » tient peut-être aussi à quelque chose de spécifiquement français : la fondamentale ambivalence de notre rapport à l’Etat.

Quel que soit le gouvernement, nous sommes les premiers à défier l’Etat et son autorité, railler sa lenteur, son inefficacité, ses complications administratives et nous mobiliser pour préserver nos acquis. Mais lorsque nous nous retrouvons dans une impasse, une situation inconnue, notre premier réflexe est de nous (re)tourner vers l’Etat et le considérer comme le seul apte à nous sauver. Etrange paradoxe.

Face à l’inconnu, le réflexe systématique consiste à taxer les centres de profit et redistribuer la récolte sous forme de subventions. Et qu’ont été deux des mesures phares du rapport Zelnik ? Une taxe sur la publicité en ligne (centre de profits…) et la Carte Musique Jeunes (subvention à l’achat…).

Pourquoi toujours attendre de l’Etat qu’il légifère, qu’il régule, qu’il nous trouve la solution ? N’avons-nous pas confiance en notre capacité à nous débrouiller tous seuls ? A chercher et puiser en nous les solutions à nos problématiques ?

Peut-être qu’un jour il nous faudra nous voir et nous accepter tels que nous sommes : nous avons peur du changement, nous nous méfions de l’innovation et nous considérons suspecte tout avancée en dehors du cadre de l’Etat. Providentiel, forcément. Nous sommes encore terriblement scolaires. Nous en sommes encore à nous plaindre dès qu’un obstacle surgit parce que nous n’avons pas assez confiance en notre capacité à aller de l’avant et que nous ne sommes pas encore assurés d’avoir la meilleur place à la table du futur.

Mais pourquoi ce manque de confiance ? Pourquoi toujours glorifier les autres parce qu’ils ont fait ce que nous n’osons pas faire nous-mêmes ? Nous avons toutes les cartes en main pour avancer, se faire une place, frayer notre propre chemin mais la confiance en notre capacité à le faire nous fait défaut.

Et si la crise de l’industrie était en fait une crise d’adolescence ? Transitoire, nécessaire, une mue inévitable.

D’un côté, l’Etat, un parent désemparé et en décalage avec la nouvelle génération parce qu’il prend encore sa jeunesse pour repère. De l’autre, de jeunes adultes encore en devenir, désireux d’imposer leur marque et galvanisés par la découverte récente de leur propres aspirations, mais frustrés de ne pas savoir encore exactement comment les formuler ni les réaliser. Mais avec un regard vers l’enfance providence qui avait du bon… L’Etat serait comme un parent qu’on ne choisit pas, dont on a un peu honte à l’adolescence mais en creux duquel on se construit et sans lequel nous sommes perdus.

Le MIDEM est dans une semaine. La France est à l’honneur cette année. Les huit artistes présentés sont de qualité mais tous chantent en anglais. Pendant ce temps là, l’Etat, l’industrie musicale et les fans de musique se regardent encore en chiens de faïence. J’espère seulement que nous dépasserons cela un jour. Bientôt.

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UNICUM est une société de management d’artistes, d’éditions musicales et de conseil marketing et stratégique.

Cet article a été initialement publié sous le titre de Idioties #3 ou Le paradoxe français

Crédits photo CC Flickr : H e l l m a n, DavidDMuir, Mike Rohde

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Quand Napster se faisait hacker http://owni.fr/2011/01/04/quand-napster-se-faisait-hacker/ http://owni.fr/2011/01/04/quand-napster-se-faisait-hacker/#comments Tue, 04 Jan 2011 15:21:36 +0000 Ellis Jones - Vice http://owni.fr/?p=29258 John Fix et Taylor Stewart, deux personnages qui ont fait parler d’eux lors de la période Napster ont été interviewés par Ellis Jones. L’un et l’autre se sont fait connaître pour des utilisations différentes du service. Cette plateforme est mise en ligne en 1999 et “à l’époque”, cela a fait un drôle d’effet. Nous avons le plaisir de  reproduire ces témoignages initialement publié dans le magazine Vice.

Napster 1.0 était un des meilleurs trucs qui soit arrivé à Internet. Ce n’était pas qu’un site de partage de fichiers sur lequel des préados allaient piquer des morceaux de Snoop Dogg. Ça ressemblait plus à un énorme souk où n’importe qui pouvait trouver n’importe quel genre de musique jamais créée. Dans les mois qui suivirent son lancement à l’été 1999, des millions d’utilisateurs autour du monde téléchargeaient des joyaux qu’on ne pouvait pas trouver ailleurs. Même les ethnomusicologues tapaient l’adresse du site pour trouver des enregistrements jusque-là disparus. Pour les fans et les chercheurs, Napster était le seul portail à proposer les sorties de labels légendaires comme Folkways et Melodiya. Et non seulement c’était accessible, mais en plus c’était super rapide.

Évidemment, les mecs des maisons de disques et les stars de la musique se chiaient dessus. Pour eux, Napster était le diable incarné parce qu’il leur faisait potentiellement perdre du fric. Ils ont utilisé cette peur et ont finalement été le catalyseur de la chute de Napster. Mais avant cette disparition, quelques individus et artistes partageaient un avis ambivalent sur la chose : certes, Napster encourageait le piratage, mais ça leur donnait l’occasion de s’asseoir et de débattre de l’avenir de l’industrie musicale, des nouvelles technologies et de la façon dont notre génération les appréhendait. Dix ans plus tard, bien après la tempête, on a retrouvé certains de ses instigateurs – John Fix, le responsable des fameux «œufs de coucou » sur Napster, et Tyler Stewart, le batteur des, hum, Barenaked Ladies.

Il y a dix ans, ton frère Michael et toi avez pondu les « œufs de coucou » – des téléchargements piégés – dans Napster. Il s’agissait de morceaux détournés auxquels vous donniez des titres de morceaux connus, et les gens les téléchargeaient sans le savoir. Vous êtes devenus un peu connus, CNN et le New York Times vous ont interviewés. Mais aucun de vous deux n’était artiste ou ne travaillait dans l’industrie musicale. Qu’est-ce qui vous a pris de saboter Napster ?

John Fix : Quand Napster est sorti, je l’ai téléchargé direct, mais mon frère était moins enthousiaste. Il était marié à une meuf, Stephanie, qui essayait de vivre de sa musique. Napster les emmerdait parce que les artistes n’étaient plus rétribués à travers la distribution de leurs chansons. Elle nous faisait : « Hé, je me lance enfin et l’industrie musicale s’effondre ? »

Tu partageais ces sentiments ? Le fait que Napster n’était pas qu’un simple site de partage de musique mais du piratage à une échelle mondiale ?

Bah… J’étais partagé. Pour moi, oui, il fallait trouver un moyen de rétribuer les artistes, mais la technologie progressait tellement vite à l’époque que j’ai vite compris qu’il allait falloir s’adapter. Un de mes problèmes avec Napster c’est qu’on pouvait trouver huit versions différentes d’un morceau et la qualité variait du tout au tout – certaines versions ne correspondaient même pas au bon morceau !

Les gens téléchargeaient tellement de fichiers d’un coup qu’ils ne prenaient même pas le temps de les écouter. Alors je me suis dit que ça pouvait être un bon moyen de refiler les morceaux que faisait Stephanie : en prenant une de ses chansons et en la renommant avec un titre qui pourrait avoir du succès sur Napster, genre « American Skin (41 Shots) » de Springsteen.

Mais sur votre site, vous disiez que vous faisiez de l’hacktivisme. Est-ce qu’il y avait pas une sorte de jubilation dans le fait de hacker un programme hyper répandu ?

C’est clair. J’étais allé au MIT pendant deux ans, alors je connaissais un peu. Et pour le hacking – dès lors qu’il s’agissait d’une blague débile et pas de piquer des cartes bleues – c’était super simple. Il ­suffisait de prendre une chanson, de la renommer comme tu voulais et c’est comme ça qu’elle apparaissait sur Napster.

Alors c’était quoi votre but ?

On n’avait rien de précis en tête. Je dirais qu’avant tout, ce qui me plaisait c’était le côté hacking, parce que c’était fun. Je crois que les motivations de Michael étaient beaucoup plus vastes. D’un côté, il voulait mettre fin à Napster, et de l’autre, il voulait promouvoir la musique de sa femme. Alors on est arrivés à un point où un tas de gens ont commencé à nous dire : « En fait vous vous en foutez de ­hacker Napster, ce qui vous intéresse c’est de faire la promo de Stephanie. » C’est là qu’on a commencé à prendre des morceaux connus en mettant du bruit au milieu, un son de coucou en boucle par exemple. Ça a tout changé. C’est à ce moment-là que le New York Times nous a contactés pour une interview. Avec tout ce qui se passait, on a compris qu’on avait besoin d’un site pour nous expliquer.

Votre site, il semble sortir tout droit de Matrix.

C’était un habillage par défaut et comme il avait l’air binaire, on l’a gardé.

Vous receviez des mails de haters ?

Bien sûr. On avait des mails de mecs qui étaient furieux et d’autres qui trouvaient ça amusant.

Vous précisez bien sur votre site que vous ne faisiez pas ça pour aider l’industrie musicale.

On essayait de trouver un moyen de filer de l’argent aux artistes, et les maisons de disques étaient ceux qui se goinfraient sur toute la marge.

Quelques années après nos histoires, un certain nombre de boîtes ont récupéré notre idée, en ont fait un modèle commercialisable et ont proposé leurs services aux maisons de disques. Ça nous a un peu fait tiquer.

Donc en créant ces œufs de coucou, vous avez involontairement aidé les maisons de disques. Ironie du sort, diront certains.

Eh ouais. Mais polluer les fichiers, ça ne fait que stimuler les hackers pour qu’ils créent de meilleurs programmes de partage. Mais aussi, en mettant autant d’argent dans la création de faux fichiers, les maisons de disques gaspillaient leur fric.

Vous en pensez quoi a posteriori ?

À l’époque on ne faisait que rajouter un peu de bruit dans le mix, et à un moment, on a lâché l’affaire. Mais je pourrais recommencer et cette fois je le ferais mieux. Je n’essayais pas tant de couler Napster que pointer du doigt ses défauts. En implantant ces œufs de coucou, j’espérais que les gens comprendraient que de temps en temps, bah, c’est pas mal de faire un tour dans les milliers de fichiers de ton disque dur. Et je pense que c’est le hacker en moi qui veut agir quand il réalise que l’utilisateur lambda ne comprend pas les conséquences de ce qu’il fait. Secundo, je pensais que faire ça permettrait aux gens d’en parler et de se demander : « Hé, mais l’artiste dans tout ça ? »

Jamais je ne comprendrais que quelqu’un se fasse arrêter ou même traîner devant la justice pour du partage de fichiers, mais j’ai toujours pensé qu’avec la création de Napster, on avait ouvert une boîte avariée.

La technologie allait si vite que je me suis dit que faire un peu de sabotage là-dedans ralentirait les choses, pousserait les gens à s’arrêter pour trouver une solution. Mais en fait ce n’était pas si difficile à réparer. Et maintenant, pour la première et dernière fois, Vice parle à un membre des Barenaked Ladies, qui ont l’air assez cool finalement.

Aux alentours de l’an 2000, ton groupe a sorti une série de téléchargements genre Trojan. Au lieu de choper ce qu’ils pensaient être votre dernier single en date, les gens téléchargeaient une pub pour Maroon, votre album à venir. Pourquoi ?

Tyler Stewart : En 2000 on avait signé avec une major, Reprise Records, et c’était leur idée. À l’époque on n’y connaissait pas grand-chose en partage peer-to-peer. Et franchement, on savait pas que ça allait être l’avenir de l’industrie musicale. Apparemment, les boîtes de disques non plus, et elles se sont fait choper au vol. À l’époque, en 2000 et fin des années 1990, c’était l’apogée de l’industrie musicale. Et on était en plein dedans. Après avoir fait des tournées pendant dix ans, on commençait à grossir. On a fini par y arriver, atteindre le ­million d’albums au moment où Napster a débarqué. Apparemment, le label a vu ça comme une menace.

Comme beaucoup d’artistes. Évidemment, Lars Ulrich de Metallica s’est fait le plus remarquer avec sa croisade contre Napster. Dr. Dre et d’autres ont suivi. Mais vous, vous n’essayiez pas nécessairement d’anéantir Napster ?

Non. Je crois qu’ils étaient furieux parce qu’ils n’avaient pas compris tous les enjeux. Les artistes ont plus de recul aujourd’hui, ils ont compris que les maisons de disques se battaient pour savoir qui vendrait le dernier CD. Elles se foutaient des artistes. Maintenant le CD est un format obsolète. Comment les majors ont fait pour ne pas le voir venir ? Ils doivent trouver un moyen de tirer de l’argent du peer-to-peer.

iTunes est un bon exemple de la manière dont ils ont géré la situation. Donc quand Reprise vous a proposé l’idée de faire des Trojan, ils vous ont donné l’opportunité de le faire vous-mêmes ?

Oui, on voulait que ce soit un gag. C’était une manière de rappeler gentiment « Hé ! C’est illégal ! » sans avoir à passer par le tribunal, avec la tonne de paperasse que ça entraîne, comme l’a fait Lars.

Quand Napster a démarré, la plupart des utilisateurs ne réalisaient pas que c’était du vol. Les collectionneurs et les amoureux de la musique ouvraient Napster et d’un coup toute la musique devenait disponible de chez toi.

Plus besoin d’aller dans une boutique où un vendeur hautain te prend de haut. Tu y étais. Je crois que la beauté et la facilité d’accès d’un truc comme Napster, c’était ça la révélation.

T’avais peur de te mettre les fans à dos ? Est-ce que c’est pour ça que le groupe a approché la chose de manière aussi badine ?

On était un peu sceptiques à l’idée de le faire, alors le faire de ­manière humoristique c’était une manière de se rassurer. Si tu étais fan des Barenaked Ladies, surtout à cette époque, tu pouvais t’attendre à quelque chose d’humoristique, d’un peu décalé. Nos fans réagissaient plutôt bien à ce genre de trucs en fait. Tes fans achèteront tes trucs de toute manière, ou ils les trouveront d’une façon ou d’une autre. Je ne pense pas qu’on les ait pris à revers.

Rétrospectivement, vous auriez fait les choses différemment ?

Non. Pour nous, ça faisait partie de la machine promotionnelle. C’est comme jouer gratos dans une radio ou faire des interviews. Je pense qu’on n’avait pas conscience que ça faisait partie d’un gros tournant sociologique dans la manière dont les gens voient le business ou écoutent de la musique. Aujourd’hui, l’industrie du disque est moribonde et j’en ai vraiment rien à foutre. Les gens achèteront de la musique s’ils sont passionnés. Ils dépenseront de l’argent. Faut juste trouver un moyen de continuer à intéresser tes fans. Et je pense que faciliter l’accès comme ça a été le cas avec Napster, c’est un moyen d’y parvenir. La vérité, c’est que les labels se voilaient la face.

Ils flippaient trop pour l’accepter.

Bah, c’était eux qui avaient le plus à perdre. Et ils ont perdu. Je pense qu’on peut dire que la guerre est finie. Un des trucs bien c’est que ceux qui restent dans le business – le cœur de l’équipe d’un label et les jeunes qui sont passionnés – sont ceux qui ont des idées. Le business doit être plein de penseurs d’avant-garde, des genres de mecs qui bossent dans des boutiques et qui arrivent à survivre avec plein d’idées innovantes et de nouvelles approches parce que les méthodes de papa sont has been. Pendant des années, les artistes ont souffert de se faire mettre par les labels.

Alors Napster, c’est un peu le « nique-toi » de cette génération à ­l’industrie musicale.

Que les artistes l’aient compris ou pas à l’époque, ça a été un truc bénéfique. Je comprends que certains l’aient perçu comme une ­menace. Mais, au final, ça a détruit l’intégralité d’un système qui avait exploité la majorité des artistes. Faut le voir comme ça. Il faut trouver de nouvelles manières de faire, et il y aura de nouvelles manières de faire. C’est comme ça que je le vois. Et les mecs qui ont lancé Napster, et les geeks qui ont inventé le peer-to-peer, ce sont eux le futur. C’est à nous de trouver, en tant qu’artistes, de nouvelles façons de l’utiliser à notre avantage sans chercher à le détruire.

Article initialement publié sur: viceland

Crédit photos CC flickr: keso; Bethany L King; freefotouk

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