OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Anonymous démasque la fachosphère http://owni.fr/2012/02/08/anonymous-demasque-la-fachosphere/ http://owni.fr/2012/02/08/anonymous-demasque-la-fachosphere/#comments Wed, 08 Feb 2012 18:41:43 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=97767

Anonymous s’est lancé dans une nouvelle bataille, après le soutien symbolique aux révoltes arabes et les protestations contre la fermeture du site de téléchargement MegaUpload. Le collectif informel a attaqué des sites d’organisations d’extrême-droite en Europe et aux Etats-Unis. En France, l’opération Blitzkrieg a donné lieu à un curieux chassé-croisé. Les piratages de cinq sites d’extrême-droite et d’un site se réclamant anti-fasciste ont tous été revendiqués par des Anonymous.

Un message laissé sur antifasciste.info prétend que le site a été piraté et le contenu modifié (défacé) par les Anonymous. Ils auraient ainsi agi en représailles des actions menées contre les sites d’extrême-droite :

Début Janvier 2012, plusieurs sites appartenant à la mouvance d’extrême droite ont été piratés.
Ces actes ont été signés par Anonymous antifa ou Antifanonymous et n’ont aucun rapport avec notre mouvance.
Nous condamnons ces actes là. En agissant ainsi les script kiddies qui ont réussi à détourner des sites de débutant ont agit contre la liberté d’expression pour laquelle Anonymous se bat à travers le Monde et ne valent pas mieux que les dictatures qui exercent un pouvoir totalitaire et une censure sur l’opinion du peuple.

Une accusation étonnante au vue de l’éthique, certes fluctuante, du groupe éthéré et décentralisé que constituent les Anonymous. Le collectif n’a pas de colonne vertébrale, mais un socle de valeurs communes, au sommet duquel trône la liberté d’expression. Lors de l’opération contre les sites officiels des autorités iraniennes, de longues discussions avaient eu lieu pour déterminer si le site d’une agence de presse pouvait être pris pour cible. Celui-ci diffusait les photos de manifestants et appelait les lecteurs à la délation. Cet outrage le privait de sa qualité de média, qualité qui le prémunissait jusqu’alors des attaques des Anonymous.

Un label sans monopole

Iraient-ils jusqu’à défendre la liberté d’expression de sites de droite radicale ? Probablement pas, mais personne n’a le monopole du label Anonymous. Pour pallier les difficultés rencontrées, notamment dans les relations avec les médias, certains Anonymous ont structuré la prise de parole publique. Des règles sont à l’essai pour “réaliser des interviews dont les réponses sont écrites collectivement”, ce afin d’éviter “la course à l’échalote dans le choix des intervenants” lorsque les médias manifestent de l’intérêt.

Anonymous, du lulz à l’action collective

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L'anthropologue Gabriella Coleman, spécialiste reconnue des Anonymous, a été la première à suivre le phénomène. Dans ...


Reste qu’Anonymous, par définition, ne communique pas uniquement par ce biais. En réponse au prétendu défacement du site antifasciste.info, une vidéo a été brièvement mise en ligne. Sur La jeunesse emmerde le Front national des Bérurier Noir défilaient des images du parti d’extrême-droite français et des montages apposant le visage d’Hitler sur le corps de Marine Le Pen. La vidéo n’est plus accessible, car “c’était un pavé dans la marre” nous a expliqué la personne qui a posté la vidéo.

Le blog Fafwatch, connu pour surveiller et parfois révéler des informations personnelles sur des militants d’extrême-droite, s’est fait l’écho d’une autre interprétation. Un article paru sur le blog affirme que le site antifasciste.info appartient au Groupe Union Défense (GUD), un mouvement d’extrême-droite. Ils auraient procédé à un faux défacement du site pour prétendre que les Anonymous étaient de leur côté. Au terme de recherches en ligne approfondies, Fafwatch affirme avoir identifié l’auteur du piratage de antifasciste.info et qu’il s’agit bien d’un militant d’extrême-droite, irrité par l’opération Lyon Propre lancée en janvier contre la fachosphère française.

#OpBlitzkrieg

Le 14 janvier, la “Jeunesse nationaliste” avait défilé à Lyon derrière Alexandre Gabriac, exclu du FN pour avoir posé faisant le salut nazi, et Yvan Benedetti, chef du groupuscule d’extrême-droite “Oeuvre française”. Cinq sites de la fachosphère sont alors pris pour cibles par les Anonymous : oeuvrefrançaise.com, six-fevrier.com, yvan-benedetti.fr, jeune-nation.com et la-flamme.fr. Comme à l’accoutumé, une vidéo est mise en ligne pour revendiquer, signer et donner quelques informations supplémentaires sur l’opération.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le dernier coup d’éclat en date fut le piratage du compte email de Steven Bissuel, chef de la section lyonnaise du GUD. Parmi les documents figurent le compte-rendu d’une réunion interne qui confirme l’existence d’une branche étudiante, l’Union défense de la jeunesse. “Le combat nationaliste” détaille la liste des bonnes actions qu’un militant du GUD se doit d’effectuer chaque jour.

En Allemagne aussi, l’extrême-droite s’est fait déshabiller par les Anonymous, associant attaques par déni de service (saturation des serveurs sous les requêtes) et piratages de données, publiées ensuite sur des plateformes. Nommée avec ironie #OpBlitzkrieg, elle consistait à mettre hors-ligne puis récupérer et faire fuiter des données sur la blogosphère néo-nazie allemande. Des informations embarrassantes pour le parti d’extrême-droite allemand, le NPD, avait ainsi circulé : leur liste de donateurs, des emails internes, les identités de clients de boutiques néo-nazies entre autres.

Aux Etats-Unis, le collectif de hackers a découvert des liens entre le candidat à l’investiture républicaine Ron Paul et un réseau suprématiste blanc. Un portail permettant de faire des recherches par mot-clés dans les documents récupérés a été mis en ligne.


Illustration CC par Loguy pour Owni

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Internet: l’immigration réussie de l’extrême droite http://owni.fr/2011/05/17/internet-limmigration-reussie-de-lextreme-droite/ http://owni.fr/2011/05/17/internet-limmigration-reussie-de-lextreme-droite/#comments Tue, 17 May 2011 11:16:24 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=62959 Face à la stratégie de diabolisation qu’opèrent les médias grand public vis à vis de l’extrême droite, il est difficile pour ses leaders de se faire entendre, et de faire entendre leurs causes. C’est en substance le cadre de l’intervention de Jean-Yves Le Gallou le 25 octobre 2008. Ancien cadre du FN puis du MNR et fondateur du think-tank Polemia, il s’inspire du théoricien communiste Antonio Gramsci pour inciter les militants d’extrême-droite à investir massivement le web. Il développe son argumentaire en 12 thèses.

Les instruments utilisés pour influencer l’opinion n’ont jamais été aussi puissants [mais] ces moyens d’influence ont été utilisés par les élites dominantes pour imposer une idéologie de rupture avec les traditions du passé.

Raillant une idéologie du politiquement correct, il trouve en Internet “un instrument de mobilisation, un moyen de construire sa réflexion et son action de manière indépendante” et surtout “un moyen de contourner la diabolisation“. Il donne donc comme conseil aux militants d’extrême droite d’augmenter le contenu disponible.

Une présence historique

L’extrême droite n’avait pas attendu Jean-Yves Le Gallou pour asseoir sa présence sur Internet. Il avait été, en 1995, un des premiers partis à s’installer sur ce nouveau média. En 2004, Datops prétend que le Front National est le plus présent parmi les forums politiques de Usenet. Une page explique même en 2006 aux militants sur quels forums s’inscrire et comment s’y comporter. Le but est d’occuper le terrain pour “prendre la température sans le filtre des médias” et de prendre des contacts pour diffuser les idées. Un rédacteur de la Section Numérique du PS expliquait à l’époque comment, en observant les listes de discussion, on pouvait suivre les militants d’extrême droite se synchroniser pour lancer des discussions, se coordonner dans leurs réponses ou calmer l’ardeur des militants trop expansifs.

Des espaces libérés

En 2003, le MRAP avait sorti un rapport sur la Naissance d’une nouvelle extrême droite sur Internet pour “provoquer une prise de conscience sur la montée de cette islamophobie“. Principalement concentré sur SOS-Racailles, un forum reprenant la charte de SOS Racisme pour dénoncer le racisme anti-blanc et la “racaille” des banlieues, le rapport tente de démasquer les personnes tenant les différents sites pour alerter les autorités. Le réseau autour de SOS-Racailles se concentrait autour de l’hébergeur Liberty-web, basé aux USA. Selon Transfert.net, parmi les 26 sites visibles sur le portail de Liberty-web, 24 étaient “ouvertement racistes, nationalistes, catholiques intégristes, royalistes ou sionistes extrêmes“.

La réinformation

Face à ce qu’ils considèrent comme une idéologie dominante et une hégémonie culturelle, les militants d’extrême droite pratiquent sur Internet ce qu’ils qualifiient de “réinformation”. C’est notamment le rôle que veulent jouer l’agence de presse indépendante Novopress ou le site fdesouche. Ce site, démarré en 2005, présente tous les jours une revue de presse, légèrement biaisée. Célèbre pour de nombreux buzz, notamment une vidéo montrant un prof agressé à Porcheville. Il avait également servi de caisse de résonance dans l’histoire de l’agression d’un jeune dans un bus par des “racailles”.

Un des leviers à leur disposition pour essaimer leurs idées est leur présence sur les forums, notamment de jeunes. Ainsi, en 2008, Justine Brabant, du site Arrêt sur image, soulignait les stratégies d’installation des militants dans le forum 15-18 de JeuxVideo.com, et de la communauté noëliste, un groupe formé par les habitués du forum, qui se rassemble autour d’un smiley “Père Noël”. Les commentateurs de fdesouche estimaient que cette communauté, similaire dans l’esprit à 4chan, où les jeunes repoussent les limites du bon goût et le sens des valeurs, formerait un terrain favorable aux idées de fdesouche.

Investir les réseaux sociaux

Jean-Yves Le Gallou n’a fait que pointer du doigt un phénomène déjà bien en place. À la fin de sa déclaration, il le remarque en se félicitant :

Je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle entre l’arrivée d’Internet dans les années 1995 et la montée progressive des mouvements populistes en Europe. [...] Ne boudons pas les bonnes nouvelles !

Aujourd’hui, les militants investissent les médias sociaux, faisant du Front National et du Parti Anti-Sioniste les deux partis les plus populaires sur Facebook. À l’heure où le FN souhaite se dédiaboliser, les militants assument de plus en plus facilement leurs positions. Et Internet permet une libération de la parole publique et sort les gens de leur isolement, trouvant des personnes similaires près de chez eux.

En avril 2010 d’ailleurs, Jean-Yves Le Gallou remet à jour ses thèses en parlant de la presse qui désinforme et d’Internet qui réinforme. L’occasion pour lui de reconnaître le travail accompli sur Internet et d’indiquer le nouveau terrain à conquérir pour l’extrême droite : l’humour.

A nous de nous réapproprier le rire et la dérision.


Retrouvez notre dossier sur la fachosphère :

Les familles d’extrême-droite sur Internet

FN-Fdesouche les liaisons heureuses

Les cyber-cerbères de la fachosphère

Crédits de Une : Marion Boucharlat et François Prosper

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Les cyber-cerbères de la fachosphère http://owni.fr/2011/05/16/les-cyber-cerberes-de-la-fachosphere/ http://owni.fr/2011/05/16/les-cyber-cerberes-de-la-fachosphere/#comments Mon, 16 May 2011 17:54:24 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=62780 Alexandre Gabriac et Jean-Baptiste Cordier étaient tous les deux candidats FN aux cantonales. Tous les deux ont été photographiés en train de faire des saluts nazis (pour le premier) ou entourés de personnes au bras bien tendu (pour le second). L’affaire Alexandre Gabriac a été révélée par lenouvelobs.com le 29 mars. Elle a abouti à son exclusion du FN, décision prise par Marine Le Pen contre l’avis de son père et de Bruno Gollnish. Les photos de Jean-Baptiste Cordier ont, elles, été diffusées sur le blog de deux militants antifascistes, fafwatch.

Sorte de chasseurs de skins modernes, certains groupes antifascistes ont investi Internet pour lutter contre les mouvements d’extrême droite. Et fafwatch, avec ses révélations sur le candidat FN, est l’un des plus connus. Sur le modèle de copwatch qui surveille les agissements de la police, le blog entend diffuser des informations compromettantes pour les “fafs”, les militants d’extrême-droite. Plusieurs sites du genre existent aux États-Unis ou encore en Russie [ru] où les mouvements néo-nazi sont plus nombreux qu’en Europe de l’Ouest.

Geek antifasciste

“Fafwatch est une vitrine, presque un loisir” explique à OWNI l’un des deux tenanciers du blog – appelons-le Arnaud – qui préfère rester anonyme et flou pour éviter d’être identifié. Comme beaucoup, il prend des précautions avant d’accepter de nous parler. Plusieurs n’ont pas donné suite à nos demandes d’entretien.

Arnaud se dit geek et militant antifasciste depuis de nombreuses années. Fafwatch réunit ces deux pratiques : il observe les activités de l’extrême-droite en ligne mais aussi IRL, et diffuse parfois les informations récoltées. Arnaud dit n’avoir recours qu’à des méthodes légales. Pas de piratages donc. Son principal terrain d’observation est le plus utilisé des réseaux sociaux, Facebook.

À la manière des quatre antifa qui ont créé un faux profil pour pénétrer les sphères d’extrême-droite, fafwatch investit largement le réseau social pour surveiller les militants d’extrême-droite :

On crée de faux comptes et on s’arrange pour qu’ils ressemblent à des profils de fafs. On like des pages proches de l’extrême-droite. Comme ça, on peut entrer dans leurs réseaux.

Une partie finit sur leur blog. “Une partie seulement” précise Arnaud qui dit refuser de diffuser des images très compromettantes pour des personnes visiblement mineures. “Facebook, c’est la jungle pour les jeunes. À se demander si ce n’est pas une mode” dit-il, affligé par le nombre de jeunes entre 15 et 20 ans qui n’hésitent pas à porter les insignes nazis.

Fafwatch ne fait pourtant pas partie de la stratégie de fond de lutte antifasciste selon Arnaud.

Fafwatch sert à rappeler aux militants d’extrême-droite que les antifascistes les regardent. Il sert aussi à alerter certains groupes antifa de ce qui se passe dans leur ville.

En publiant un billet sur un bar de Bourges, fréquenté selon fafwatch par des identitaires, le blog incite les militants antifa de Bourges à se pencher sur la question. “Nous n’avions aucun contact avec les groupes antifa du coin, donc on a utilisé le blog pour les alerter” explique Arnaud. Fafwatch n’est pas vraiment l’oeuvre de franc-tireurs, il est géré en concertation avec des antifa de la région et d’ailleurs.

Cyber-guérilla de l’information

Internet est le nouvel avatar de la rue que les militants se disputent. Novofuck.info, instrument d’“activisme virtuel”, se veut le pendant antifasciste de l’agence de presse du Bloc Identaire novopress. Le site diffuse des informations sur les militants d’extrême-droite bordelais et sur les actions des militants locaux antifascites.

Autre initiative locale, Désouchons la désouchière s’est créé en opposition à La Désouchière, une communauté de “Français de souche” que des identitaires ont créée dans le Morvan. Désouchons la Découchière a révélé son emplacement précis et croit connaître les desseins plus ou moins avoués des néo-ruraux identitaires. Entre autre : noyauter le monde associatif local, installer une communauté suffisamment nombreuse pour peser dans le jeu électoral.

Le web antifa s’appuie aussi sur les sites des organisations antifa classiques, dont le réseau No Passaran/SCALP (Section Carrément Anti-Le Pen). Reflexes et selon les régions indymedia informent les lecteurs des activités de l’extrême-droite et des antifascistes.

La lutte entre l’extrême droite et les militants antifascistes dépasse parfois la diffusion d’information. Deux sites antifa ont été piratés par un militant d’extrême-droite, que fafwatch affirme avoir démasqué. Un blog antifasciste est devenu “un site anti-antifa” (soit un site d’extrême-droite) après piratage. De même que le site du SCALP de Besançon, piraté et défacé. Selon offensive libertaire, “le thème avait été changé par un fond de croix celtiques et quelques article modifiés avec des phrases injurieuses”. Pour Arnaud, le piratage des sites liés à l’extrême-droite n’est pas très utile :

Ca permet de se faire plaisir, mais il n’y a aucun message politique fort.

Il affirme ne procéder qu’à une surveillance approfondie, quitte à mettre “le nez dans le code” pour en savoir plus sur un site ou un individu. Il alerte ensuite les hébergeurs des sites pour qu’ils soient retirés. Une de leur cible favorite : les sites des Nationalistes Autonomes, des groupes de militants identitaires informels.

On a fait sauter des dizaines de leurs sites, y compris certains qui étaient hébergés au Mexique. On a l’habitude maintenant.

Ce qui n’est pas diffusé sur fafwatch vient nourrir leur base de données. Arnaud nous explique connaître l’identité des webmasters de plusieurs sites d’extrême-droite, notamment un site clairement néo-nazi dont ils surveillent les agissements. Sur d’autres sites généralistes, la présence de l’extrême-droite semble plus difficile à combattre en partie parce qu’elle ne tombe pas sous le coup de la loi. Notamment sur le forum de jeuxvidéos.com, terrain de jeu de certains lecteurs prosélytes de fdesouches. Arnaud soupire : “C’est un problème, mais on ne peut pas faire grand chose”.


Crédits Photo FlickR by-nc-nd *FataNera*, by antmoose


Retrouvez notre dossier sur la fachosphère :

Les familles d’extrême-droite sur Internet

Internet: l’immigration réussie de l’extrême droite

FN-Fdesouche: les liaisons heureuses

Crédits de Une : Marion Boucharlat et François Prosper

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FN-Fdesouche: les liaisons heureuses http://owni.fr/2011/05/16/fn-fdesouche-les-liaisons-heureuses/ http://owni.fr/2011/05/16/fn-fdesouche-les-liaisons-heureuses/#comments Mon, 16 May 2011 17:39:54 +0000 David Doucet http://owni.fr/?p=62880 « Fdesouche, c’est un média à part entière » confiait Marine Le Pen en début de semaine. Et pour cause : en cinq ans, ce blog est devenu une véritable institution du Front National…

En arrière-plan de cette tête de gondole de la réacosphère française, une histoire fantasmée (de Vercingétorix le Gaulois à Brigitte Bardot) et une réécriture vindicative du présent. Les cyber-Français « de souche » ne se contentent pas d’investir la toile : ils cherchent à imposer leur « vision du monde »…

On ne présente plus François de Souche. C’est la vedette. L’étoile. La star.

Lorsqu’Emmanuel Ratier accueille le blogueur à Radio Courtoisie, il n’est pas avare de compliments. L’essayiste et animateur proche des milieux nationalistes n’est pas le seul à tenir en haute estime le cyber-gaulois. De Marine Le Pen à Bruno Gollnisch, tous les ténors de la droite nationale s’y référent.

Une institution

Rien ne prédestinait pourtant Fdesouche à devenir une institution de la mouvance nationale. Dans l’une de ses premières interviews, accordée à la RBN (webradio nationaliste), le blogueur explique qu’il s’agissait au départ d’un espace personnel, censé narrer « les pérégrinations d’un Français de souche dans le Paris occupé ». (Écoutez le fichier audio)

Le tournant a lieu en 2006, lorsque le blog s’attaque au « décryptage de l’actualité ». Au fil des années, son rythme élevé de publication et l’utilisation intensive de la vidéo font grimper en flèche l’audience du site (300.000 utilisateurs/mois selon Google Adplanner). Fdesouche devient une plateforme participative, dans laquelle tous les lecteurs sont amenés à devenir « acteurs de la ré-information ».

Multipliant ses relais sur le terrain, Fdesouche parvient à sortir plusieurs vidéos polémiques qui cristallisent l’attention des médias : l’agression d’un professeur à Porcheville, des vidéos d’incidents à la Techno Parade et surtout une scène d’agression dans un bus parisien en avril 2009. « Avec cette séquence, Fdesouche a forcé la porte des médias traditionnels » selon Bruno Larebière, directeur de publication de Novopress, l’autre gros site d’information de la blogosphère identitaire.

Fdesouche devient alors un catalyseur de buzz sur la toile, mais également une source d’inspiration pour les dirigeants du FN. Caroline Monnot, journaliste au Monde qui gère le blog Droite(s) extrême(s), explique que « Marine Le Pen utilise Fdesouche pour capter ce qui interpelle son électorat ». La preuve en est donnée en septembre 2009 lors de l’affaire Frédéric Mitterrand : Marine Le Pen réalise un gros coup médiatique grâce aux informations divulguées six jours auparavant par Fdesouche.

Capture d'écran de fdesouche.com

Qui se cache derrière ce blog ? La question continue d’agiter les médias, même si les enquêtes de Rue89 puis du Post ont en partie dissipé le mystère. Trentenaire et patron d’une entreprise de communication, cet ancien militant du Front National qui vit en région parisienne tient à conserver son anonymat. Je suis malgré tout parvenu à entrer en contact avec lui par téléphone. Visiblement surpris et plutôt inquiet, “François” m’invite à lui écrire un mail et m’indique qu’il ne souhaite pas « répondre aux questions personnelles, (…) Fdesouche étant un site collectif, participatif. (…) A  l’inverse des thèmes que nous traitons,  nos personnalités n’ont pas de raison de présenter un quelconque intérêt pour vous ».

Jean-Yves Camus, politologue et chercheur associé à l’IRIS, abonde dans ce sens :

Ce qui est intéressant sur Fdesouche, c’est moins son origine que les raisons de son succès.

Pour avoir écouté la totalité des émissions auxquelles il a participé sur Radio Courtoisie, je ne peux que souscrire à ce constat. “François” n’est pas un grand théoricien. Plutôt fier de son audience, il se contente de répéter en boucle l’histoire de son blog. Roule t-il pour le Front National ? Il serait bien difficile d’y répondre, même si, comme il le reconnaît en 2008, sa sympathie va en premier lieu vers le FN. (Écoutez le fichier audio)

Au Front National, le sujet est d’ailleurs tabou, et on dément tout « lien de filiation » avec le héraut nationaliste. Au téléphone avec Julien Sanchez, webmaster du site du Front National, ce dernier est plutôt gêné par mes questions et « refuse de commenter » l’éventuel passé de militant de “François”. Il reconnaît toutefois que « le Front lui envoie parfois des articles par mail qui peuvent l’intéresser ». Georges Moreau, membre du comité central du FN en charge de la communication interne, préfère quant à lui parler d’une « impersonnalité active et indépendante, qui diffuse la bonne parole nationale ».

Pour les primaires du parti, Marine Le Pen et Bruno Gollnisch passeront devant la caméra du blogueur, devenu incontournable. Plusieurs sources indiquent par ailleurs que François est souvent sollicité par des personnalités du FN, en raison de son expertise sur le web. Difficile d’obtenir plus de précisions, mais au fond l’important n’est pas tant de savoir si Fdesouche est téléguidé par le FN que de comprendre comment il a réutilisé les recettes du FN pour devenir le « premier blog de la diaspora des descendants de gaulois…»

Le tour de force politique de Jean-Marie Le Pen est d’avoir réussi à fédérer un ensemble hétéroclite de groupuscules nationalistes, autour d’une promesse simple : « celle d’un retour hyperbolique, celui du passé dans le futur. Donner à voir un changement possible, un refus à l’œuvre, un combat en cours » comme l’explique brillamment le sociologue Erwan Lecœur dans son livre consacré au Front National.

« Identité, insécurité, immigration »

Fdesouche emploie la même tactique en récitant une partition monochromatique : Identité, Insécurité et Immigration. Comme il le dit lui-même dans une interview accordée à Radio Courtoisie : « nous avons évité les sujets qui clivent ». Malgré la vision ethno-différencialiste qu’il développe, le blogueur ne prend jamais parti entre les différents courants de la mouvance nationale, et se contente de relayer les différentes tribunes des uns et des autres. Face à une droite nationale divisée sur le terrain politique comme sur la toile, Fdesouche a compris que l’islam était le  dénominateur commun le plus efficace pour faire de sa gazette le navire amiral de la blogosphère identitaire et nationaliste. Sur d’autres sujets obsessionnels de l’extrême-droite, comme celui du sionisme, Fdesouche ne prend pas le risque de froisser son lectorat et préfère botter en touche, quitte à recevoir les foudres d’un Alain Soral qui juge le blog trop timoré.

À l’image du Front, qui représente aux yeux de nombreux militants frontistes une véritable famille d’adoption, Fdesouche n’est pas un simple blog : c’est une plateforme communautaire et participative. Le coté défouloir raciste mis à part, les commentaires sont l’occasion pour les visiteurs de retrouver leurs semblables, délivrés par la magie du réseau de tout sentiment de culpabilité. Quentin, lecteur assidu du blog, déclare ainsi :

Je suis arrivé sur Fdesouche non sans quelques réticences, voire avec de la culpabilité au début. Je suis aujourd’hui satisfait de constater que j’ai brisé les dogmes qui m’empêchaient de voir la réalité telle qu’elle est.

Le facteur d’émulation est très fort sur Fdesouche. Selon Bruno Larebière, ce blog répond à un besoin : il « sert de soupape de sécurité ». Il observe ainsi « beaucoup de discussions la nuit, beaucoup d’ennui aussi. Ils se lâchent dans les commentaires et les espaces de discussion. Ils pourraient le faire ailleurs ». Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême-droite, aboutit à la même conclusion lorsqu’il parle de « soupape de compensation ». Les différents animateurs du blog jouent de ce sentiment d’appartenance pour faire réagir la communauté. Depuis plus de deux ans, il n’y a quasiment plus de tribunes libres, l’éditorial a disparu, au profit d’une revue de presse biaisée et axée sur le triptyque : immigration-islam-insécurité. Il n’y a bien entendu aucune hiérarchie de l’information : une dépêche concernant une personne d’origine maghrébine suspectée de braquage sera par exemple traitée au même niveau qu’un débat sur le multiculturalisme allemand. (Écoutez le fichier audio)

Dans son déballage de faits bruts, Fdesouche cherche à se dé-responsabiliser, mais surtout à promouvoir sa pseudo-objectivité. C’est pour cette raison que le site recourt systématiquement au format vidéo, l’une des clés de sa réussite. François de Souche l’explique assez bien lors d’une émission à Radio Courtoisie :

Nous avons été les premiers à nous en servir politiquement à ce point là. (…) Les personnes rentrent du boulot, elles n’ont pas envie de lire des textes très compliqués ou de grandes thèses. Elles arrivent sur notre site et peuvent en dix minutes regarder les différentes vidéos. (Écoutez le fichier audio)

Fdesouche fait ainsi office d’observatoire de toutes les séquences concernant l’immigration ou l’islam, surfant sur la pensée « zapping » de sa communauté et sur ses vieux réflexes pulsionnels. L’objectif  ? Formater  les consciences, les doter d’une « nouvelle grille de lecture » afin qu’ils soient capables « de relire l’actualité autrement ». (Écoutez le fichier audio)

Comme l’explique dans son livre l’historien Marc Ferro, la vidéo est un « format idéal pour s’adonner à une contre-analyse de la société, puisqu’elle a pour effet de déstructurer ce que plusieurs générations d’hommes d’État, de penseurs avaient réussi à ordonner en un bel équilibre. (…) La caméra révèle le fonctionnement réel de ceux-là, elle dit plus sur chacun qu’il n’en voudrait montrer. Elle dévoile le secret, elle montre l’envers d’une société, ses lapsus. » Et si cela ne suffisait pas, Fdesouche tronque parfois les séquences vidéos comme pour mieux les formater. Le journaliste John-Paul Lepers avec son documentaire sur « la peur de l’Islam » en a récemment fait l’amère expérience.

Révéler la vérité dissimulée

Les médias justement, parlons-en. À défaut de pouvoir défiler dans les rues à l’instar du GUD, Fdesouche s’emploie à intimider des journalistes pour donner de la consistance à son action militante. Par mail, l’intéressé s’en défend :

Nous n’avons pas vocation à être des justiciers, et nous nous contentons de présenter à nos lecteurs des faits bruts.

Pourtant, l’adresse d’une journaliste a été jetée en pâture il y a encore quelques semaines, occasionnant des menaces téléphoniques.

Dans la novlangue « desouchienne », les médias sont les ennemis auto-désignés puisqu’ils n’ont de cesse de « cacher la vérité aux Français » (alors que Fdesouche la leur révélerait). Dans les faits, les blogueurs de Fdesouche tirent habilement parti de la frilosité des médias à s’emparer d’affaires qu’ils ont parfois eux-mêmes dénichées. L’affaire du bus en avril 2009 met ainsi plus de six jours à éclater dans les médias traditionnels. Pour celle concernant Frédéric Mitterrand, il faudra compter trois jours. Les blogueurs nationalistes profitent de ce « malaise médiatique » pour mettre en scène leur hagiographie. En réalité, comme l’explique Jean-Yves Camus :

Il n’y a pas de problème d’autocensure sur les thèmes touchant à l’immigration ou à l’islam. La campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 et les débats sur le voile ou sur l’identité nationale ont fait sauter les derniers tabous qui pouvaient subsister.

Le problème tient plus selon lui à « la représentation scientifique à la télévision, dans la mesure où les médias ont dû mal à retranscrire des analyses fines, qui en raison de leur complexité demandent du temps, comme sur les questions touchant à l’islam ou à l’intégration. »

Volontairement ou non, consciemment ou pas, Fdesouche est devenu un ballon sonde pour le FN. Ayant réussi à fédérer la mouvance nationale sur la toile, l’objectif est désormais de la dépasser. De proposer leur identité collective et communautariste comme une réponse à la « crise du sens qui touche notre société ».

Lors d’une interview accordée à RadioCourtoisie, François Desouche défend et justifie cette stratégie de normalisation devant un Emmanuel Ratier quelque peu déboussolé :

Nous, on ne se définit pas idéologiquement, on est dans un principe de revue de presse, de mise à disposition de l’information (…) On veut que ce soit nos lecteurs qui se fassent leur propre opinion. Donc plus ça va, moins on se définit idéologiquement. (Écoutez le fichier audio)

Dans une émission enregistrée un an plus tôt, le discours très policé du blogueur avait déjà fait pousser des cris d’orfraie au président du Club de l’Horloge Henry de Lesquen, qui avait eu cette phrase assez révélatrice :

Décidément, vous avez intégré le politiquement correct, vous !

Passage obligé pour « devenir un média capable de concurrencer les autres sites d’information » ?

En 2008, lors d’une soirée organisée par Fdesouche à laquelle assistait Marine Le Pen, le blogueur confiait vouloir transformer son blog en « Rue89 de droite ». Ce n’était pas une phrase en l’air puisque Fdesouche s’est beaucoup inspiré du « site d’information à trois voix » – approche participative, fidélisation de la communauté, essaimage : à l’instar d’Eco 89, Fdesouche possède également son site consacré à l’actualité économique, Fortune.

Quand elle est invitée à en parler, Marine Le Pen ne cache désormais plus son admiration. Selon Georges Moreau, membre du comité central du FN, le site a pris tellement d’importance que c’est désormais Marine Le Pen qui tente de séduire Fdesouche et non l’inverse.

Elle est habile, elle cite souvent Fdesouche à la télévision pour être reprise sur le blog et améliorer son capital sympathie.

Selon lui, Fdesouche est devenu un enjeu majeur pour le Front, « aujourd’hui, il n’y a pas un adhérent du FN qui ne va pas sur Fdesouche. (…) Le succès du Front et celui du blog sont intimement liés…»


Article initialement publié sur Reversus sous le titre : “Fdesouche, la tête chercheuse du Front National”

Sources audio : Radio Courtoisie (2009-2010)

Crédits photo FlickR by-nc-sa louisa_catlover / by-nc-sa cfarivar


Retrouvez notre dossier sur la fachosphère :

Les familles d’extrême-droite sur Internet

Internet: l’immigration réussie de l’extrême droite

Les cyber-cerbères de la fachosphère

Crédits de Une : Marion Boucharlat et François Prosper

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http://owni.fr/2011/05/16/fn-fdesouche-les-liaisons-heureuses/feed/ 23
Les familles d’extrême droite sur Internet http://owni.fr/2011/05/16/les-familles-dextreme-droite-sur-internet/ http://owni.fr/2011/05/16/les-familles-dextreme-droite-sur-internet/#comments Mon, 16 May 2011 16:05:04 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=62721 Jean-Marie Le Pen était un prophète selon de nombreux militants d’extrême droite. Il avait réussi avec le Front National à recomposer à la droite de la droite un parti rassemblant de nombreux groupuscules aux points de vue divers, voire contradictoires. Le web a été un libérateur de la parole publique pour ces militants et les extrêmes droites sont non seulement actives mais efficaces sur la Toile.

Nous avons souhaité explorer ces différentes familles d’extrême droite et les liens qu’ils échangent les uns avec les autres sur Internet. Nous sommes partis du travail d’Olivier Clairouin pour Trans Europe Extrêmes, un site des étudiants de l’ESJ sur les extrêmes en Europe, et publié sur Mediapart qui a cartographié les sites de ce mouvement et ceux gravitant autour grâce aux liens hypertextes. De ces connexions ont émergé 5 catégories très actives.

Cartographie des réseaux d’influence de la blogosphère d’extrême droite

5 familles très liées

Ce qui frappe dans cette infographie animée, c’est l’importance des liens entre les différentes familles. La plus importante en nombre de sites est la réacosphère, ces blogs de réactionnaires qui développent les thèses déclinistes et conservatrices, très liés entre eux et fédérés autour de Fromage Plus, et citant régulièrement Causeur.fr (absent de la carte car n’échangeant pas de liens).

Ensuite, viennent les identitaires, menés par l’”agence de presse indépendanteNovopress, le site le plus connecté de cette sphère. Véritable relais d’une information identitaire, il est la tête de pont et la référence des sites des mouvances régionales des Identitaires.

Autre site hyperconnecté de cette cartographie : François Desouche. Depuis quelques années maintenant, dans un souci de “réinformation“, François Desouche met en lumière les nouvelles recoupant sa vision du monde. Il est l’oeuvre d’un ancien webmaster du Front National. Son objectif : toucher les gens là où ils cherchent de l’information, c’est à dire Internet. Miroir quelque peu déformant de l’actualité, le site dispose de nombreuses ramifications dans les différentes communautés et parvient à faire émerger régulièrement des “buzz” qui remontent parfois jusqu’aux pages de la presse “traditionnelle”.

Le Front National en tant que tel n’est pas très présent sur Internet. Marine le Pen déclarait s’informer régulièrement sur FDesouche et il semble que le parti laisse carte blanche aux initiatives non-officielles pour s’exprimer. Dès 2006, le Front National donnait à ses militants des conseils pour être présent sur le plus grand nombre d’espaces possibles.

Ces familles, ainsi que les catholiques intégristes réunis autour du Salon Beige et de nombreux groupuscules radicaux aux idées pas forcément complémentaires ont su créer un réseau assez solide pour relayer rapidement leurs informations. Aujourd’hui, il se rejoignent régulièrement autour de questions transversales, comme la défense de la liberté d’expression qui a fait apparaître Eric Zemmour sur tous ces sites ou comme l’anti-islamisme qui réunit une large majorité de ce magma idéologique.


NB : la cartographie réalisée par Trans Europe Extrêmes et publiée sur Mediapart ne se concentre que sur 377 sites et blogs situés à la droite de la droite ou à sa périphérie.

Application réalisée par Karen Bastien à la conception, François Prosper au graphisme et Benjamin Grillet au développement.

Avec l’aide de Pierre Alonso et David Doucet.


Retrouvez notre dossier sur la fachosphère :

Internet: l’immigration réussie de l’extrême droite

FN-Fdesouche: les liaisons heureuses

Les cyber-cerbères de la fachosphère

Crédits de Une : Marion Boucharlat et François Prosper

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