OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les journalistes, c’est rien que des faux blogueurs, na! http://owni.fr/2010/06/06/les-journalistes-c%e2%80%99est-rien-que-des-faux-blogueurs-na/ http://owni.fr/2010/06/06/les-journalistes-c%e2%80%99est-rien-que-des-faux-blogueurs-na/#comments Sun, 06 Jun 2010 19:16:43 +0000 La Peste http://owni.fr/?p=17603 Dites, les vieux blogueurs racornis de la sidebar, vous vous souvenez comment c’était hype de beugler sur le classement Wikio, en 2008 ? La blogo underground faisait genre « on le méprise », et la blogo trendy faisait genre « c’est trop bien ». Au final, bien sûr, tout le monde a pu s’exprimer pour faire son intelligent en prononçant le mot magique : « algorithme ». (En fait, il suffisait d’aller lire Jean Véronis et d’apprendre par coeur ses deux billets, dans lesquels il nous éclairait sur comment le soleil sortait tous les matins du trou du cul de Wikio).

Mais chacun jouait dans sa propre cour, et jamais on ne lançait le ballon chez Les Zautres. Des fois qu’on se fasse taper.

Ben ouais : d’un côté t’avais les blogs Zinfluents, et de l’autre les blogs Zinflués. Et puis en transversal, pour décorer, t’avais les blogs Zinclassables. Tout ce petit monde se balançait joyeusement à la tronche des valeurs Zessentielles, et chacun finissait par se calmer en continuant à bloguer sur les sujets de son choix.

Ça fonctionnait vachement bien. De temps en temps éclatait une bonne petite guerre blogosphérique, histoire de pas non plus s’endormir sur ses billets ; soit dans le registre « mon gloss est plus beau que le tien, pouffiasse », soit dans le registre « Ségo était plus légitime que Nico, connard ». Bien sûr, en 2009 le débat s’est élevé d’un cran avec le fight « Scrapbooking vs point de croix », les blogs de loisirs créatifs ayant totalement bouleversé l’écosytème virtuel en place.

Bouh le billet sponsorisé

Ensuite, t’as eu la polémique du billet sponsorisé. Ça, c’était sympa également. Ça fightait sévère. Les seuls à fermer leur gueule, au final, c’était les blogueurs qui, avec leurs 200 ou 500 euros mensuels de billets sponsos, arrivaient à boucler leurs fins de mois (pas tellement glorieuses pour cause d’Assedics récalcitrants et d’employeurs peu enclins à conclure). En gros, au royaume des putes borgnes les riches aveugles étaient rois, et le billet sponso c’était le Mal.

Mais pour finir, le snobisme, le vrai, s’est installé au sein de la blogosphère. Un parfait reflet de notre société-qu’a-rien-que-des-problèmes. Zinfluents et Zinflués se tinrent  donc la main pour édifier en chœur la nouvelle hiérarchie 2.0. Et c’est ainsi que naquit le Bien et le Mal blogosphérique, divisant les blogs en deux catégories bien distinctes : les blogs Zintelligents et les blogs Zidiots.

Depuis ce jour-là, ça rigole plus : ou t’en es ou t’en es pas. T’as pas fait Sciences Po, tu ne repenses pas l’Internet Mondial à chaque billet, tu ne nourris pas le monde affamé de ton omniscience culturo-ouèbesque ? Tu n’analyses pas la crise de la presse papier, tu ne l’opposes pas avec virulence au rédactionnel web, tu n’as jamais pondu de billet sur le pourquoi du comment des difficultés rencontrées par les modèles économiques dits émergents ? Tu ne sais pas disserter sur les implications du personal branding, tu es incapable de soutenir une discussion en ligne sur les enjeux du nouveau journalisme, et les billets de Narvic te plongent, hébété(e) de stupeur, dans un coma proche de la NDE ? Si tu as répondu oui à au moins une de ces questions (oui, une suffit, la blogo c’est cruel, mon lapin), c’est que ton blog fait partie des blogs Zidiots. Tu n’as point de consistance, point d’existence virtuelle parmi les gens qui comptent, et s’il te prenait l’envie de commenter sous un billet, chez un blogueur Zintelligent, sois gentil, ne tache pas le background du taulier en laissant l’adresse de ton blog. Dis plutôt que t’as bac + 4, ça t’aidera peut-être. De toute façon, personne te répondra, t’en es pas.

Zinflués et Zinfluents, Zidiots et Zintelligents (se lit dans les deux sens).

Nan mais pleure pas, t’as certainement d’autres qualités hein. Mais bon, t’as un blog Zidiot, voilà, quoi, qu’est-ce que tu veux que je te dise. Au moins, dis-toi qu’il est pas rose-chiottes comme le mien, c’est toujours ça de pris. Ah, si, il est rose ? Bon. Euh… Pense à autre chose, va. Et si ça peut te rassurer, sache que ton lectorat est plus Zintelligent que le lectorat des blogs Zintelligents : chez toi, on atteint jamais le point Godwin ; ben oui, t’as déjà distribué un point Godwin dans un fil de commentaires consacré à un fond de teint ou à la maille serrée, toi ? Non. Alors réjouis-toi. Parce que le point Godwin dans les commentaires, c’est jamais rien que des gens suffisamment vrillés du bulbe pour se foutre en rage devant un clavier et un écran, et instiller dans des affrontements désincarnés des forces vives qu’ils feraient mieux de mettre au service de choses plus concrètes (communiquer IRL avec la même fougue, par exemple). Le mec qui passe des heures sous un billet pour finir par traiter un inconnu aussi con que lui de nazi, sérieux, je trouve ça pathétique.

Enfin tout ça, c’était super quand même.

Jusqu’au jour où le Ouèbe Puant et Pontifiant a grondé d’une nouvelle indignation. Une nouvelle polémique, une bien juteuse : les blogueurs, c’est pas des vrais journalistes.

Les poissons, c’est pas des vrais légumes

Ça, c’était superbe : bon, évidemment, ça revenait à peu près à dire que les poissons, c’est pas des vrais légumes, mais c’est pas grave, ça marchait  bien, comme base de conflit. Et de la même façon que les gens peuvent avoir du mal à piger que la différence entre le canoë et le kayak c’est pas le type d’embarcation mais la discipline sportive pratiquée, quelle que soit la coquille dans laquelle on pose son cul, ben les gens ils ont pas pigé que le journalisme est une activité professionnelle reposant sur des compétences précises, n’ayant que très peu à voir avec l’installation d’un Wordpress (bon, les gars qui roulent pour Dotclear, vous fâchez pas. De toute façon, tant que vous êtes pas passés sous SPIP, votre existence ne vaut rien). Du coup, tu peux tenir un blog ET faire du journalisme. Ce sont deux choses différentes, deux activités reposant sur des principes de fonctionnement, formel et structurel, différents.

Bref, il était de bon ton de fonder son raisonnement sur le support utilisé, sans considérer l’activité exercée. Une fois le truc décortiqué, on ne retenait qu’une chose : le journalisme et les blogs, c’était un peu comme le rouge corail et le rose nacré : vu de loin, ça se ressemble un peu, mais sérieux, ça va pas ensemble du tout. Et rares sont ceux qui ont su dépasser ce clivage.

Partant de là, on aurait pu croire que la Messe était dite.

Mais la blogo est une mine d’or, et tous les jours une pépite en sort.  Alors accroche-toi à la colonne latérale, tu vas halluciner. Donc on est bien d’accord que les blogueurs, c’est pas des vrais journalistes.

EH BEN FIGURE-TOI QUE LES JOURNALISTES, C’EST PAS DES VRAIS BLOGUEURS.

Ouais.

Rien que ça.

Ça te la ramollit, pas vrai ?

C’est un truc de fou en fait : paraît qu’il y a des journalistes /chroniqueurs qui se sont mis en tête d’ouvrir un blog. Et d’y proposer des trucs. Et puis attention, les mecs c’est des fourbes hein, ils se sont carrément pas gênés, ils ont tout fait comme les vrais blogueurs, à savoir réfléchir à un chouette thème pour donner de la gueule à leur blog, travailler le wording pour que le rubriquage claque bien, agencer leurs petits machins sur la colonne latérale, bref  les mecs ils ont vraiment mis la gomme pour se faire plaisir. « Ouaiiis, s’tu veux, moi j’ai un blog, là, tu voiiiis ». C’est méchant, le journaliste. Ça trompe son monde. Et le chroniqueur, m’en parle pas, il est encore pire…

Mais tu sais ce que c’est, le pire du pire ? Attends, tu vas pleurer : le journaliste-faux-blogueur, il est dans le classement wikio. Et ça, sérieux, ça pue, pour le blogueur-puriste. Bon, faut savoir que pour le blogueur-puriste, de toute façon, tout est potentiellement puant. Mais Wikio, bordel ! Où va-t-on !

Alors je te la refais pas en technicolor, mais si tu veux, tu peux reprendre le paragraphe précédent en remplaçant « journaliste » par « homme politique », ça marche aussi  : parce que oui, y a aussi des personnalités politiques qui ouvrent des blogs. Et donc les personnalités politiques, c’est pas des vrais blogueurs non plus. Parce que chez eux, le blog c’est de la vitrine, mise en place avec du pognon. Donc le contenu personnel, bof. Y en a pas vraiment.

Ces usurpateurs ne jouent pas le jeu du lien sortant

Et là où le blogueur-puriste s’insurge, c’est que tous ces usurpateurs blogosphériques viennent poser leur cul sur son coin de web, et ne jouent pas le jeu du lien sortant. Le sacro-saint lien sortant. Pour le blogueur-puriste, le vrai blogueur fait du lien sortant, tandis que le faux blogueur n’est pas de son monde, n’adopte pas ses pratiques, ses usages. Le vrai blogueur fait une blogroll, le faux non. Le vrai blogueur produit du contenu, le faux insère des vidéos. Bref, pour le blogueur-puriste, le faux-blogueur « c’est pas des gens comme nous ».

Donc là, je soupire. Parce qu’il y a des jours où la connerie me fatigue. Et très sincèrement, je pense qu’avec ce genre de discours à la con, le blogueur ne prouve qu’une seule chose : il est capable d’être aussi corporatiste qu’un Joffrin au mieux de sa forme, aussi hargneux que Mélenchon dans ses grands jours, bref il a gagné sa place au sommet du système qu’il dénonce.

Blogueur-puriste, sois fier de toi : tu peux te montrer aussi con que ceux dont tu voudrais être l’égal, et dont tu t’es toujours cru supérieur. Parce que tu reproches aux journalistes et aux politiques de te regarder de haut, mais sans rire, tu t’es vu ?

Rappel : tout le monde a le droit d’ouvrir un blog

Un peu de sérieux. Tout le monde a droit d’ouvrir un blog. Et d’en faire exactement ce qu’il veut. Et d’être classé chez Wikio, même sur la base d’un algorithme prenant en compte les liens sortants. Ou pas. Ça a peut-être changé depuis. Je m’en tape. Dans tous les cas, l’autorité frelatée du classement Wikio est indigne de l’intégrité revendiquée par les blogueurs politiques. Voir un blogueur politique pleurnicher sur la présence dans la blogosphère, et pourquoi pas au Wikio, de journalistes-usurpateurs ou de politiques-VRP, c’est aussi dénué de sens qu’un végétarien t’expliquant que ton T-Bone sera bien meilleur saignant, et qu’en carbonisant ta viande tu le déçois beaucoup.

Chacun adopte sur son blog le fonctionnement qui lui convient. Les blogs vitrines des politiques ? Ils ne sont pas pires que les blogs vitrines des marques. Et alors ? Alors rien. On s’en fout. Ça ne changera rien à l’impact des blogs à contenu.

Quant aux journalistes et chroniqueurs à blog, je ne vois pas où est le problème. Ils ne font pas de blogroll ? Et puis ? Qui a dit que c’était obligatoire ? Les usages ? Les pratiques ? La blogosphère se serait-elle sclérosée au point de consacrer des « pratiques » à la con, tout ça pour entrer dans un classement à la con ?

Le blog, c’est l’envie, le désir, une petite extension virtuelle d’un pan de notre vie : convictions politiques, émotions, récits, partage de contenu, démarche de personal branding, oui, même ça (ce n’est pas sale), vente de pin’s ou propagande anti-gloss. Le blog, il est exactement ce qu’on en fait. Et on est libre d’en faire ce qu’on veut. On n’est pas obligé de « jouer le jeu ». Le blog, c’est notre propre terrain de jeux. Alors oui, Nicolas fait beaucoup de liens sortants, et Guy l’épicier pas tellement, sur son blog actuel. Mais Nicolas et Guy l’épicier sont l’un et l’autre très détendus du slip, bien sympathiques et leur contenu est intéressant. Nicolas explique d’ailleurs avec pertinence pourquoi la présence de certains blogs politiques au classement Wikio l’interpelle. Pour autant, il ne sombre pas dans l’aigreur. Ni dans le snobisme. La preuve, il me parle. C’est dire s’il a les idées larges.

Alors les arguments du type « ce n’est pas notre monde », au secours…

Je vous toise du haut de mon rose-chiottes

C’est pourquoi mon blog rose-chiottes et moi-même décidons ce soir, en vertu du pouvoir que nous nous conférons, en vertu également de cette époque où le classement wikio nous avait léché le cul, de nous revendiquer aussi fréquentables, militants, intelligents et cultivés que le blog politique le plus militant, Zintelligent et cultivé. Et en plus, dans le genre militante, ça va, je me défends.

Et pis c'est tout.

Par ailleurs, toujours en vertu du pouvoir que je me confère, et considérant qu’avec mon bac + 4 et demi et les compétences qui me permettent de gagner ma vie via la rédaction de formidables articles ayant trait à la sexualité, je me déclare officiellement fausse blogueuse.

Du coup, lorsque j’ai publié ce billet sur mon blog personnel, j’ai viré ma blogroll, toisé tout le monde du haut de mon rose-chiottes, et décrété arbitrairement qu’étant maîtresse en ma demeure, y aurait pas de commentaires  sous ce billet (ouais, je fais ça parfois, notamment quand j’ai pas envie que les lecteurs s’expriment sous la musique de merde que je mets en ligne).  De toute façon, comme j’avais raison, tout échange ou discussion via les commentaires me semblait inutile. Tu noteras à quel point je respecte pas les pratiques sacrées de la blogo : non seulement je piétine le lien sortant, mais en plus je refuse de jouer le jeu des commentaires. Ce que ça prouve ? Une seule chose :  chez moi, je fais ce que je veux. Et j’affirme que même sans lien sortant et sans commentaires, c’est bien un blog que je tiens. Et  j’emmerde les usages de la blogosphère. Politique ou non.

Comme Guy l’épicier, je fais ce que je veux de mes cheveux sur mon blog. Et j’adore ça.

Et comme Nicolas, je partage mon avis.

Mais bien sûr, chez les autres je sais me tenir, et je m’adapte. Du coup, sur Owni, tu as le droit de commenter.

Edit du 5 juin : je te conseille de faire un saut à l’épicerie du coin (comment ça, c’est un lien sortant ?) (T’es sûr ?) (Ah ouais, tiens)

Billet initialement publié sur Le Journal d’une peste sous le titre “Les journalistes, c’est rien que des faux blogueurs, il paraît. Et Wikio il est méchant.”

; images CC Flickr Stéfan, Okinawa Soba (In Asia and Africa until August), markuz

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En politique et dans certains médias, la fracture numérique est toujours là http://owni.fr/2009/09/15/en-politique-et-dans-certains-medias-la-fracture-numerique-est-toujours-la/ http://owni.fr/2009/09/15/en-politique-et-dans-certains-medias-la-fracture-numerique-est-toujours-la/#comments Tue, 15 Sep 2009 13:38:41 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=3606 A l’occasion de discussions en marge de l’université d’été de l’UMP, un journaliste reporter d’image de Public Sénat a filmé une rencontre publique entre Jean-François Copé, Brice Hortefeux et des militants. Un jeune militant, Amine Benalia-Brouch, a demandé s’il pouvait être prise en photo entre les deux politiciens, ce qu’ils ont accepté.

Les discussions autour de ce moment et les paroles du Ministre de l’Intérieur et très proche ami du Président Brice Hortefeux ont été filmées, puis mises en ligne par Le Monde et relayées par Lemonde.fr en raison de la nature plus qu’équivoque des propos du Ministre de l’Intérieur.

Laissons de côté l’aspect politique des choses. Les réactions des rédactions, des médias et des commentateurs politiques ont montré un profond fossé dans la compréhension du monde. Internet n’est pas un monde virtuel à part, il est le prolongement de notre monde réel, avec quelques particularités. On y trouve donc les mêmes personnes.

Rappel des faits : la vidéo qui a déclenché la polémique a été mise en ligne jeudi 10 septembre.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Notons qu’elle est clairement identifiée comme mise en ligne par Le Monde : le texte est explicite, le compte est celui du monde.fr, un masque translucide indique LeMonde.fr. Autrement dit, ce n’est pas un illustre inconnu qui met la vidéo en ligne mais une rédaction, qui effectue un travail journalistique : vérification des sources, recoupement… Ce qui ne l’oblige bien évidemment pas à révéler ses sources, c’est même un des privilèges de la fonction de journaliste.

La ligne de défense du Ministre de l’Intérieur, également Ministre des cultes, et qui constituait à dire que ses propos sortis de leur contexte étaient mal interprétés, tiendra peu de temps. Elle ne permettra que de temporiser : soit l’affaire s’éteint parce qu’il n’y a pas à revenir sur une histoire “sortie de son contexte” et montée de toute pièce, soit les journalistes s’acharnent à faire mentir le Ministre (une stratégie à double tranchant comme le fait remarquer Versac), en particulier avec la vidéo d’origine sur laquelle on peut rendre le son plus audible et surtout étendre la séquence pour qu’il n’y ait pas de contestation sur le contexte. C’est la seconde option qui s’est réalisée, et finalement il fallait s’y attendre.

La vidéo en question dans son intégralité telle que l’a diffusée le 11 septembre 2009 au soir par Public Sénat.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Des médias traditionnels en retard

Les hésitations des médias traditionnels à diffuser les images (lire à ce sujet les atermoiements de Gilles Leclerc pour Public Sénat, sommé de s’expliquer par la SDJ) voire simplement mentionner la polémique qui enflait déjà (Jean-Pierre Pernault, que le médiateur de TF1 Jean-Marc Pillas a promis d’interroger) ne sont pas très claires mais elles montrent un décalage et une inadéquation de certains journalistes avec l’information à l’heure du temps réel comme le notait Versac.

Pour certains journalistes, la grand messe du JT vespéral ne vient qu’entériner des informations déjà divulguées par d’autres médias : surtout, ne pas prendre de risques ni de coups. La presse ne s’est pas montrée toujours meilleure, de nombreux quotidiens n’ayant réagi dans leurs éditos… que le samedi 12 septembre (quelques extraits recensés par le Nouvelobs.fr)

Sur Internet, il n’y a pas de médias ?

Les déclarations de Dominique Wolton à l’antenne de RTL le 11 septembre sont plus étonnantes encore : d’un côté un espace pas vérifié, par légitimé, qui est Internet, de l’autre un espace légitime, qui est les médias. Ceci est lamentable et indigne d’une personne qui affiche clairement ses propres citation sur son site web, notamment Opposer les anciens et les nouveaux médias est une problématique dépassée ; il faut les penser ensemble, et qui par ailleurs est :
- membre du Conseil d’administration du groupe France Télévisions et de France 2 (a priori il sait ce qu’est un média et un journaliste)
- Directeur de recherche au CNRS (normalement c’est un gage de sérieux)
- Président le Comité d’éthique du Bureau de vérification de la publicité
- Directeur de l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS (qui a dû oublier qu’Internet existe).

La retranscription des propos tenus sur RTL est en ligne chez Benoît Delmas.

Pareille idiotie ne manqua pas de faire réagir Pierre Haski, qui rappelle qu’il est journaliste sur Internet et qui voit là une forme de lâcheté de certains journalistes qui préfèrent coller la faute sur Internet plutôt que sortir une vidéo. Accuser le moyen de transmission, cela revient à dire que si la radio se permet de critiquer, c’est de la faute des ondes.

Le coupable, c’est Internet !

Comme le pressentait dès le 10 septembre Guy Birenbaum dans C’est pas très net sur Europe 1 : En France, lorsqu’un puissant commet un faux pas, ce n’est pas lui qui paye les pots cassés, c’est le messager ou le média qui a osé divulguer et amplifier son propos, en l’occurrence Internet. Il faut comprendre ici que le messager est Le Monde, et le média pris au sens de moyen de communication et mode de transmission de l’information est Internet.

Ce véritable travail se sape concernant Internet ne date pas d’hier dans les médias broadcast,comme le note 3615 Mavie qui a recensé des vidéos effarantes extraites de journaux télévisés qui accusaient la toile des pires maux. Cette diabolisation se poursuit encore aujourd’hui : que l’on songe à la vidéo commandée par Nadine Morano sur les dangers d’Internet truffée d’amalgames douteux, au reportage partisan d’Envoyé Spécial sur Facebook ou aux déclarations édifiantes d’un Frédéric Lefèvre pendant le débat sur Hadopi I.

La première erreur de base c’est de présenter Internet comme un tout foisonnant et brouillon (un tout-à-l’égout pour Denis Olivennes) duquel sortirait de temps en temps des morceaux peu ragoûtants. Comme le rappelle avec humour Michaelski : ce sont bien les médias qui lancent des scoops et des images volées de politiciens, de Ségolène Royal à Manuel Valls en passant par Patrick Devedjian et Nicolas Sarkozy lui-même.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un rapport ambigu du politique au net : la fracture numérique est toujours là

Au fond, il y a une dichotomie profonde dans le discours des politiciens, comme l’indique Renaud Revel qui rappelle qu’en cela Brice Hortefeux est à bonne école avec son ami d’enfance Nicolas Sarkozy pour qui un ordinateur sert uniquement à écrire.

D’un coté la toile est considérée comme un formidable média complémentaire qui n’est pas pris en compte par ce CSA dans le décompte du temps de parole, ce qui est bien pratique car une vidéo ou un site qui “tourne” c’est autant de propagande politique gratuite et sans contrôle quand le buzz va dans le bon sens. Il n’y a qu’à voir la légitime admiration des politiciens français quant à la campagne de Barack Obamma, largement appuyée par les réseaux sociaux et le web sur lesquels les militants étaient invités à s’impliquer, et les ambitions des différents partis pour imiter ce principe. Pensons par exemple aux Créateurs des possibles pour l’UMP et à la CooPol pour le PS.

De l’autre, Internet est le mal incarné, l’œil qui espionne et qui lynche en place publique dès qu’il le peut, le lieu de toutes les bassesses et des rumeurs les plus folles. Comme le note Amaury de Rochegonde sur France Info, il est certain que les équipes de communication des personnalités politiques doivent s’en prendre à elles-mêmes : à trop vouloir user du levier de la mise en scène, ce n’est qu’un retour de flamme du “tout transparent” dont les citoyens se sont emparés grâce aux nouveaux outils de diffusion et de partage dont ils disposent.

A trop vouloir exhiber leurs moments de vie privée, leurs loisirs et leurs passions dans les émissions de divertissement pour s’attirer la sympathie des électeurs en montrant que ce sont des gens comme tout le monde, les professionnels de la politique ont pris un risque sans penser qu’il serait difficile de faire marche arrière. Ce n’est pas seulement une désacralisation de la politique qui est à l’œuvre, c’est le culte du je me présente tout entier et nu devant votre jugement que les Etats-Unis connaissent si bien qui prend forme dans l’Hexagone.

Une instrumentalisation à sens unique

Cette tendance à distinguer Internet du monde réel, doublée de l’envie d’instaurer des règles et valeurs à deux niveau avec d’un côté les braves citoyens, de l’autre les méchants internautes, est une tendance de fond comme le notait un avocat sur Ecrans. Mais ces citoyens et ces internautes, ce sont les mêmes personnes ! Il y a plus de 30 millions d’internautes en France.

Ce sont les mêmes qui moquent les politiques sur Internet et les mêmes qui se sont déplacées en masse lors des élections présidentielles de 2007. Ce sont les mêmes qui achètent en ligne et qui piratent. Ce sont les mêmes qui critiquent les médias (ce qui signifie qu’ils les consultent, ne serait-ce que pour savoir de quoi parler) et qui souhaitent que ceux-ci s’améliorent. Traiter avec mépris Internet, c’est mépriser des citoyens qui discutent, consomment, s’informent et partagent en ligne. Et qui votent.

Des pièges ? Non, du « off » qui devient « on »

Internet ne piège pas les politiques, comme on l’a trop souvent dit ou écrit. D’abord parce qu’Internet n’existe pas en tant qu’entité. Dans l’affaire Hortefeux il s’agissait de journalistes, dans d’autres cas c’étaient des passants ou des militants, des gens bien réels et pas des fantômes évanescents.

De plus, les personnalités politiques ne sont pas piégées dans ce sens où il n’y a pas manœuvre, manipulation, trahison. Elles sont simplement prises sur le vif, dans une situation où le discours n’est pas aussi policé et maîtrisé que dans le cadre des traditionnelles interviews ou prises de paroles en public. Les progrès de l’électronique et les outils de partage existant en ligne, les professionnels de la politique doivent savoir qu’aujourd’hui le off n’existe plus. Ce n’est pas la première fois qu’un imprudent se fait prendre, ce ne sera pas la dernière. La leçon que certains ont payée cher n’a pas profité aux petits camarades.

La boucle est bouclée : il faut qu’Internet la boucle

La réaction ce matin dans les 4 Vérités de Jean-François Copé, l’autre personnalité politique présente dans la vidéo incriminée, n’est pas à son honneur non plus. En substance : J’ai pensé à ceux qui font votre métier, ceux qui sont preneur de son, cameraman, reporter… qui font des vrais reportages… Là, on a été sur autre chose. Il s’agissait pourtant bien de journalistes : autant savoir de quoi on parle quand on aborde un sujet aussi brûlant de l’actualité. Et d’ajouter Il faudra un jour ou l’autre que l’on assume un débat public sur Internet et la liberté. Avec Hadopi II, c’est pourtant bien déjà de cela qu’il était question.

Rappelons qu’il fut dans le gouvernement de Dominique de Villepin le champion de la transparence dans la gestion publique avec ses 100 audits lorsqu’il était Ministre du Budget et de la Modernisation de l’Etat (il lança alors une vague importante de modernisation de l’administration publique avec Adèle, la télédéclaration fiscale, les plateformes de marché public sur Internet…) et qu’il se vantait sans rire d’arrêter la langue de bois.

Petit manuel à l’usage de ceux qui embrassent ou veulent embrasser une carrière politique

1 – Internet n’est pas un monde à part, c’est un monde construit par des gens bien réels. C’est aussi un monde plus rapide. Derrière un internaute, il y a un citoyen.

2 – Internet est un moyen de communication au même titre que le papier et les ondes. Le saviez-vous, il y a des journalistes sur Internet !

3 – Internet n’est pas un outil dont on se sert de manière verticale pour communiquer de haut en bas : la base réagit, et bien plus fort que le sommet. Il sera difficile de museler la toile dans un pays ouvert. En Chine, en Iran, en Corée du Nord, c’est une autre histoire.

4 – En politique, le off n’existe plus car la communication politique a trop joué avec les mises en scènes de la vie privée et des moments intimes. Désormais, vous êtes sous l’œil permanent des citoyens que vous avez voulu draguer à tout prix.

5 – Faute avouée à moitié pardonnée : nier quand les faits accablent, ça ne prend que si on a des moyens de coercitions conséquents pour étouffer les choses. Si Hortefeux avait dit que c’était une mauvaise plaisanterie ou qu’il regrettait des propos ambivalents, peut-être n’aurait-il pas eu droit à un tel tollé. Peut-être, mais ses antécédents ont parlé contre lui.

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