OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Sandy, histoire vraie images fausses http://owni.fr/2012/11/01/sandy-histoire-vraie-images-fausses/ http://owni.fr/2012/11/01/sandy-histoire-vraie-images-fausses/#comments Thu, 01 Nov 2012 11:30:58 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=124658 L’ouragan Sandy, rapidement rebaptisé Frankenstorm, a atteint New York avant-hier, y causant aussitôt une dizaine de morts. Le quotidien Libération a alors publié un article titré Sandy touche terre et fait ses premières victimes, ce qui semble un peu léger, puisqu’avant d’atteindre la côte Est des États-Unis, le cyclone a tout de même fait au moins soixante-quinze morts dans les Caraïbes, dont cinquante sur la seule île d’Haïti.

Frankenstorm menaçant New York / une tempête dans le Nebraska, photographiée par Mike Hollingshead.

Le cliché ci-dessus à gauche, qui représente l’ouragan en train de menacer New York a été partagé plus d’un demi-million de fois sur Facebook. Beaucoup, y compris parmi ceux qui ont diffusé cette image, ont eu des doutes sur sa véracité, notamment puisqu’il anticipait sur les évènements. Vérification faite, il s’agissait bien d’un montage entre une vue classique de la statue de la liberté et une tempête de 2004 dans le Nebraska.

Cela m’a rappelé un cas sur lequel je suis tombé en préparant mon livre. Une agence d’images sérieuse proposait à la vente une photographie impressionnante censément prise à Haïti il y a deux ans, où l’on voyait des palmiers noyés par une vague géante [ci-dessous]. Jolie image, mais qui me posait un problème car il n’y a pas eu de tsunami en Haïti en 2010. Alors j’ai fait quelques recherches…

Vérification faite, la photographie en question s’avère être un recadrage et une colorisation d’un cliché pris à Hawaïi en 1946 par Rod Mason, un simple amateur qui se trouvait alors directement menacé par le tsunami Hilo, qui a causé en son temps la mort de cent soixante personnes. Un photographe indélicat avait vendu à l’agence cette image ancienne, qui ne lui appartenait pas, remixée en tant que photographie d’actualité récente.

Revenons à Sandy. Plusieurs montages faciles à identifier ont été réalisés en incrustant des titres d’actualité à des captures issues des films-catastrophe de Roland Emmerich : Independance Day (1996), The Day After Tomorrow (2004) et 2012 (2009), ou encore en utilisant des images du film coréen The Last Day (2009).

Les titres d’actualité de Fox News incrustés sur une image issue du film The Day After Tomorrow.

Parmi les images qui ont beaucoup circulé, on a aussi pu voir un certain nombre de photographies de requins circulant dans les villes inondées. Je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de requins aussi haut qu’à New York à la fin du mois d’octobre, ces animaux n’aimant pas les eaux froides, mais l’idée du requin qui se balade dans le jardin est délicieusement effrayante.

Parmi les images très populaires, il y a aussi eu celle de ce restaurant McDonald’s inondé :

…Il s’agit en fait d’un photogramme extrait d’un film réalisé en 2009 par les artistes danois Superflex et intitulé Flooded McDonald’s, c’est à dire littéralement McDonald’s inondé.

Toutes ces images, déjà factices ou sorties de leur contexte ont assez rapidement suscité des parodies, bien sûr.

L’image ci-dessus à gauche cumule diverses menaces de cinéma : Godzilla, le requin géant des dents de la mer ou de Shark attack, des soucoupes volantes, le marshmallow man du film Ghostbusters. On retrouve aussi Godzilla derrière la statue de Neptune de Virginia Beach.

Dès que l’on parle de catastrophe à New York, comment se retenir de penser au cinéma ? Le problème s’était déjà posé le 11 septembre 2001. Nous avons vu cette ville si souvent détruite : Godzilla (1998), La guerre des mondes (2005), Cloverfield (2008), Avengers (2012),…

Parmi les images de reportage qui ont été produite par des photographes professionnels pour des médias d’information, on en trouve beaucoup qui elles aussi semblent s’adresser à notre imaginaire de cinéphile plus qu’autre chose :

Haut : Bebeto Matthews. Bas : Andrew Burton.

Composition soignée, éclairage dramatique, couleurs étudiées, ces photos sont belles avant d’être informatives, et ont sans doute été retouchées dans ce but.

Quant aux photos d’amateurs, elles sont encore plus troublantes, car beaucoup ont envoyé sur Facebook ou Twitter des témoignages parfois dramatiques de ce qu’ils voyaient, mais modifiés par les filtres fantaisistes d’Instagram :

Des reportages amateurs publiés à l’aide d’Instagram par (de haut en bas et de gauche à droite) Caroline Winslow, @le_libron, @bonjomo et Jared Greenstein.

Ces images prises avec des téléphones portables se voient donc appliquer des couleurs rétro, passées, ou d’autres effets censés rappeler la photographie argentique.

Finalement, les seules images qui semblent un tant soit peu objectives, ce sont celles qui sont prises par des caméras de surveillance ou des webcams :

Je ne suis pas sûr qu’il rimerait à quelque chose de faire des statistiques pour le vérifier, mais il semble que la très grande majorité des images que nous recevions de l’ouragan Sandy et de ses effets sur la côte Est des États-Unis, une histoire “vraie”, soient des images “fausses”, c’est-à-dire qui s’écartent sciemment de l’illusion du témoignage objectif : montages, retouches, images d’archives, images d’actualité ayant l’apparence de photos d’archives, pastiches, images extraites de films. Et il n’est pas forcément question de tromperie, puisque c’est le public, par les réseaux sociaux, qui sélectionne les images qui circulent, qui les diffuse et, parfois, qui les crée.

C’est le public aussi qui effectue des enquêtes sur les images et qui fait ensuite circuler en pagaille des démentis (parfois douteux ou incomplets) pour signaler que telle image est ancienne et que telle autre est falsifiée. Le public n’est pas forcément désorienté, pas dupe de la confusion, il y participe sciemment, peut-être suivant l’adage italien se non è vero è bene trovato : si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé.

La question n’est donc peut-être pas de chercher à transmettre une vérité sur ce qu’il se passe à New York, mais juste de répondre à un évènement par des images et donc, par un imaginaire.


Article publié à l’origine sur le blog de Jean-Noël Lafargue, Hyperbate.

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Regarder New York buller son CO2 http://owni.fr/2012/10/26/regarder-new-york-buller-son-co2/ http://owni.fr/2012/10/26/regarder-new-york-buller-son-co2/#comments Fri, 26 Oct 2012 09:30:57 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=124230

Veille data

En 2010, New York expirait chaque seconde par les mille pores de la ville deux tonnes de CO2. Pour visualiser ce phénomène, l’agence Carbon Visuals Limited a décidé de faire émerger en grandes sphères bleutées tout le produit de ces émissions à un seul et même endroit à deux pas de l’Empire State Building.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pour une pression de 1,87 kg par mètre cube aux conditions de température et de pression atmosphérique normales, c’est un ballon de 10 mètres de diamètre qui surgit toutes les demi-secondes par cette trachée imaginaire, bousculant les taxis en quelques secondes, engloutissant les buildings jusqu’à Bryant Park en moins d’une heure puis submergeant Manhattan au bout d’une année d’expiration…

L'empilement de bulles de CO2 est représenté pour une heure, un jour et un an, enterrant Manhattan sous ses rejets de carbone matérialisés.

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Occupy Wall Street refleurit http://owni.fr/2012/03/24/occupy-wall-street-refleurit/ http://owni.fr/2012/03/24/occupy-wall-street-refleurit/#comments Sat, 24 Mar 2012 13:40:21 +0000 Arnaud Contreras http://owni.fr/?p=103294 OWNI vous invite à retrouver, aux États-Unis, le mouvement Occupy Wall Street qui vient d'achever d'hiberner. Reportage plein de sève d'Arnaud Contreras qui a suivi les préparatifs des principales figures d'Occupy. ]]>

Barricade et hashtag © Arnaud Contreras

We sow seeds in the Fall… They blossom in the Spring in « The Declaration of The Occupation of New York »

Un peu moins présent cet hiver sur la scène médiatique depuis son éviction de Zuccotti Park en novembre 2011, le mouvement Occupy Wall Street n’a cessé pendant l’hiver d’accroître sa présence en ligne, de s’organiser, de préparer des actions en espérant peser sur la campagne électorale américaine et permettre à la population de débattre de thèmes que certains disent « endormis » par les autorités.

Depuis quelques jours, Occupy Wall Street organise de grandes manifestations, en avance sur son propre calendrier qui prévoit des événements avec les syndicats américains au mois de mai. Immersion pour l’Atelier des Médias de RFI et OWNI, pendant dix jours à New York auprès de figures phares du mouvement. Témoignages, images et sons captés à quelques jours de ce Printemps…

Margot Wellington, 80 ans, me regarde avec la tendresse d’une grand-mère. Ce soir, le Seaport Museum, pour fêter sa réouverture après de longs travaux, a choisi de présenter une exposition collective sur Occupy Wall Street. Première fois qu’un établissement officiel affiche son soutien à l’esprit de réforme qui souffle sur la ville. La grande bourgeoisie New Yorkaise, les 1%, trinque avec des employés, et personnels de services, hipsters militants, étudiants, syndicalistes, les 99%. Chacun discute devant les clichés réalisés aussi bien par des membres de la prestigieuse agence VII que par des photographes émergents ou amateurs et des passants ayant capturé quelques Instagram lors des événements de l’automne dernier.

Manifestation ©Arnaud Contreras

La vieille dame m’a abordé alors que je parlais du film Beat « Pull my Daisy » de Robert Frank, avec une des organisatrices arborant un badge YES, référence à peine voilée au YES WE CAN d’OBAMA. “Je retrouve enfin l’esprit beat que j’ai connu dans les années 50″ me dit Margot. “Chez les Occupy, il y a aussi des beats, mais pas que”, reprend –elle. “Sache qu’il n’y a pas une porte vers Occupy, il y en a 1000.”

Depuis début octobre, cette nuit passée à suivre à Paris les livestreams de l’occupation de Brooklyn Bridge, l’arrestation de 700 manifestants, j’ai tenté d’identifier par quelle « porte » entrer. Sur Twitter, les hashtags les plus présents après #OccupyWallStreet et #ows étaient « UsDayofRage et #usdor.

Sur leurs sites et pages Facebook, ce groupe revendique la réforme du système de financement des campagnes électorales, des élections nationales et fédérales, l’abolition du statut de “personne physique” pour les entreprises.

Alexa O'Brien en février à New-York par Arnaud Contras ©

Alexa O’Brien, fondatrice du mouvement Days of Rage m’accueille dans son petit appartement du Queens, après qu’elle m’eût posé par mail, téléphone, direct message sur Twitter, de multiples questions. Je me retrouve face à une trentenaire hypra active, souriante mais ponctuant ses propos de référence à de nombreuses peurs, intimidations du FBI envers des militants proches d’Occupy Wall Street :“Je ne sais plus qui est qui, qui joue quel jeu, pour qui. Il faut que tu comprennes qu‘un de mes collègues de travail m’a dit qu’on lui posait des questions sur moi.”

Dès le mois de mars 2011, Alexa se sent concernée par ce qu’elle voit, suit “intimement, sur Twitter”, les événements en Tunisie et en Égypte, est exaspérée par “le blocage complet de l’engagement citoyen dans l’espace public”. Elle est choquée par la puissance accrue des grandes entreprises et décide de créer Days of Rage.

Cela a été une décision impulsive, je ne m’attendais pas à ce que cela décolle avec une telle force. Nous avons eu 1000 followers en une semaine. Nous avons alors compris que nous avions une responsabilité, de créer un espace pour que les Américains puissent s’engager de manière authentique.

En juin, le magazine Adbusters lance un appel à des manifestations pacifiques sur les mêmes revendications, rejoint en juillet par le collectif Anonymous.

En juillet, US Day of Rage a soutenu l’appel à occuper Wall Street. A ce moment-là, nous avions déjà gagné de la confiance et de la crédibilité sur Twitter à travers des campagnes de sensibilisation. Nous avions mis en ligne des discussions et des formations autour de la non-violence et de la désobéissance civile. Nous avions créé une plateforme évolutive en ligne. Et bien entendu, nous avons contribué concrètement à l’organisation de cinq manifestations aux États-Unis le 17 septembre 2011 et nous avons contribué en ligne à 19 autres manifestations le même jour dans le monde.

Etudiant et Anonymous ©Arnaud Contreras

Le slogan “1 citoyen, 1 dollar, 1 vote” que diffuse US Day of Rage sur les réseaux sociaux est repris par des journaux tels The Nation ou The Guardian, deux titres qui ont choisi de couvrir les actions sans aucun répit depuis septembre 2011. Malgré une veille de 4 mois, des lectures diverses, je me suis trompé sur les personnes que je m’attendais à rencontrer. Alexa n’est pas une militante alter-mondialiste, drapeau “Free Tibet” au mur, graines de soja et tofu dans la cuisine. Après avoir travaillé pour les Nations Unies, des sociétés du NYCE, c’est une workaholic, plus expresso que thé vert, qui me reçoit. Elle ne veut pas que son engagement ait une quelconque couleur politique, revendique le sérieux de ses amis, refuse l’image de “hippies ou de gauchistes” que les “mass media cherchent à [leur] coller. Nous n’avons pas une opinion sur la droite ou la gauche, ce n’est pas pertinent”, reprend-elle.

Dans la société américaine, il y a quelque chose qui se nomme l’espace civique, public, cela n’appartient pas aux démocrates, cela n’appartient pas à la droite. Cela appartient aux Américains. Je sais qu’US Day of Rage soutient l’idée d’un gouvernement transparent et nous soutenons des sites de lanceurs d’alerte, comme WikiLeaks.

Anonymous à dreadlocks, par Arnaud Contreras ©

Au fil des mois, Alexa s’est en effet rapprochée de WikiLeaks, et contribue activement au site WLCentral, un collectif qui analyse chaque parole, chaque texte publié sur Julian Assange et son équipe. Ils démontent de manière rigoureuse la moindre rumeur concernant ce dernier. Les yeux d’Alexa s’assombrissent à l’évocation de Bradley Manning, son dossier prioritaire aujourd’hui. Sillonnant les États-Unis dans le WikileaksTruck, elle tente d’assister à chaque audience du pré procès, et de live-tweeter des éléments qui pourront être analysés par d’autres membres de WLCentral, partout dans le monde.

Quand je quitte Alexa, elle écrit en rafale plusieurs tweets me recommandant auprès de différentes personnes, et me met en garde avec sourire, sur le fait que maintenant,“je suis aussi dans le viseur”. “Tout le monde se regarde, s’observe ici”, me dit-elle.

Regardez le secteur de la sécurité et du renseignement aux États-Unis, qui ont explosé. Le nombre de personnes américaines qui sont classifiées. Ils ont mis toutes leurs techniques, dans tous les aspects de la société, Internet, la presse, l’espace civique. Ils ont créé des politiques qui sont des politiques de bureaucrates, mais qui affectent la société dans son ensemble.

Dans l’après-midi,  le compte Twitter d’Occupy Wall Street annonce une manifestation à Manhattan, en soutien aux Occupy d’Oakland, qui auraient été sévèrement réprimés la veille par les forces de police. Aucun écho sur les sites des grands titres. Je découvre en ligne des vidéos de guérilla urbaine. Une rangée de manifestants qui se protègent derrière des boucliers de fortune, fumigènes, explosions assourdissantes et lacrymos. À 19h00, je rate le départ des Occupy et rencontre deux jeunes femmes qui tentent de les localiser en suivant des fils sur Twitter.  À marche forcée, nous rejoignons 300-400 personnes bloquées sur les trottoirs. Le convoi est encadré par des dizaines de policiers, interdisant toute incursion sur la voie publique. Slogans classiques des 99 %, chants zapatistes, tous âges et classes vestimentaires mélangés.

À chaque croisement de rue, certains, le visage caché sous des masques Anonymous, nous encouragent à en profiter pour faire une incursion au milieu de la circulation. Une femme d’une cinquantaine d’années déborde un groupe de policier, brandit une pancarte “NY – Oakland- Occupy everywhere”. Les forces de l’ordre courent vers elle. Elle revient sur le trottoir se fondre dans la foule.

Quelques minutes plus tard, voix portées imitant une sirène. Une dizaine de policiers fonce sur les trottoirs, met à terre un militant et exfiltre en moins d’une minute, sous une nuée de téléphones portables, tablettes et ordinateurs portables qui filment la scène, captent les “Shame on you”.
Un jeu de cache-cache s’installe. À chaque croisement, nous ne savons pas si nous allons tourner à droite ou à gauche. Marche, course, marche, course pendant trois heures dans Manhattan, sans que je puisse déceler un but précis.

Un groupe de personnes hèle des policiers : “You’re also the 99%”.

Arrestation ©Arnaud Contreras

Nous nous arrêtons devant un bâtiment qui servait de centre social et de lieu d’habitation pour des migrants sud-américains. Expulsé il y a quelques semaines, l’immeuble va être réhabilité en logements de luxe. Un photo-montage présente sur la façade un chasseur en livrée qui ouvre la porte à un jeune couple modèle. Un policier demande s’il ne reste plus aucun journaliste sur le trottoir. Et de fait, les journalistes ne sont pas dans la manifestation. Ils sont de l’autre côté du cordon d’uniformes bleus.

Un militant d’Occupy Our Homes, la branche “Droit au logement” d’Occupy, escalade les palissades installées par le promoteur. Immédiatement une vingtaine de NYPD l’attrapent violemment, ainsi que quelques jeunes trop remuants. Jamais vu une telle agressivité dans les gestes, hormis dans certaines manifestations au Mali. Les Occupy tapent sur les palissades, hurlent.

Une bouteille en verre vient se briser au milieu de la rue. Les NYPD font de nouvelles incursions sur les trottoirs. Les caméras des télévisions filment de loin.

Tim Pool en action, février 2012, par Arnaud Contreras ©

Tim Pool, un live-streamer saisit chaque action, en commentant d’une voix calme les événements, tournant vers lui son iPhone. Dès le mois de septembre dernier, il est en tête des manifestations. Pas forcément militant, mais “journaliste citoyen”. Ses chaînes sur les différentes plateformes de stream sont les plus regardées, son nom est régulièrement cité par CNN lors des évènements. Je suis ses live-tweets depuis des mois. Nous convenons d’un rendez-vous le lendemain.

La manifestation s’achève dans un petit square, deux blocs plus loin. Un groupe pose à terre ses sacs à dos et tentes, lance l’idée d’une occupation du lieu. On s’est fait virer de Zuccotti Park en novembre, mais ce qu’on ne voit pas, c’est qu’il y a toujours plus de 50 occupations dans tout le pays, qui elles, n’ont pas été délogées”, me dit l’un d’entre eux.

Dans la nuit, je remonte la timeline de la soirée. Peu de temps après notre discussion, Tim Pool s’est fait agresser. Quelqu’un lui a arraché des mains son téléphone alors qu’il filmait. C’est la première fois dans l’histoire d’Occupy qu’un live streamer est pris à partie par un manifestant. Blogs et discussions reprennent la chronologie de l’incident, accusent les black blocks qui se cachent derrière leurs capuches et foulards. On parle d’une frange anarchiste dans Occupy, de provocateurs payés par Michael Bloomberg, le maire de New York.

Tentative de nouveau campement © Arnaud Contreras

Le lendemain matin, certains journaux relatent les faits… Depuis le trottoir d’en face. Quand il m’accueille chez lui, dans South Brooklyn, Tim Pool est tendu. Il vient de publier un “statement”, un communiqué. Le journaliste citoyen de 26 ans parle avec assurance, me montre son matériel léger de tournage, au milieu d’un capharnaüm de vieux PC et Mac première génération. Il vit dans cette maison délabrée d’un quartier populaire, en collocation avec quelques autres “gens d’images” qui suivent le mouvement, et un couple de sexagénaire. C’est ici qu’il a construit et testé “The Occucopter”,  un drone artisanal qui lui permet de filmer les manifestations, d’identifier les membres de NYPD qui agiraient avec trop de violence.

Tim porte un regard très critique envers les journalistes des mass media :

Ils font généralement une des choses suivantes en fonction de leur manière de voir la politique. Soit ils attendent la fin d’une manifestation pour commencer à filmer. Un moment où évidemment il reste très peu de monde. Vous pouvez voir les tout derniers manifestants et le commentaire c’est : “Regardez, il n’y avait personne”.  Et il y a l’opposé. Ceux qui attendent le pic de participation pour filmer et dire : “Regardez, il y avait 10000 personnes…” En fait dans les deux cas, ils fabriquent la réalité en fonction de leur sensibilité politique. Dans mon idée, la transparence, cela veut dire que les gens ont le droit de savoir ce qui se passe. Ce qui a lieu en public affecte le public. Il n’y a pas à tergiverser, on doit raconter ce qui s’est passé, point.

Livestreaming ©Arnaud Contreras

Dans les commentaires, deux reproches sont faits à Tim. Le premier concerne sa manière –assez agaçante- d’entrecouper ses commentaires de “vous pouvez me suivre sur le compte @Timcast”, et d’appels aux dons pour qu’il puisse poursuivre son travail. Le second met en débat son goût affiché pour une transparence totale, quitte à mettre en danger, montrer aux autorités qui suivent son stream, des militants qui commettraient des actes illégaux.

Par exemple l’autre dimanche où quelques manifestants balançaient des bouteilles et des canettes sur la police. On m’a personnellement demandé de ne pas filmer cela, de dévier ma caméra. On m’a dit exactement qu’il fallait “qu’Occupy Wall Street ait une bonne apparence” et je ne suis pas d’accord avec ça. C’est vrai que c’est important pour eux de décrier ce type d’agissements violents. Mon seul boulot à moi c’est de montrer au monde ce qui se passe. Si des manifestants balancent des bouteilles, si la police frappe des manifestants, c’est ça que je dois montrer.

Dicey Troop pendant une Assemblée Générale, à New-York en février 2012 par Arnaud Contreras ©

Ce débat dépasse la seule personnalité de Tim Pool. Occupy commence à se poser des questions sur cette transparence. Dicey Troop, la personne qui est derrière le compte officiel de l’assemblée générale d’Occupy Wall Street me donne rendez-vous … À Wall Street. Dans le hall d’entrée d’un grand immeuble de bureau, une cinquantaine de personnes assiste à la General Assembly[Assemblée générale] quotidienne, pendant que d’autres viennent bénéficier de la soupe populaire que distribue un groupe d’Occupy. Ici on ne vote pas, on approuve ou désapprouve par consensus, en utilisant les mêmes codes que les indignados espagnols. Langage de signes que retranscrit en direct Dicey sur Twitter, assis à côté des orateurs, pianotant à toute vitesse sur un clavier relié à un iPhone.

Je pense que le sujet important est la relation entre les manifestants, leurs messages, et la société. Et tu sais à New York, la police répond avec beaucoup de violence et de force pour tenter de taire ce que l’on dit et de supprimer notre organisation. Je pense qu’il y a vraiment deux approches sur ce qu’est ce travail : est-ce montrer ce qui se passe et témoigner du contexte qui engendre des conflits entre les manifestants et des structures de pouvoirs ? Ou bien est-ce trouver les choses les plus scandaleuses qui se déroulent en mettant la lumière sur la police ou les manifestants ? Je suis absolument pour la transparence, mais il y a aussi un droit à la vie privée, qui est parfois en conflit avec la transparence. Il y a des moments où les gens ont des conversations compliquées, dans des espaces privés. Tu sais, on ne ferme presque jamais les portes, et parfois les gens ont besoin de se sentir en sécurité, qu’on n’écoute pas ce qu’ils disent. On demande parfois à des gens qui livestream pour un certain public de quitter la pièce, et même les photographes, et d’autres journalistes, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de transparence.

L’accès pour tous à l’information est l’autre chantier sur lequel travaillent tous les sympathisants d’Occupy Wall Street. Certes il y a quelques poètes, musiciens, écrivains et artistes qui foisonnent d’idées, organisent des free speech comme ceux que l’on peut retrouver dans les images d’archives du mouvement hippie, mais Occupy s’est dès le début organisé. Oui, Occupy est une idée, mais ce sont aussi des centaines de structures, de comités dans tous les domaines, pour toutes les professions. Chaque jour à heure fixe, comme indiqué sur leur site, se réunissent des commissions qui débattent de thèmes très précis : réforme financière, électorale ; refondation des systèmes éducatifs et de santé. Même une commission sur la défense. Des experts, professeurs d’universités, membres des 1% diffusent leur savoir auprès des 99%.

99 cats, par Arnaud Contreras ©

L’une de ces commissions, Occupy with Art est en résidence pendant deux mois dans les locaux du blog Hyper Allergic. Ils m’invitent à l’une de leurs réunions où l’on débat de manière calme sur le rôle des marchés financiers et du blanchiment d’argent dans le marché de l’art. Un jeune commissaire d’exposition lance un “The revolution will be curated”, repris en cœur par l’assemblée.

Je rencontre Alexandre, Zef et Katy devant une table où un groupe est en plein brainstorming pour inventer de nouveaux slogans. La priorité des trois amis, qui se sont rencontrés alors qu’ils évitaient les jets de gaz au poivre d’un membre de NYPD, à la fin d’un sit-in, est de rendre accessible l’information par des jeux. Ensemble ils ont fondé le collectif Revolutionary Games.

Selon Alexandre Carvalho, “Revolutionary Games” est un collectif consacré à Occupy Wall Street qui crée des jeux en ligne, mais aussi des jeux de rue.

Nous avons commencé à beaucoup citer un écrivain Hollandais qui s’appelle Huizinga, son livre s’appelle Homo Ludens. Il explique comment les jeux et le fait de jouer précèdent la culture. Avant de devenir des êtres humains, avant d’être conscients, nous jouions, nous avions ce type d’interactions. C’est un texte important pour nous. Pour relier jeu et guérilla, et insurrection, nous avons lu L’insurrection qui vient, par le Comité invisible, et Introduction à la guerre civile.

Depuis quelques jours, bien que de nombreuses références aient été faites aux indignados, ici on se définit comme « Occupy », pas comme « indignés ». Je n’ai rencontré personne qui connaisse Stéphane Hessel. En revanche, c’est la seconde fois que l’on me cite L’insurrection qui vient, et que l’on me pose des questions sur Tarnac, l’influence de Julien Coupat sur la jeunesse française.

anarchy ©Arnaud Contreras

Alexandre comme Zef se définissent comme anarchistes. Ce dernier a créé le concept d’Anarchive, sur le principe que chaque personne qui assiste à un événement d’Occupy doit collecter sa propre mémoire, sa propre expérience et la communiquer au plus grand nombre. Il est fermement contre l’idée d’une centralisation des archives, films, documents qui concernent Occupy, “le meilleur moyen pour que notre histoire soit manipulée, selon lui.

Je termine la soirée avec eux dans un pavillon où l’un de leurs amis live streamer diffuse “America” de Ginsberg. Long silence en écoutant le poème beat. Ils me présentent leurs actions à venir de “Novads”, leur prochain tour des États-Unis pour faire jouer la population américaine au dernier jeu qu’ils ont inventé : Memee, contraction de “Remember Me + Memory me + Meme”. Une forme de discussion orientée, ludique, avec la puissance d’un mème.

Alexandre est médecin épidémiologiste. Toutes les connaissances acquises dans le champs médical lui servent aujourd’hui dans ses actions virales en ligne.

Le jeu, jouer et l’art, ces choses sont des moyens d’éviter l’opposition directe, et aussi de faire réfléchir les gens. Ça les fait réfléchir à protester d’une autre manière, à considérer la révolution d’une manière différente.
Ici, nous essayons de révolutionner la révolution.


Photographies par Arnaud Contreras © tous droits réservés. #FYI pour les geek de la photo : Leica M7 (argentique) /-)
Arnaud Contreras est documentariste et producteur à France Culture. Il aime travailler au long cours sur des communautés, cultures et contrecultures. A paraître “Sahara Rocks !” aux éditions Bec en L’air sur la société saharienne actuelle et ses musiciens.
Une publication croisée avec l’Atelier des médias – RFI. Une émission enregistrée par Ziad Maalouf et Simon Decreuze.
Edition par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Les data en forme http://owni.fr/2011/11/14/data-bible-ecube-politilines-marathon-opendata-bloomberg-haiti/ http://owni.fr/2011/11/14/data-bible-ecube-politilines-marathon-opendata-bloomberg-haiti/#comments Mon, 14 Nov 2011 07:26:53 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=86779 Qu’il ait été pour vous un cauchemar ou une fascination, vous avez forcément été confronté à un moment de votre vie à ce casse-tête addictif : le Rubik’s Cube. Cette semaine, nous vous proposons de vous replonger dans ce jeu de logique et d’équilibre, dans une version data aussi osée que prometteuse.

Le projet E-cube-Librium, développé par le mystérieux Damon, propose de visualiser la croissance des pays du monde et ses diverses composantes sous la forme d’un Rubik’s cube.

Sur chacune des six faces, Damon a positionné différents indicateurs (certains indicateurs se retrouvent sur plusieurs faces) selon trois piliers principaux :

  • Développement social : indicateur de développement humain (IDH), santé de la population, taux d’emploi,
  • Environnement : accès à l’eau, émission de CO2,
  • Développement économique : taux de croissance du PIB par tête, urbanisation, dépenses de santé.

La vision d’ensemble du cube permet donc de visualiser quels sont les secteurs les plus développés, et ceux pour lesquels il reste encore des efforts à faire. Et surtout, selon les règles d’équilibre relatives au Rubik’s Cube, chaque secteur est en corrélation avec un autre, pour avancer vers une croissance plus équilibrée : par exemple, le taux de croissance du PIB se retrouve relativisé avec les émissions de CO2.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Utilisant les données des Nations Unies sur le développement durable, Damon a réalisé la visualisation pour une douzaine de pays, sur les quatre périodes permises par les données : 1990-1995, 1995-2000, 2000-2005, 2005-2010. “A partir de ces visualisations et ces excroissances en 3D, il est facile de dessiner des connections et d’identifier visuellement quel facteur affecte l’équilibre du système global. Avec ce système d’E-cube, on peut commencer à faire tourner le puzzle dans le but de résoudre les équations ou en tout cas d’éviter qu’ils deviennent encore plus déséquilibrés” explique Damon sur son site.

On regrette juste que le travail graphique ne soit pas plus soigné et qu’une animation ne permette pas de mettre en scène les évolutions des cubes sur les quatre périodes. Mais le projet n’en est qu’à ses débuts…

Républicains et religieux

Après avoir joué avec les formes, jouons avec les mots.

L’analyse sémantique est un domaine que nous suivons de près à OWNI et deux projets particulièrement séduisants ont retenu notre attention dans ce domaine cette semaine.

Le premier s’intéresse à deux des plus grands best-sellers de tous les temps : la Bible et le Coran.

La société Pitch Interactive (dont le slogan est “Doing good with data”, “faire le bien avec les data”…) a voulu déconstruire les préjugés souvent associés à ces deux livres sacrés : par exemple que l’idée que le Coran soit un livre “violent” ou “de terreur”. Pour ce faire, ils ont analysé le contenu de la Bible et du Coran. Le résultat de leur recherche est présenté dans une application en HTML5, permettant de chercher une thématique et de comparer sa fréquence d’apparition dans les deux livres.

La référence et le contenu des versets qui citent tel ou tel sujet est indiqué, permettant ainsi de naviguer en profondeur dans les détails des livres et de re-situer chaque mot dans son contexte.

Pour chaque thématique est également présenté des données chiffrées : nombre d’occurrences, nombre de versets qui citent le mot, pourcentage de versets y faisant référence (ce qui a son importance, la Bible étant beaucoup plus longue que le Coran). Essayez sur TRUST (confiance), FORGIVE (pardon), ou PEACE (paix), le résultat est assez saisissant.

Le deuxième exemple s’applique au champ de la politique et sera à suivre pendant les prochaines semaines : le projet “Politilines” a pour ambition de visualiser les mots utilisés lors des débats pour les primaires républicaines. Cette application met en relation les mots les plus prononcés, les sujets auxquels ils se rapportent et les candidats qui les ont le plus utilisés, le tout dans une navigation très simple. Pour les plus curieux, la méthode est précisée dans l’onglet “Methods and source”.

Transportons-nous

Il y a deux semaines, nous vous parlions dans les Data en forme du concours lancé par CheckMyMetro et l’agence Creads pour la création d’un nouveau plan du métro. Le concours est terminé et les différentes créations peuvent être consultées ici. Vous avez jusqu’au 21 novembre pour voter pour votre carte préférée. Plusieurs dizaines de projets ont été soumis, quelques uns ont attiré notre œil :

  • une carte géolocalisée (les stations sont à leur emplacement exact les unes par rapport aux autres), qui prend en compte également les distances de quai à quai quand on doit faire un changement, utilisable par les daltoniens, et qui conserve (presque) les couleurs des lignes officielles de la RATP, élément de repère essentiel.
  • une carte végétale, quand les lignes de métro se voient pousser des feuilles

Ensuite, vous cliquerez vers cette application pour rêver, une fois de plus, à tous les services qui pourront voir le jour quand les données de la SNCF ou de la RATP seront ouvertes… Cette app néerlandaise, à la façon de l’appli Locomote développée par Isokron à Rennes, permet de visualiser les distances en transports en commun d’un point à l’autre du pays. Une granularité dans les choix et un très joli travail de design rendent cette application particulièrement réussie.

Il ne faut pas croire que les data ne s’intéressent qu’aux transports en commun. La course à pied peut aussi être un sujet, ou tout du moins constituer une porte d’entrée pour un sujet data. La preuve par ce sujet du New York Times. Dans les bureaux de Paule on s’est partagé le lien avec ce petit commentaire en accompagnement : “Bon, bah c’est le New York Times quoi…”. Comprendre : une idée brillante et pertinente, une réalisation simple, esthétique et efficace. Le genre de projets qui nous rend jaloux.

Leurs journalistes se sont fait la réflexion que depuis 1976, le parcours du marathon de New York, n’avait pas évolué. A l’inverse des quartiers foulés et des zones traversées. Notamment en termes de revenu moyen et de diversité ethnique. Ces journalistes ont donc représenté ces évolutions au moyen d’une dataviz vidéo, montrant sur une carte le tracé du marathon et pour chaque critère (revenu moyen, présence de Noirs, Blancs, etc.), la courbe se situe au-dessus ou en-dessous du tracé du marathon suivant que les données ont cru ou décru.

Restons à New York (en partie) : le mouvement Occupy Wall Street continue et nous fournit chaque semaine un traitement data intéressant. Cette semaine, c’est le travail de Jenn Finnäs qui nous a interpellé. Il a répertorié sur une carte et sur un calendrier le nombre de mouvements, dans le monde, se réclamant de cette manifestation. Et surtout, il explique comment il a fait : se basant sur les données du site meetup.com qui coordonne le mouvement, un script en ruby et un petit travail de mise en forme ensuite, et hop, une joli visu sur le web.

A signaler également l’intiative du Guardian de recenser les différentes mouvements par le crowdsourcing.

Le point Open Data à la mi-journée

La Norvège a lancé cette semaine son portail d’Open Data. Comme il n’existe pas de version anglaise, nous laisserons le soin à nos lecteurs norvégiens, s’il en existe de nous faire un retour sur le contenu du site…

Cette initiative devrait en tout cas probablement permettre à la Norvège de figurer en bonne place dans le classement de l’Open Government réalisé par l’entreprise Digital Daya (spécialisée dans l’accompagnement des décideurs dans leur action et dans l’utilisation des outils du web – réseaux sociaux, plates-formes, etc.).

Le résultat est graphiquement très moyen, mais réalisé avec StatPlanet, un outil de visualisation en ligne gratuit et le contenu est quant à lui plutôt puissant. Pour chaque pays du globe, Digital Daya évalue leur niveau sur deux critères : le statut d’ouverture du gouvernement (fermé, éligible, ouvert) et ses capacités en termes de gouvermement 2.0 (sans activité, novice, doué, faisant autorité). Un bon tour d’horizon du niveau d’ouverture des gouvernements dans le monde.

Autre réalisation dans la philosophie de l’Open Data, Haiti Aid Map recense et géolocalise les projets d’aide lancés en Haïti suite au tremblement de terre de janvier 2010. Les données peuvent être recherchées par commune, par secteur, ou encore par organisation. Chaque projet comporte une description, un calendrier, le budget et un point sur les personnes qui financent le projet. Toutes les données sont exportables en csv, en xml ou en excel.

Pour Noël, offrez-vous votre dashboard data

Bloomberg s’est offert une pleine page d’accueil dédiée aux data (les siennes essentiellement), pour un rendu néanmoins bien sympa. Il est à parier que cette initiative fera de très nombreux petits à travers le monde.


Retrouvez tous les épisodes des Data en forme !

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http://owni.fr/2011/11/14/data-bible-ecube-politilines-marathon-opendata-bloomberg-haiti/feed/ 6
Les “varités” du 11 septembre http://owni.fr/2011/09/10/les-varites-du-11-septembre-911/ http://owni.fr/2011/09/10/les-varites-du-11-septembre-911/#comments Fri, 09 Sep 2011 22:29:32 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=78827 Jacques Lacan se gardait à ce point de la vérité, qu’il lui préférait la varité, néologisme produit du croisement entre vérité et variation. Parce que les vérités, surtout les plus définitives, les plus assurées, varient autant que les Hommes. Et ce mouvement-là s’applique autant au registre de l’intime, qu’aux événements historiques autour desquels des sociétés s’identifient.

Le 11 septembre n’échappe pas au phénomène. En dix ans, il a lui aussi connu ses varités. Qu’on songe aux multiples théories conspirationnistes, forcément évolutives pour coïncider avec la moindre parcelle de réalité factuelle qui, à intervalles réguliers, était défrichée.

Force narrative d’une légende

Ces théories doivent leur succès à des dynamiques désormais bien connues. Elles s’expliquent par le manque de transparence de l’administration américaine, autant que par la force narrative d’une légende bien écrite construite par des idéologues – plein de bonne foi la plupart du temps ; l’un et l’autre s’alimentent. Puisqu’au lendemain de ces attaques, la Maison Blanche entreprit de mener des guerres et coupa court à l’instruction judiciaire sur cet acte criminel qui aurait dû aboutir à un procès pénal, avec confrontation des preuves et des témoignages. Tandis que la portée politique du même acte criminel conduisait bon nombre de citoyens à instruire par eux-mêmes ce procès ajourné.

Dix ans plus tard, ces varités sur le 11 septembre ont perdu de leur souffle. Les variations interviennent désormais à la marge, avec une amplitude désormais conforme à nombre d’événements de l’histoire contemporaine, dont la connaissance n’évolue plus que par touches légères.

Car la mémoire factuelle de ces événements s’est progressivement ouverte. En particulier lors de la publication du rapport d’enquête du Congrès américain au mois de juillet 2004. Ne laissant de côté que quelques pièces spécifiques, que les historiens apprécieront. Tel par exemple, le document du FBI ci-dessous dévoilé par OWNI et qui synthétise l’ensemble des déplacements et des activités des 19 pirates dans les mois qui ont précédé le 11 septembre. Ce rapport de 198 pages, consacré aux cheminements des 19 membres d’Al-Qaeda, répertorie avec minutie quantité d’opérations bancaires, d’appels téléphoniques et de passages de frontières, listés dans la perspective d’un procès qui n’a jamais eu lieu.


Longtemps après les premiers cris lancés par les conspirationnistes, dès le mois de janvier 2002, l’immense majorité des pièces relatives au 11 septembre a été mise à disposition de la communauté des chercheurs. Par des voies certes un peu contraignantes. Le 8 janvier 2009, la commission d’enquête du Congrès américain a transmis aux archives nationales l’intégralité des témoignages, rapports des services secrets ou confidences à huis clos recueillies par les parlementaires lors de leurs travaux. Le premier lot comprenait quatre mètres cubes de documents, progressivement rangés dans les rayonnages des Archives fédérales, dans la banlieue de Washington.

Sur le site web des Archives nationales, les chercheurs peuvent ainsi sélectionner les classeurs et les cartons de documents qu’ils souhaitent examiner en consultation. À titre d’exemple, toutes les notes de la CIA consacrées aux mouvements islamistes et à Al-Qaeda sur une période allant de 1986 à 2004 peuvent être commandées ici.

D’ores et déjà, quelques auteurs se sont emparés de cette matière et proposent maintenant des versions plus complètes encore que le rapport du Congrès américain de 2004. C’est le cas d’Anthony Summers et de Robbyn Swan qui viennent de publier en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis l’une des sommes les plus sérieuses sur le 11 septembre (The Eleventh day, Ballantine Books). Énième varité destinée à mieux prendre position vis-à-vis de cette réalité.


Crédit Photo FlickR CC : by-nc jasonepowell

Retrouvez l’application sur les lois antiterroristes dans le monde développée par OWNI en partenariat avec  RFI.

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Le jour où les avions se sont arrêtés http://owni.fr/2011/09/08/avions-arretes-11-septembre-2001-world-trade-center/ http://owni.fr/2011/09/08/avions-arretes-11-septembre-2001-world-trade-center/#comments Thu, 08 Sep 2011 17:02:08 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=78563 Le 11 septembre, les vols d’avion sont bradés. Par superstition, sans doute, de nombreux voyageurs évitent cette date. Ils ne le font pas en souvenir du coup d’État du 11 septembre 1973 au Chili, mais à cause de l’attentat du World Trade Center à New York, le 11 septembre 2001.

Une date marquante, il est vrai, autant pour le fait historique lui-même, pour les images qu’il a produites que pour tout ce que cela a déclenché ou plutôt, autorisé : des guerres moyen-orientales, des lois réprimant les libertés publiques et le sentiment général, à tort ou à raison, d’un certain déclin des pratiques démocratiques dans les pays les plus développés.

Souviens-toi, souviens-toi du 11 septembre

Je me rappelle bien ce jour là. Ma fille aînée, qui avait alors onze ans, nous avait prévenus de ce qui était pour elle un évènement incroyable : toutes les chaînes diffusaient le même programme. À ce moment, personne ne savait ce qu’il se passait, on voyait de la fumée sortir d’une des tours qu’un avion venait de percuter. La thèse de l’accident a été abandonnée quand on a vu un second avion percuter l’autre bâtiment. On a vu les tours s’effondrer, en direct, l’une après l’autre. Je ne me souviens plus trop de l’enchaînement des évènements ensuite : on a parlé d’un avion s’écrasant sur la Maison Blanche (aussitôt oublié, il s’agissait vraisemblablement d’une erreur), d’un autre sur le Pentagone, d’un autre encore qui ne répondait plus et que l’on avait dû abattre, le climat était à la panique complète, les images étaient rediffusées en boucle, on revoyait de malheureux courtiers se jeter du haut des tours jumelles dans un geste désespéré dont le sens n’est toujours pas très clair.

J’aimerais bien revoir l’ensemble de ces images, disons les deux premiers jours, pour me rappeler dans quel ordre tout ça nous est parvenu, savoir à quel moment précis le coupable a été désigné, aussi. Je me rappelle enfin que pour quelques dizaines d’heures, tous les vols civils du monde ont été annulés, permettant aux météorologues et aux observateurs de la qualité de l’air de collecter des données complètement inédites sur l’impact écologique de l’aviation. On peut minimiser l’évènement, rappeler le nombre de fois où les États-Unis ont été la cause directe ou indirecte d’un grand nombre de morts, mais il n’empêche que dans les heures qui ont suivi l’effondrement des tours, le monde s’est arrêté, on ne parlait que de ça et on ne pensait qu’à ça. Quelque chose de nouveau s’était produit, un évènement sidérant, dont on a tout de suite été certains qu’il allait changer énormément de choses à la marche du monde — et ce fut le cas.

Les coupables désignés ont été les terroristes islamistes du groupe Al Qaeda, qui s’en étaient déjà pris au World Trade Center en 1993. Je ne me rappelle pas que l’attentat du 11 septembre ait été explicitement revendiqué par Al Qaeda, mais il n’a jamais été démenti non plus. Le président de l’époque, George Bush, élu récemment dans des conditions complexes (au terme d’un recomptage des votes), dont la seule particularité notable jusqu’ici était d’être le fils du prédécesseur de son prédécesseur, connaissait une baisse régulière de son taux de popularité. En allant sur les gravats de Ground Zéro un casque de pompier sur la tête et en promettant une guerre en Afghanistan, George Bush a vu sa cote de popularité passer en quelques jours de cinquante à quatre-vingt dix pour cent : l’effroi de tous les américains, fragilisés comme jamais dans leur histoire, avait eu cet effet inespéré.

La guerre oui, mais pas sur notre territoire

Il faut dire que depuis l’attaque de Pearl Harbour , le pays n’avait jamais été attaqué sur son sol. En fait, les États-Unis, qui sont pourtant en guerre permanente depuis qu’ils existent, ne sont pas du tout habitués à être pris pour cible de manière directe. Dans la foulée de cet enthousiasme bushiste, quatre-vingts pour cent des américains soutenaient encore leur président, le 26 octobre 2001, lorsque celui-ci a fait voter le Patriot Act, un arsenal juridique qui donnait des pouvoirs étendus aux services secrets et limitait nettement les libertés publiques : droit à la vie privée, droit d’expression, droits de la défense des accusés. Ne parlons pas de l’amalgame honteux qui associait à Al Qaeda l’Iran la Corée du Nord et surtout l’Irak, victime d’une guerre aux justifications vaseuses et mensongères.

Enfin, New York, siège des Nations Unies, symbole d’une Amérique cosmopolite liée à la vieille Europe, centre du XXe siècle, a momentanément semblé vaincue par ses propres valeurs d’ouverture au monde. Et ce n’est pas un petit symbole.

De manière opportuniste, le gouvernement fédéral venait d’obtenir de nombreuses choses qu’il aurait été difficile ou impossible à obtenir autrement, et ceci avec le consentement pleutre du parti Démocrate (qui a voté le Patriot Act et accepté la guerre en Irak) mais aussi de la plupart des alliés des États-Unis, à l’exception de la France dont la résistance reste le dernier “beau geste” historique à mon avis. Il faut dire que la menace était forte, le président de la première puissance militaire n’avait pas hésité à lâcher :

Vous êtes soit avec nous, soit contre nous

La théorie du complot dans l’air du temps

La théorie d’un “choc des civilisations” que Ben Laden ou George Bush ont tenté d’imposer à l’opinion internationale semblait pourtant motivée par une raison certes civilisationnelle mais pas spécialement religieuse, je veux parler du pétrole. La famille Bush et la famille Ben Laden étaient partenaires financiers dans le domaine, et Oussama Ben Laden, renégat de sa famille, avait quand à lui été soutenu par la CIA, qu’avait justement dirigé George Bush père, pendant la guerre entre l’URSS et l’Afghanistan. La proximité amicale, historique, financière et stratégique entre différents protagonistes et les conflits d’intérêts (il suffit de penser au fait que le vice-président Dick Cheney était l’ancien directeur de la société Halliburton, titulaire de milliards de dollars de contrats avec l’armée) ou les incohérences dans la traque d’Oussama Ben Laden (jusqu’à son incompréhensible assassinat) ont donné à certains l’idée folle que la chute des tours jumelles avait été décidée et exécutée par la CIA.

C’est la fameuse “théorie du complot”, qui a été décrédibilisée par ceux qui l’ont soutenue médiatiquement et ont tenté de la démontrer, expertises “indépendantes” farfelues à l’appui, mais qui n’a pourtant rien d’absurde : après tout, il est déjà arrivé que les États-Unis attaquent leur vassaux en se faisant passer pour leurs rivaux, comme dans le cas du spectaculaire attentat de la Gare de Bologne, en 1980, organisé par des “Brigades rouges” qui étaient en réalité des néo-nazis de la loge maçonnique . Propaganda due, fournis en explosifs par Gladio, c’est à dire la branche italienne de Stay Behind, un service secret de l’Otan chargé de diffuser en Europe la peur du socialisme.


Les complots existent. Les attentats destinés à accuser d’autres que ceux qui les ont perpétrés, y compris des attentats contre soi-même, ne sont pas rares dans l’histoire : qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la gale, n’est-ce pas. Mais pour moi, l’hypothèse du complot d’État reste peu vraisemblable, et ce pour des questions d’image.

Pour commencer, la raison d’État est une notion qu’une majorité de gens admet à des degrés divers, mais toujours à condition que celle-ci ait un lien direct avec ce qui est censé être protégé ou conquis. On peut prendre pour exemple la question des indiens d’Amérique. Malgré quelques films tardifs d’auto-flagellation (Little Big Man, etc.), les Américains vivent assez bien avec l’idée du génocide des indigènes. Certaines parties de leur histoire les mettent un peu plus mal à l’aise. Le film Heaven’s Gate (1980), de Michael Cimino, a par exemple provoqué à sa sortie un rejet général de la part de la critique et du public, car il affirmait que les grands propriétaires terriens qui ont fondé le pays l’ont fait en assassinant les immigrants pauvres qui étaient venus chercher la bonne fortune sur le nouveau continent, et dont la présence gênait : il y a ici une dissonance entre deux mythes, celui des immenses puissances financières telles que le pays sait en produire, et celui du pays où “tout est possible” et où chacun a les mêmes chances de réussir.

La construction d’un imaginaire national

Par ailleurs, si les États-Unis adorent s’inventer des ennemis et les monter en épingle, il est en revanche insoutenable pour eux de se voir en victimes d’une authentique défaite, et je doute qu’ils prennent sciemment le risque d’en subir.

Virtuellement, au cinéma ou dans les comics, les États-Unis ont été menacés par des saboteurs nazis, par des sous-mariniers japonais, par des arabes délirants (les Lybiens dans Retour vers le futur, par exemple), ou par d’autres aliens, venus de l’espace ou de pays exotiques. Mais ces défaites, toujours dues à la fourberie de l’ennemi, ne sont jamais que provisoires.

Le cas-limite est le film Pearl Harbour, par Michael Bay (2001), qui transforme une défaite historique traumatisante en quasi-victoire, puisque l’on y voit deux valeureux pilotes détruire à eux seuls la plupart des avions japonais puis, quelques mois plus tard, aller bombarder Tokyo : le film s’achève donc sur un succès, le martyr est exclu.

La politique extérieure américaine n’est justifiée, dans l’opinion publique du pays, que par le sentiment d’être du “bon côté”, d’être mondialement enviés (et donc d’avoir toutes les raisons de se défendre, y compris préventivement) et enfin, par un sentiment d’invincibilité, du moins d’invincibilité sur leur propre sol, car ailleurs il en va autrement : les guerres de Corée, du Viêt Nam, d’Irak ou d’Afghanistan sont loin de pouvoir être qualifiées de victoires. Si la défaite extérieure est gérée par diverses fictions et par des rites (le rapatriement des soldats tombés pour le drapeau, les cérémonies dans les cimetières militaires,…), la défaite intérieure n’a pas vraiment d’image, n’est pas imaginable. Quant à l’agression, elle est toujours de l’autre côté : en se fiant exclusivement aux films de fiction, on peut imaginer que les États-Unis sont constamment attaqués par d’autres pays et ne font que répliquer légitimement à ces assauts, tandis qu’en regardant l’Histoire, on constate l’exact opposé : des siècles de guerres”préventives”, “anticipatives”, c’est à dire des guerres déclenchées par les États-Unis.

Pour accepter sa situation très singulière — celle d’un empire martial bâti sur une terre spoliée qui assure le confort d’une partie de ses citoyens au détriment du reste du monde, si l’on doit résumer —, les États-Unis ont construit assez spontanément une mythologie séduisante en laquelle ils sont les premiers à croire, qui s’exprime avant tout dans les fictions populaires et qui propose au public mondial une vision symbolique cohérente de la marche du monde. La légitimité de la domination ; la supériorité de la décision sur l’analyse ; de l’action sur la réflexion ; du “bon sens” (c’est à dire des préjugés) sur l’intelligence ; l’héroïsme des conquêtes ; l’envie ou la jalousie qu’est censé susciter le modèle américain ; etc.

Cow-boys libres et aux pieds sur terre ; président fondamentalement honnête et courageux, protection divine (parfois si bête que les traducteurs français l’éludent des adaptations de séries ou de films), étrangers hostiles mais — et c’est une assez bonne raison — dont les pays sont traités comme une aire de jeu, … Notre imagination, l’imagination planétaire, est en partie limitée, bornée par l’efficacité des scénaristes hollywoodiens.

D’autres modes de pensée existent pourtant

En même temps, les États-uniens sont aussi les premiers producteurs du contre-poison aux œuvres qui relèvent de l’idéologie américaine. Il existe chez eux une grande tradition de résistance au patriotisme forcé, à la bigoterie, à l’impérialisme de leur pays, à la société de consommation, à l’organisation patriarcale et aux académismes esthétiques. On la trouve, à des degrés divers (du rejet total de la civilisation américaine contemporaine à des revendications plus ponctuelles), dans les contre-cultures qu’on a appelées beat, freak, hippie, etc. : William Burroughs, Jack Kerouac, Allen Ginsberg, Gregory Corso, Robert Crumb, John Waters, Philip K. Dick, Bob Dylan et Joan Baez, Hakim Bey, Michael Moore. On la trouve aussi (et souvent en lien étroit avec les précédents cités), à l’université, avec des personnalités telles que Noam Chomsky, Donna Haraway, Angela Davis, Howard Zinn. On peut bien sûr remonter plus loin dans l’histoire avec des gens tels que Henry David Thoreau. Il existe aussi une forte contre-culture « de droite », parfois opposée à l’État fédéral : survivalistes et autres libertariens.

Mais tous ces mouvements plus ou moins underground souffrent d’une part de leur statut, qui fait d’eux, et parfois malgré eux, des cautions démocratiques, mais ils souffrent aussi de leur récupération médiatique : caricaturés, achetés, transformés en marques, en clichés, victimes d’hagiographies qui renvoient leur pensée et leur engagement à l’histoire ou la résument à des anecdotes,… Qu’on les ignore, qu’on fasse d’eux les épouvantails de leur propre engagement ou qu’on les affaiblisse en les célébrant ou même en continuant leur travail, ils sont toujours gérés et, finalement, à peu près inoffensifs.

Plus efficaces sont parfois les artistes qui jouent le jeu de l’entertainment et avancent en quelque sorte masqués, touchant un large public et parvenant à donner une publicité extraordinaire à des idées subversives. Bien sûr, leur attitude peut aussi être questionnée et elle est à double-tranchant : on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, certes, mais dans un message transmis sous forme de divertissement, c’est le divertissement qu’on retient le plus, et qui reçoit le consentement, pas l’éventuel message politique.

De plus, ces œuvres se perdent souvent dans la masse des films ou des séries de propagande patriotique qui, souvent, épousent le même forme et ont les mêmes qualités, et qui feignent même parfois la subversion (un président noir dans 24 heures chrono, par ex). Pourtant, j’admire beaucoup les figures de cette étonnante “contre-culture mainstream”, si on me permet cet oxymore, dans laquelle je range, à des niveaux de subversion, là encore, très divers, Matt Groening (Les Simpson, Futurama), Joss Whedon (Buffy, Angel, Firefly), Tim Burton (pour Beetlejuice, Edward Scissorhands et Mars Attack), Paul Verhoeven (pour Robocop et Starship Troopers) et même, je suis près à le défendre, James Cameron (Terminator, Aliens, Dark Angel, Avatar).

De nouvelles pistes sur l’après-11 septembre

Je voulais parler du 11 septembre 2001 et je me lance dans un discours anti-impérialiste anti-américaniste primaire qui conclut en affirmant que James Cameron est un cinéaste subversif. Parmi le déluge d’articles consacrés à cet anniversaire, je doute que quelqu’un arrive à faire plus fort que moi.

Alors le 11 septembre 2001, oui, c’est bien un évènement, parce qu’il y a beaucoup de choses derrière. Beaucoup de choses y ont mené, et beaucoup de choses en ont découlé : on n’a pas fini d’en entendre parler. Un travail que j’aimerais vraiment réaliser sur le sujet, ce serait de reprendre chaque série télévisée de l’époque, et voir comment l’attentat a modifié leur ligne politique, quel genre de situations ont été scénarisées (je pense, par exemple, aux épisodes de séries justifiant la torture par exemple), quels nouveaux personnages sont apparus, et bien sûr, quelles séries ont disparu et quelles séries sont nées à ce moment-là.

Quelques articles liés au sujet : Opérations extérieures, Mission: Impossible, L’herbe du voisin bleu du futur est toujours plus pourpre.

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Billet initialement publié sous le titre “Le jour où les avions se sont arrêtés” sur Le dernier des blogs

Illustrations: Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Joshua Schwimmer /PaternitéPas d'utilisation commerciale Brendan Loy/PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification US Army Korea – IMCOM /PaternitéPas de modification How I See Life/PaternitéPas d'utilisation commerciale morizaPaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Sister72

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Découvrez “Young World” par No Surrender http://owni.fr/2011/07/26/decouvrez-young-world-par-no-surrender/ http://owni.fr/2011/07/26/decouvrez-young-world-par-no-surrender/#comments Tue, 26 Jul 2011 15:30:17 +0000 Lara Beswick http://owni.fr/?p=74537 Lorsque “Medicine Babies” arrive entre nos mains, il est difficile de décider quel titre sera un hit. Chaque morceau de cet opus est excellent et a un potentiel certain. Comment l’équipe a-t-elle construit un album qui s’écoute à la maison aussi bien qu’en club ?

A la première écoute : de l’éléctro. Puis arrive “Got to get it” dont la tendance “dirty” et “south” est surprenante mais irrévocablement stimulante. “Medicine Babies” est produit pour une grande partie par Constanza Francavilla (Massive Attack) et une autre par l’équipe Européenne Radioclit (M.I.A, Santigold) et il ne fait aucun doute, nous ne sommes pas seuls à être subjugués par le trio.

Cet album est d’un éclectisme savoureux, extrêmement bien équilibré. Il est actuellement “in” et fera sans doute sens dans 10 ans. Un album intemporel d’une qualité rarissime dont la performance live est aussi léchée que la version album. C’est un plaisir de pouvoir vous offrir aujourd’hui un de leur titre car c’est leur notoriété ira en grandissant. No Surrender, c’est l’histoire de trois “vocalists” que nous avons eu l’honneur de rencontrer lors de leur première date parisienne au Social Club. Nous sommes frappés par la créativité et l’intelligence stratégique du groupe.

Poètes dans l’âme

Jamal, aka Seraphim, a été élevé aux Antilles, à St Thomas dans les îles Vierges. C’est alors l’âge d’or du hip-hop, ses idoles sont Public Ennemy, Big Dady Kane….

C’était une musique très inspirante pour nous, jeunes et blacks et ça faisait beaucoup de sens pour notre génération. La musique était aussi une grande partie de la culture caribéenne où j’ai grandi. Et j’ai toujours été dans la musique.

Il commence à sérieusement s’y mettre quand il arrive au lycée et s’installe définitivement à New York – où il est né – à 18 ans. Il rencontre Gnomad à l’université et enregistre alors son tout premier son avec lui, 10 ans avant No Surrender. À la fin des années 80, début des années 90, le hip-hop devient plus superficiel et Seraphim regrette la perte d’intention du hip-hop qui s’éloigne de sa fonction originelle. Le hip-hop ne donne plus l’espoir qu’il donnait avant.

“Les gens ont trop vite oublié qu’avant le hip-hop, les Afro-américains n’avaient pas de place dans la culture américaine. Bref, le hip-hop a dérivé et c’est là que j’ai commencé à me diriger vers des scènes plus “poétiques”, underground. J’ai alors commencé à fréquenter des artistes d’univers très différents. Certains avaient un parcours classique, d’autres rock, des comédiens… mais le hip-hop c’était tout de même une ligne directrice commune entre toutes ces personnes. C’est là que j’ai développé une nouvelle façon de chanter et ça ne m’a plus jamais quitté.”

Gnomad, lui, ne voulait pas prendre les leçons de musique auxquelles sa mère l’avait inscrit. Il a donc toujours écrit des poèmes.

“Dans le Queens où j’ai grandi, c’était soit tu joues au basket, soit tu freestyle ou tu fais les deux. Je n’aimais pas le basket donc j’ai fait du freestyle. Avant d’arriver a l’université, j’étais déjà en train de me promener à longueur de journée avec une boombox en train de freestyler tout le temps. Je n’allais pas en classe, je passais ma vie à freestyler puis j’ai commencé à fréquenter les scènes ouvertes de New York. Puis, j’ai passé un semestre à Londres. J’ai rencontré des amis avec qui j’ai fait de la musique tout l’été et je ne voulais plus rentrer. Mais j’ai été obligé et en revenant j’ai arrêté l’école. J’ai alors commencé à traîner et à rencontrer pleins de musiciens. Jordan McClean, un des premiers avec qui j’ai travaillé, a fini avec Antibalas et Fela Kuti. Au début pour moi, c’était donc plutôt du free-jazz et slam.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Eddie Steeples a grandi au Texas dans un environnement très religieux. Il se cachait pour regarder MTV ou écouter des radios plus funky. Ce manque l’a surement mené à être plus curieux et plus avide de sons qu’un autre. Il a commencé par écrire des poèmes religieux :

J’avais peur de Dieu et j’ai donc commencé à écrire pour lui. Une fois que je me suis sorti de toute cette confusion, je me suis dirigé plus vers des sujets sociaux, politiques. J’ai rencontre Gnomad à New York, devant l’endroit où il aimait rapper/slammer et j’adorais ce qu’il faisait, disait. On a commencé à parler et il m’a encouragé à venir tchatcher.

No Surrender

Seraphim explique en riant :

J’avais déjà travaillé avec Gnomad à plusieurs reprises. J’avais fait le tour de ce que je voulais expérimenter et je me voyais bien lancer une sorte de nouveau ‘Public Ennemy’. ça ne s’est finalement pas vraiment goupillé comme ça mais j’aimais beaucoup ce que Gnomad faisait et je lui ai donc parlé de ce projet. J’ai alors acheté un sampler de seconde main que je ne savais pas utiliser. Donc on a plutôt commencé à faire de la musique abstraite !

“Medicine Babies” est leur 4ème album officiel. Après le dernier EP, ils ont fait une petite pause et ont commencé à écouter beaucoup de musique electro, française notamment. De là vient leur envie de faire de la musique moins underground, qui touchait plus de gens. S’en suit une période où “Mezzanine” de Massive Attack les obsède, ce qu’ils ont pris pour un chemin à suivre.

J’étais a une fête chez Santigold, il y a quelques années, avec les gars de Radioclit et j’y ai rencontré Freack Nasty qui est un Heavybass DJ. Il se trouve qu’il était ami avec Costanza Francavilla qui a produit la moitié de “Medicine Babies”. Elle avait un parcours similaire au mien et nous étions d’accord sur beaucoup de choses. Je savais dans quelle direction je voulais aller mais ne savais pas vraiment comment y aller et il était temps de prendre du recul par rapport au hip-hop. Le hip-hop d’aujourd’hui ne ressemble en rien à ce que je voulais faire. Nous voulions construire un album qui voulait dire quelque chose, un album qui voudra toujours dire quelque chose dans 5 ans.

C’est en effet surprenant que vous parliez tant de votre background hip-hop quand pour nous, cet album n’est pas hip-hop.

Seraphim : En effet, pour moi, ce n’est pas du tout un album hip-hop. À mes yeux, c’est en fait un album d’amour. Ce sont nos racines mais ce n’est pas la couleur de l’album.

Alors pourquoi avoir choisi “Give it Up” comme premier single, qui ne représente donc pas vraiment la couleur générale de l’album ?

Et bien, on ne voulait pas totalement réfuter nos racines et puis il y a tout de même deux ou trois titres qui ont cette tendance. Aussi, généralement, le hip-hop est construit avec des samples, pas le nôtre. En grandissant, on commence à vouloir faire sa propre musique. J’ai eu besoin de faire quelque chose de plus “challenging”, quelque chose qui nous ressemble plus.

Chaque titre de cet album peut être un tube mais l’album est très cohérent dans son ensemble. Est-ce que c’est intentionnel ou c’est un peu du hasard ?

S : Un peu des deux. J’ai toujours été en club, depuis que j’ai 16 ans, dance music et club music ont toujours fait partie de ma vie et je pense qu’au moment où notre groupe est devenu un peu trop black militant, ce n’était pas vraiment en phase avec la réalité. Nous sommes des êtres humains comme les autres, on fait des bêtises, on sort. On voulait faire un album humain, qui puisse atteindre un maximum de personnes, donc une partie de notre stratégie a été de réfléchir comment nous pouvions faire passer notre message sans pour autant inonder les gens avec trop d’informations.

G: Je pense aussi que, comme tu le disais Seraphim, nous avons beaucoup joué et il arrive un moment où on ne peut plus seulement se préoccuper de ce que toi tu veux faire mais aussi de ceux qui t’écoutent et la manière dont ils veulent l’entendre. Donc on a vraiment abordé cet album par le live, pour que les gens puissent danser et s’amuser sans pour autant tomber dans l’absurdité.

Comment avez-vous choisi de vous entourer professionnellement ?

S : Je pense que nous sommes dans une période très excitante au niveau du business. Les majors sont toujours très puissantes car elles ont les moyens financiers mais l’accès aux publics n’est plus quelque chose qui leur est réservé. Tout le monde a désormais accès à une base de fans et à un système de distribution. Par contre, la concurrence est monumentale car faire de la musique est plus facile. Je connais pas mal de gens qui, le temps qu’on passe ici à discuter, auraient déjà produits 4 ou 5 beats a l’étage. Donc la compétition est rude. Il y a tellement de musiques qui sortent chaque jour. Tu peux écrire quelques mots et trouver un musicien très facilement qui les mettra en musique. Aussi, un artiste peux connaitre un succès grandiose et disparaitre aussi vite.

Ayant conscience de tout ça, on a monté une équipe très indépendante, flexible, adaptable, très DIY sauf qu’on sait qu’on ne peut pas être DIY dans le sens strict du terme. DIY, ça ne veut rien dire. Les gens disent qu’ils le sont pourtant, ils ont des publicistes, des éditeurs, des agents…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

C’est facile de sortir sa musique et c’est aussi facile de se perdre dans le tout. Ce qui importe pour nous, c’est de travailler avec des gens intelligents, qui comprennent la nouvelle industrie. Des gens qui comprennent qu’il va falloir donner un peu de notre musique par exemple.

La plupart des gens sont perturbés à cette idée mais la compréhension de ce genre de mécanismes est essentielle. C’est aussi très important d’avoir des gens passionnés par ta musique et qui savent comment la travailler.

Comment pensez-vous faire des bénéfices ?

Licensing, synch et Live. Ce sont des usages auxquels on pense pendant la production. Certains artistes, jeunes, disent que tout ce qui compte c’est la musique mais je n’ai jamais vu un musicien qui ne veuille pas être entendu, un acteur qui ne veuille pas être vu, un peintre qui ne veuille pas être apprécié.

Nous sommes très conscient de ce qu’on a fait. On ne sort pas de nulle part et nos productions ont aussi un objectif commercial, c’est certain.

Être intelligent c’est comprendre que la synchronisation nous rapportera plus que la vente d’album, que tourner est un élément essentiel pour être vu et reconnu.

Retrouvez No Surrender sur : ZerOKilled Music; facebook; twitter; myspace

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New-York, en courant http://owni.fr/2011/06/25/new-york-en-courant/ http://owni.fr/2011/06/25/new-york-en-courant/#comments Sat, 25 Jun 2011 16:26:07 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=71836 Le plus important avant de faire une visualisation, c’est d’avoir des données. Parmi la foule de données que nous créons chaque jour, il y a celles des sportifs qui veulent sans cesse traquer leurs efforts et leurs “statistiques personnelles”.

L’une des méthodes les plus populaires est celle proposée par Nike avec Nike Plus. Chacun peut partager ses courses, les comparer avec les autres et se féliciter de ses progrès.

Cooper Smith a décidé d’utiliser ces données pour toute autre chose : cartographier New York. À partir d’un milliers de courses faites en hiver 2010 et en améliorant ses résultats grâce à Google Refine, il est en mesure de récupérer dans Processing, un logiciel de traitement graphique, ces images de New York en jogguant. Le résultat, présenté sur son site et repéré par Urbain_ est assez bluffant et permet de voir les lieux les plus fréquentés par les coureurs. Et de deviner la Big Apple sous les données de géolocalisation.

Il s’est penché sur les endroits où les gens courent le plus, ceux où ils s’arrêtent, l’heure à laquelle ces lieux sont foulés. Toutes les images sont disponibles sur son site.

En bonus, un autre vidéo des joggueurs dans New York en fonction du temps.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Article initialement publié sur le datablog d’OWNI
En savoir plus sur les self trackers

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Une galerie Street Art dans le ventre de New York http://owni.fr/2011/05/08/galerie-street-art-urbain-graffiti-newyork/ http://owni.fr/2011/05/08/galerie-street-art-urbain-graffiti-newyork/#comments Sun, 08 May 2011 18:54:26 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=61342

Revok, Ceaze, photo par Luna Park ©

Tous les liens de cet article sont en anglais, sauf mention contraire

Entre 2009 et 2010, un bataillon d’artistes, 102 en tout, descend dans le ventre de New York et transforme une station de métro abandonnée en galerie d’art, sous la direction de deux de leurs pairs, Workhorse et PAC. Un travail de fourmi, et dangereux, The Underbelly Project avait pour but de revenir aux fondamentaux du graffiti, d’accomplir une action authentique et poétique, à une époque où Banksy et JR sont sur-médiatisés et sur-vendus.

Nous sommes dans une époque où l’on oublie les sources de la passion des artistes,” nous raconte Samantha Longhi de Graffiti Art Magazine [fr]. “Le marché de l’art s’est envolé. Les organisateurs de l’Underbelly project ont voulu revenir aux sources du street art, avec l’envie de montrer le travail de plusieurs artistes sans dimension marchande. Pour le plaisir de peindre.”

Difficile d’en savoir plus sur ce projet hors du commun, les participants ne souhaitant pas s’exprimer sur le sujet ou étant tout simplement injoignables. La médiatisation, sans doute trop précoce, du projet en octobre 2010, via un article dans le New York Times , a fait tourner la tête de la MTA , la RATP new-yorkaise. Dans l’ère post-11 septembre, 102 artistes ont graffé pendant 18 mois dans une station abandonnée du réseau, au nez et à la barbe des autorités.

Trustocrop, photo par Vandalog cc

Un exploit qui peut leur coûter très cher, le graffiti étant considéré comme un crime aux États-Unis. En témoigne la récente arrestation de Revok à Los Angeles, un des artistes du Underbelly project, qui a écopé de six mois de prison ferme et d’une caution fixée à 300.000 dollars.

Les organisateurs et les artistes ou photographes impliqués se font donc très discrets, en témoigne cette réponse d’un des participants à ma demande d’interview : “Maybe this is a bit paranoid or whatever, but honestly I’m not very comfortable answering any questions for an article relating to The Underbelly Project at this point (…) I’m sorry I can’t be more helpful.”

En France, le graffiti, même s’il n’est pas nommé par la loi en tant que tel, est considéré comme un délit passible de 30.000 euros d’amende et deux ans de prison ou 3.750 euros et des travaux d’intérêt général en fonction de la gravité des dommages causés.

Damon Ginandes, photo par Ian Cox/Walkandy ©

Dans ce projet qui mêle street-art et exploration urbaine, les graffeurs autant que les photographes font de la ville leur terrain de jeu. La performance, le challenge, l’adrénaline, la curiosité et le jeu font partie de l’équation. Tous prennent des risques physiques, juridiques et financiers potentiellement importants. Comme le résume très bien le LTVS squad sur son site : “Pour résumer, nous explorons “des lieux interdits” que nous documentons, dans New York et ses alentours. Nous sommes des fanatiques de l’exploration urbaine sans être des têtes brûlées. Nous aimons profondément le vieux New York.”

Une relation de confiance s’établit bien souvent entre les producteurs de cet art éphémère, destiné à être passé au Kärcher, et les photographes qui mettent en valeur et documentent leur travail. Parmi les photographes, qui ont pu pénétrer dans la station, Ian Cox de Walkandy, Luna Park de Robotswillkill et RJ Richmond de Vandalog“La dimension documentaire est importante,” reconnait Samantha Longhi, de même que reproduire l’ambiance si particulière à un lieu. Justement, quid de l’exportation du projet Underbelly dans d’autres villes, de la sortie du livre et de l’exposition annoncée ?

Il était question d’exporter le projet, continue Samantha Longhi, des repérages ont été faits dans d’autres villes, mais pour l’instant les curateurs du projet préfèrent se tenir tranquilles. Le projet a eu pas mal de bâtons dans les roues, il ont eu des soucis avec la police sur place [à New York], il y a eu des fuites et du vandalisme pour trouver la station. Il était prévu de faire une exposition à l’Opera Gallery avec la sortie du livre, mais tout est en suspens, y compris le site internet du projet, pour des raison sécuritaires et juridiques.

l'Underbelly Project vandalisé

La galerie a été vandalisée, et la MTA ne devrait pas lâcher le morceau, dans une des villes les plus répressive contre le graffiti, qui en est pourtant le berceau.

Les politiques successives depuis les années 1980, dont celles de Rudy Giuliani et Michael Bloomberg, maires de New-York, ont mis en place plusieurs “Task Force” anti-graffiti ou anti-vandalisme.

Sur le site officiel de l’état de New York on peut lire que la lutte contre le graffiti fait partie de l’éducation des citoyens, et plus loin, que “500 dollars seront offerts pour toute dénonciation“.

Samantha Longhi, qui connait les personnes impliquées dans le projet, ajoute qu’ils ont en leur possession des dizaines de milliers de photos non publiées, des vidéos ont été réalisées, le projet a été très bien documenté, toujours avec ce souci d’être libre dans l’exécution et de revenir aux sources :

Contrairement a une exposition comme celle qui se tient en ce moment au MOCA de Los Angeles, l’Underbelly reste dans les codes originels du graffiti. Les artistes se sont co-optés entre eux, sans distinction de notoriété ou de valeur marchande. Les curateurs sont des graffeurs. La recherche d’authenticité est une question permanente dans ce milieu.

Jeff Soto, photo par Luna Park ©

En attendant d’en savoir plus sur cette aventure collective hors norme, voici l’une des rares vidéos disponibles sur Internet. C’est une installation de IAM faite pour l’Underbelly Project et filmée par Jason Eppink. La Shadow Machine est un système de projection analogique qui reprend des photographies de Jules Edward Muybridge [fr].


Galeries Flickr de Vandalog cc-by-nc ; et à voir absolument celles de Luna Park © tous droits réservés et  Ian Cox © tous droits réservés.

The Shadow Machine par Jason Eppink sur Vimeo.

Des stations de métro abandonnées à New-York : http://www.columbia.edu/~brennan/abandoned/ [en]

Une possible localisation de la station Underbelly serait la station South 4th Street à South Williamsburg, Brooklyn. [en]

Retrouvez notre Une sur les explorateurs urbains (illustration CC Loguy)
- Spéléologie urbaine à Brooklyn
- Miru Kim: la ville, nue

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http://owni.fr/2011/05/08/galerie-street-art-urbain-graffiti-newyork/feed/ 0
Spéléologie urbaine à Brooklyn http://owni.fr/2011/05/08/speleologie-urbaine-ville-newyork-brooklyn-art/ http://owni.fr/2011/05/08/speleologie-urbaine-ville-newyork-brooklyn-art/#comments Sun, 08 May 2011 14:45:47 +0000 Louis Imbert http://owni.fr/?p=61253 MAJ le 9 mai : Quatre explorateurs urbains ont été arrêtés hier et sont poursuivis pour être entrés illégalement dans les tunnels du métro new-yorkais. Ils avaient avec eux bougies, feux d’artifice et appareils photos. Les risques du métier.

Un groupe d’une vingtaine de personnes, jeunes pour la plupart et élégantes en chaussures de ville, à barbes fournies, traverse un mur de béton effondré, débouchant du canal de Gowanus, à Brooklyn, sous les murs de brique rouge d’une centrale électrique désaffectée. Elles se rassemblent sur le parvis jonché de branches d’arbres épaisses, débitées il y a quelques années et laissées là, blanchies.

Ils observent les quatre étages de l’usine, l’immense tag blanc qui court sur son fronton – “OPEN YOUR EYE GIRL” – les fenêtres alternativement bordées de fer et ouvertes au vent. Derrière, sur le canal, du linge sèche entre les deux fenêtres d’une maison flottante, accrochée à la rive du cours d’eau le plus pollué de New York.

On se demande ce que ces visiteurs font ici, puis on se retourne la question : nous sommes à l’intérieur de l’usine abandonnée, allongés sur le sol du quatrième étage.

Nous les observons dans l’ombre, en silence, aux côtés de Shane Perez, 28 ans, un “explorateur urbain” qui depuis dix ans parcourt les friches de New York : des stations de métro désaffectées, des hôpitaux psychiatriques à l’abandon, des usines, des tunnels d’égouts, des collecteurs d’eau… Tout ce qui rouille et paraît inaccessible au citadin moyen; les structures secrètes de la ville.

Soudain, Perez se lève et se met à courir d’un bout à l’autre de l’étage, passant devant trois arcades ouvertes. Les visiteurs ont aperçu une ombre, ils se taisent, ils hésitent.

L’important, dit Perez, c’est qu’ils doutent. C’est le mystère.

Quelques minutes plus tard, nous sommes de nouveau seuls.

Un petite communauté secrète

Perez et son petit monde d’explorateurs, appelés aussi “historiens-urbanistes-guérilleros” ou “spéléologues urbains” – les noms et les pratiques varient d’un groupe à l’autre – forment une communauté semi-secrète, pas très légale et extrêmement active à New York. Ils se sont organisés à la traîne des mouvements de graffeurs apparus dans les années 1970.

La plupart se baladent appareils photo en mains, photographiant les tags croisés au fil de leurs explorations. “Les graffeurs sont toujours passés avant toi, quoi que tu fasses”, dit Shane Perez. Ils sont nombreux à alimenter des blogs qui croisent d’autres scènes à Boston, Chicago, Los Angeles, Paris, Rome et Berlin…

Ils ont en commun une envie enfantine d’aller voir derrière les panneaux “No Trespassing”, de comprendre comment la ville marche en prenant de-ci, de-là, une décharge d’adrénaline.

J’aime voir comment les choses reviennent à leur état naturel quand nous les abandonnons ; comment elles se délabrent, disait Perez en février dernier, alors que nous visitions une station de la ligne ferroviaire qui reliait Long Island City à Manhattan Beach jusqu’en 1924. Des arbres avaient poussé au milieu de la plateforme. Avec le temps, tout ça sera effacé, disait-il.

Notre usine au bord du canal de Gowanus transformait du courant alternatif en courant continu pour alimenter les lignes d’une compagnie de métro privée absorbée par l’État de New York en 1968. Les machines ont disparu. Restent quatre immenses étages couverts de graffitis, squattés jusqu’il y a deux ans environ par un groupe de punks.

On y croise un petit chien de faïence en équilibre dans l’escalier. Deux pendules accrochés au plafond du deuxième étage se balancent dans les bourrasques de ce dimanche d’avril, lumière vacillante : une carcasse de vélo d’enfant liée à six jantes et une peluche du diable de Tasmanie des Looney Tunes ; sa bouche crevée largement ouverte laisse filer des petites balles de polystyrène dans le vent. Il y a encore des chambres inhabitées dans les sales adjacentes aux hangars, tristes, avec du matériel de peinture, du verre brisé collé aux murs, des autocollants de la série télévisée Jackass à têtes de mort et béquilles croisées, cette inscription à cheval sur deux cloisons :

Runaway train, runaway train never going back.

Depuis le toit branlant de l’usine, la vue sur les maisons de briques de Brooklyn, qui s’étalent jusqu’aux buildings de Manhattan, déjà illuminées, est saisissante.

Le fond de ce genre d’expérience, dit Steve Duncan, 32 ans, un pilier du petit milieu des explorateurs new-yorkais, c’est de faire un pas dans le noir et de se retrouver seul là-dedans, parfois en escaladant, en se faisant peur avec l’altitude. L’intensité [de l'expérience] permet d’ancrer ces lieux dans vos souvenirs.

New York est un terrain de jeu

Combien y-a-t-il d’explorateurs urbains à New York? Un journaliste du New York Times citait récemment Bob Dylan à ce propos, à qui l’on demandait en 1965 combien de chanteurs contestataires l’Amérique comptait. Réponse sarcastique de Dylan: “Uh, combien? A peu près 136, je pense.” Quoi qu’il en soit, pour le petit jeu des explorateurs, New York offre un terrain hors norme.

D’abord parce que la ville affiche un vaste réservoir de bâtiments abandonnés, bien que diminuant à vue d’œil. Personne ne les compte ici, mais on peut se faire une idée du nombre en évaluant le délabrement du parc immobilier actif : en 1999, près de 20% des habitations de New York souffraient de sévères violations des normes de salubrité, essentiellement dans le Bronx et à Brooklyn. En 2010, le taux était tombé à 5,5%, selon le Centre Furman pour les politiques immobilières et urbaines, à l’Université de New York.

Brooklyn, ancien poumon industriel de cette ville essentiellement portuaire et commerçante, compte encore quelques beaux restes d’usines. “Ces deux dernières années, la moitié de mes visites d’usines, je les ai faites juste avant qu’ils ne commencent des travaux de démolition”, dit Joe Anastasio de ltvsquad.com, 37 ans, l’un des plus anciens explorateurs de New York, qui garde toujours un œil ouvert sur les panneaux annonçant l’ouverture d’un chantier.

Anastasio est l’un des meilleurs connaisseurs du métro new-yorkais, l’un des terrains favoris des explorateurs locaux. Trois compagnies privées ont développé ce réseau tentaculaire à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, chacune avec des normes différentes : les rails et les wagons ne correspondent pas, rien n’a été unifié depuis.

Le réseau fonctionne 24 heures sur 24, il mêle lignes express et locales et affiche un nombre incalculable de stations abandonnées, de caves et recoins avalés par des constructions postérieures, comme cette étrange cave à vin, propriété d’une compagnie dissoute au début du 20ème siècle, qui domine en haut d’une crête, une station où les trains ne s’arrêtent plus. “C’est calme là-bas” dit Anastasio, “étrangement relaxant.”

Balades illégales dans le ventre de la ville

Steve Duncan, un grand type au visage osseux, aux cheveux blonds filasses, facilement lyrique quand on le branche sur son sujet, a commencé ses explorations en étudiant à l’université de Columbia en 1996 : il s’intéresse au projet Manhattan, qui donnera naissance à la bombe atomique en 1945. Des expériences avaient été menées à Columbia à la fin des années 1930.

Je cherchais des tunnels secrets dont les étudiants parlaient, dit Duncan. Je ne les ai pas trouvés mais descendre là-bas, c’était excitant, c’étaient des couches d’histoire qui se révélaient peu à peu, des vestiges.

Depuis, Duncan a continué sous terre. Il a tenté de creuser une voie d’accès sous le tunnel du train Amtrack, qui court le long de la Hudson river, sans savoir qu’une entrée plus facile était et reste ouverte au nord. Le tunnel permet de descendre quelques 55 rues de New York en ligne droite, le sifflement des trains y est assommant.

Selon Duncan, et une dizaine d’explorateurs rencontrés pour cet article, il est impossible de marcher plus de trois kilomètres dans une structure abandonnée à New York – la plus longue marche possible semble passer par une série de stations abandonnées dans le Sud de Manhattan, reliées par une autre en activité. Nombre d’explorateurs citent les catacombes de Paris en modèle pour passer plusieurs jours de rang sous terre. Duncan cite également les carrières qui trouent le sous-sol d’Odessa, en Ukraine et celles de Naples – un monde de huit millions de mètres-cubes.

A New York, les lieux sont cloisonnés, dit Duncan, “à chaque fois c’est un monde fermé.

À moins bien sûr de passer par les tunnels de métro actifs, à vos risques et périls. Cette année, entre le 1er janvier et le 12 avril, 28 personnes y ont été heurtées par des trains et 16 sont mortes, selon une porte-parole de la MTA, la compagnie qui gère le métro new-yorkais. Impossible de savoir combien de ces cas représentent des suicides. Aucun explorateur rencontré pour cet article ne se souvient d’un accident majeur impliquant l’un des leurs.

Les randonnées de Duncan et de ses camarades impliquent bien souvent d’ignorer les lois de la propriété privée. Mais elles ne mènent pas bien loin : 50 à 150 dollars d’amende, une nuit en prison et au pire, une citation à comparaître. La sentence sera plus lourde pour qui se promène avec une bombe de peinture dans son sac.

Si vous vous baladez en coupant les serrures et en enfonçant les portes, quelqu’un finira par s’énerver, dit Shane Perez. Moi je prends simplement des photos, je laisse tout en l’état.

Documenter la ville abandonnée

En février dernier, Shane Perez nous emmenait dans un tunnel de fret désaffecté dans le quartier d’East New York, à Brooklyn. Pendant une petite heure, nous avancions dans le noir entre les rails, éclairés seulement par nos lampes frontales ; puis longeant un train de marchandises infini, nous trébuchions sur le ballast, dans un espace juste assez large pour y passer deux épaules, le dos collé alternativement aux parois du tunnel et aux wagons.

La ballade avait quelque chose d’hypnotique, on attendait le bout du tunnel, on espérait que le soleil ne serait pas couché à la sortie mais impossible de savoir. A l’arrivée, on débouchait sur d’autres trains qui semblaient immobilisés depuis un bail, tagués frais de la veille – une bombe rose était renversée sur la neige, la peinture avait giclé autour… Et pas grand-chose d’autre. Au final, ce n’était qu’un tunnel sale et il était difficile de ne pas se sentir frustré, de ne pas regretter un résultat plus tangible pour l’effort accompli.

“On ne cherche pas des trésors”, dit SeungJun Kim, 37 ans, exploratrice depuis trois ans et ancienne archéologue – elle a fouillé quatre ans sur un site grec de Sicile, à Selinunte.

Comme en archéologie, une large part du jeu, ce n’est pas de trouver de beaux objets mais de saisir un peu du contexte des lieux : de déterrer une strate d’histoire après l’autre. Elle ajoute une dimension tactile : L’important, c’est d’aller se placer physiquement dans cet espace.

SeungJun Kim, qui enseigne l’histoire de l’art à Columbia, parle de maisons abandonnées à proportions humaines – de l’impression physique que l’on ressent devant un sol écroulé au milieu d’une pièce, face à une série d’escaliers devenue inaccessible. Elle parle de dessins d’enfants – ce que représente une maison, un foyer – et de proportions architecturales classiques, calquées sur la nature et le corps humains, ou inhumaines, comme celles de nos usines et tunnels. Elle parle aussi du plaisir un peu idiot d’escalader le pont de Brooklyn, pour aller voir Manhattan de là-haut.

“De nombreuses infrastructures de New York ont été bâties pour être admirées comme des monuments publics”dit Stanley Greenberg, un photographe qui a publié deux livres sur le système d’alimentation en eau et les infrastructures secrètes de New York. Au début du 20ème siècle, “les gens partaient en excursion le week-end pour aller voir ces lieux, c’étaient des endroits magnifiques”. Les new-yorkais allaient pique-niquer sous le vieil aqueduc de Croton, au nord de Manhattan. “Plus tard, dit Greenberg, nous avons construit des structures plus secrètes, des architectures en phase avec la période de guerre froide. »

Traîner dans ces égouts et ces caves, cela demande une passion un peu maniaque, un groupe pour vous motiver ou une imagination enfantine relativement intacte, celle des maisons hantées du Queens que Joe Anastasio a commencé à explorer vers ses 13 ans, pour continuer pendant 24 ans un peu partout à New York.

Dans les tunnels, il n’y a plus que vous et votre cerveau, dit-il, et si vous ne savez pas vous tenir compagnie, alors vous ne devriez pas être là-bas tout seul.


Retrouvez notre Une sur les explorateurs urbains (illustration CC Loguy)
- Une galerie Street Art dans le ventre de New York
- Miru Kim: la ville, nue

Vidéo UNDERCITY par Andrew Wonder sur Vimeo

Crédits photos : Steve Duncan, Undercity et Rebecca Perdue © tous droits réservés

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