OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les débuts du crowdsourcing appliqué au journalisme http://owni.fr/2010/10/12/spot-us-glifpix-jaime-info-les-debuts-du-crowdsourcing-applique-au-journalisme/ http://owni.fr/2010/10/12/spot-us-glifpix-jaime-info-les-debuts-du-crowdsourcing-applique-au-journalisme/#comments Tue, 12 Oct 2010 13:09:00 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=31337 Cofinancer les reportages et sujets d’investigation qu’il aimerait lire: le rêve de tout lecteur, un journalisme sur mesure qui est en train de prendre ses marques. Et auquel se greffent de nouveaux pure players de l’information.

Depuis maintenant deux ans, sur sa plateforme participative, la start-up américaine Spot.US , comme on en parlait ici, propose aux internautes de soutenir financièrement des idées de reportages qu’ils aimeraient lire, soumises sur le site par des journalistes indépendants. Ou comment le crowdfunding (levée de petites sommes d’argent auprès d’internautes), appliqué au domaine culturel, s’étend au journalisme.

Son fondateur, le journaliste David Cohn, est venu parler de son concept devant une poignée de journalistes, lors d’une masterclass organisée lundi par Citizenside et le World Editors Forum.

Reportages à la demande

Le concept, donc : comme ces sites musicaux où les internautes peuvent plébisciter et financer en ligne, et donc permettre aux artistes de se faire produire par des internautes (tel MyMajorCompany), SpotUS propose aux internautes de choisir le sujet d’article (leur story favorite) qui les intéresse le plus, parmi les propositions de sujets présentés sur le site par des journalistes freelance. Du journalisme à la demande, en somme : « Dans un resto, si le serveur décide de ce que vous allez manger, vous faites demi-tour. C’est pareil avec les médias aujourd’hui », estime David Cohn.

Non Profit Organization

Plutôt qu’une start-up, Spot.US se définit comme une « non-profit organization », un « projet à but non lucratif visant à être pionnier du journalisme payé par la communauté », précise David Cohn. Sur son site Internet, Spot.Us déclare d’ailleurs vouloir permettre au public « de lancer des enquêtes avec des donations déductibles fiscalement, sur des sujets importants et peut-être négligés » (sous-entendu par les rédactions classiques).

Pour autant, un modèle économique s’esquisse: outre les donations effectuées par les internautes (ils peuvent soutenir Spot.Us en plus de leurs financements d’articles), Spot.US vit du mécénat (donateurs privés), mais aussi de publicité. Et ce de manière originale : ici, pas de bannières, mais depuis le mois de juillet, les annonceurs peuvent proposer des sondages en ligne : l’utilisateur qui accepté de d’y répondre reçoit 5 dollars à dépenser pour financer un des articles sélectionnés par l’annonceur.

Le site compte ainsi une audience moyenne de 2 000 pages vues par jour, une communauté de 2 000 membres, et en moyenne « 5 articles publiés par semaine ».

No comment en revanche sur le chiffre d’affaires. Le record en termes de financements? « Trois de nos sujets ont reçu 13 000 dollars de financements », précise David Cohn. De quoi faire rêver tout grand reporter…

Un des reportages les plus impressionnants cofinancés par les internautes était ainsi consacré à l’histoire d’un amas de déchets flottant dans l’océan Pacifique. Consécration du concept de Spot.US, le quotidien le New York Times avait précommandé ce reportage, publié dans ses pages en novembre 2009.

Résultat, les frais engagés par la journaliste Lindsey Hoshaw pour réaliser son reportage lui ont été réglés d’avance non pas par le commanditaire de cet article, le NY Times, mais par des centaines de donateurs, via Spot.US. Elle a récolté 6 000 dollars de dons.

Ce qui permet donc de financer des reportages aux coûts (déplacements, etc) parfois élevés, surtout pour des journalistes indépendants, qui doivent habituellement avancer les frais avant de les voir couverts par la rédaction qui publiera leur papier. Qui plus est, cela donne au journaliste le temps d’enquêter en profondeur. Du temps et des moyens, une denrée qui se raréfie d’ailleurs pour les journalistes dans les rédactions.

Déclinaisons à l’étranger

En tous cas, le concept commence à faire florès un peu partout dans le monde : avec Gojournalism.ca au Canada, YouCommNews.com en Australie, Spotus.it en Italie… Même un portail dédié au cofinancement de projets de photojournalisme a vu le jour, Emphas.is.

Version bêta publique de Glipfix le 27 octobre

En France aussi, le premier site dédié au co-financement de reportages s’apprête à voir le jour. Glifpix, en sommeil depuis un an, sera lancé le 27 octobre, annonçait hier la newsletter spécialisée Satellinews.

« Nous allons lancer notre plateforme en version bêta publique », confirme à Owni.fr Hélène Huby, directrice de projet chez FaberNovel. La société dédiée à l’innovation va financer Glipfix pendant 6 mois, durant lesquels « nous allons tester le concept, et selon les retours des utilisateurs, esquisser notre modèle économique », précise Hélène Huby.

Pour développer la plateforme technique de Glipfix, les partenaires (JamesSpot, Exalead, BayardPresse, Bearstech et FaberNobvel) avait déjà reçu une dotation de 250 000 euros par le ministère de économie et des Finances.

Deux journalistes (Sylvie O’Dy et Hala Kodmani) qui étudieront les propositions de sujets. « Les sujets d’investigation, de reportage demandant du temps, seront privilégiés », précise Hélène Huby.

Un autre petit nouveau devrait émerger sur le même modèle en France : J’aime l’info déjà présenté ici, et que l’équipe de Rue89 [disclaimer : média auquel je collabore] devrait dévoiler le 22 octobre, lors de la Journée de la presse en ligne, organisée par le SPIIL.

À suivre…

Crédit photo CC FlickR par st bernard

À lire aussi notre dossier sur le crowdsourcing et celui sur le crowdfunding

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Crowdsourçons le renouveau du journalisme http://owni.fr/2010/10/09/crowdsourcons-le-renouveau-du-journalisme/ http://owni.fr/2010/10/09/crowdsourcons-le-renouveau-du-journalisme/#comments Sat, 09 Oct 2010 15:52:52 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=30910 L’automne, c’est les jours raccourcis, la rentrée, les premiers rhumes… Mais c’est surtout l’ouverture du Knight News Challenge! Cette année, OWNI crowdsource les idées, afin de maximiser nos chances de l’emporter.

Comme tous les ans depuis 2006, la fondation Knight met en jeu plusieurs millions de dollars pour financer des projets de journalisme innovant. Parmi les précédents lauréats, on trouve des projets tels qu’Ushahidi, Spot.us ou Everyblock.

Cette année, le News Challenge s’est trouvé un cousin en Finlande, Uutisraivaaja. Ce concours, au nom difficilement prononçable mais doté de 250 000€, est financé par la fondation Helsingin Sanomat, dont l’objectif est de soutenir la recherche scientifique.

Ces deux concours mettent en avant l’imagination et la créativité. Aucune contrainte n’est imposée, sinon de proposer des projets journalistiques innovants et inattendus (et, pour Uutisraivaaja, que le projet débute en Finlande). La fondation Knight a le nez creux pour repérer les projets innovants. Elle a par exemple financé le datajournalisme dès 2007 avec Everyblock et l’info sur téléphone portable dans les pays en développement en 2008 avec Freedom Fone.

Les fondations ne financent pas des entrepreneurs ; elles contribuent au renouveau du journalisme. Ce cahier des charges suppose que les projets soient réutilisables par d’autres médias, si bien qu’elles exigent des participants que tout leur travail soit en creative commons et que le code en soit libre.

Cette année, la Knight recherche des projets dans trois domaines précis : Mobile, développement des flux de revenus et crédibilité. Le mobile puisqu’il constitue un canal de diffusion en forte croissance, les flux de revenus on s’en doute, et la crédibilité pour aider les journalistes à trier le vrai du faux à l’heure ou les rumeurs peuvent enfler en quelques heures grâce à la caisse de résonnance mondiale que sont les réseaux sociaux.

Plus on est de fous

Cette année, plutôt que de réfléchir aux projets dans notre soucoupe d’ivoire, nous vous demandons votre avis et vos conseils. Nous organisons ici un brainstorming collectif pour réfléchir ensemble aux projets que nous présenterons.

Nous proposons à tous ceux qui ont des idées mais pas le temps de les mener à bien ou les compétences en anglais nécessaires de les porter avec nous. Le but n’est pas de s’approprier les idées de la communauté. Au contraire, en les poursuivant ensemble, nous augmentons nos chances de succès dans un concours où jamais un projet français n’a été récompensé.

Publiez vos idées ou vos intutitions dans les commentaires ou sur Twitter @owni. Que vous vouliez mettre en place un système de distribution d’infos sur téléphone portable en Laponie ou que vous imaginiez vendre de l’info couplée à une production artisanale en Picardie, discutons-en ici!

Ce billet sera mis à jour avec nos idées tout au long de la semaine

Nanonews, proposé par CS: Blague ou pas, l’augmentation de la granularité de l’info à son maximum reste une piste à suivre. Itunes a fait exploser les albums en morceaux uniques. Peut-on imaginer dissocier demain les films, les reportages, les articles?

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Le crowdfunding produit un “effet Obama” dans le journalisme http://owni.fr/2010/08/11/le-crowdfunding-produit-un-effet-obama-dans-le-journalisme/ http://owni.fr/2010/08/11/le-crowdfunding-produit-un-effet-obama-dans-le-journalisme/#comments Wed, 11 Aug 2010 16:35:42 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=23843

Tanja Aitamurto est une journaliste spécialisée dans l’intelligence collective -sa thèse porte sur ce sujet- le crowdfunding et le crowdsourcing dans le journalisme. D’origine finlandaise, elle est maintenant basée dans la Silicon Valley et contribue principalement au Huffington Post et au Helsingin Sanomat, le principal quotidien en Finlande. Pour OWNI, elle revient sur le développement du crowdfunding, qui concerne le journalisme mais aussi les industries créatives en général.

Le monde du journalisme semble découvrir le crowdfunding, mais est-ce vraiment si neuf ?

Le crowdfunding est un mécanisme de financement qui existe depuis un certain temps. Le premier effort bien connu dans ce sens a eu lieu en 2003, quand le reporter américain Chris Albritton a réuni assez de dons de lecteurs pour faire un reportage en Irak dans le cadre de son initiative “Retour en Irak“.

Cependant, le crowdfunding est devenu de plus en plus populaire dans le journalisme, pour beaucoup grâce à des plates-formes de crowdfunding à succès comme KickStarter et Spot.Us. Par exemple, rien que sur Spot.Us, plus de soixante sujets ont été financés et plus de 100.000 dollars ont été donnés à des pitches.

Ces derniers temps, il y a aussi eu des expériences de crowdfunding rétrospectif. Par exemple, Paige Williams, une journaliste américaine récompensée pour son travail, a financé son article sur Dolly Freed en réunissant des dons après la publication sur son site.

D’autres formes de mécanisme de crowdfunding comme Flattr et Kachingle gagnent du terrain. On appelle maintenant ces modèles des “paiements sociaux” (social payment, ndlr).

Une des raisons de l’évolution du crowdfunding, c’est le développement rapide des outils du web 2.0, et la pénétration de l’Internet. Ces outils facilitent l’utilisation du crowdfunding dans le cadre du journalisme. En outre, ces modèles traditionnels de revenus deviennent de plus en plus inefficaces, et il faut trouver des alternatives. C’est là où le crowdfunding devient utile.

Diriez-vous que l’émergence actuelle du crowdfunding est un effet positif de la crise des médias ?

Oui, c’est un mouvement positif par deux aspects : d’abord, le crowdfunding a prouvé qu’il fonctionnait comme modèle de financement pour une certaine forme de journalisme, comme le reportage d’investigation et les sujets civiques.

Les nouvelles sources de revenu comme le crowdfunding pour les journalistes sont nécessaires alors que le journalisme entre dans l’ère post-conglomérat. Cela signifie que les grandes entreprises de médias emploient moins de journalistes, mais les journalistes travaillent plus souvent comme freelance ou journaliste-entrepreneur. Par conséquent, ces derniers ont besoin de nouvelles façons d’obtenir des fonds pour leur travail.

Second point, il est très important d’expérimenter de nouveaux business models. C’est la seule façon de trouver ce qui marche vraiment, étant donné que les anciens modèles ne marchent plus si bien.

Est-ce que cette réflexion est spécifique aux pays occidentaux ? Pour quelles raisons ? La crise des médias ?

Les plates-formes et les mécanismes de crowfunding semblent se développer dans les pays occidentaux, probablement en raison du développement parallèle d’autres phénomènes d’interaction à doubles sens, comme le crowdsourcing, le mouvement de l’open data, etc., qui donnent plus de pouvoir aux gens.
Un autre facteur, c’est que les entreprises de média cherchent de nouvelles sources de revenus comme elles ne vont pas si bien financièrement et nous voyons beaucoup d’expériences dans ce sens pour en trouver.
Le troisième élément, c’est que le capital-risque est plus développé dans les pays occidentaux et peut financer des start-ups dans ce domaine, ainsi que d’autres mécanismes de financement comme le Knight News Challenge concours et autres prix.
Cependant, il y a aussi eu d’autres actions dans ce domaine en dehors des pays occidentaux. Par exemple le site de journalisme citoyen OhMyNews, qui vient de fermer sa version internationale, a essayé de collecter des dons de lecteurs sous la forme de licences de membre.

Pensez-vous que le crowdfunding va devenir de plus en plus important dans le financement des reportages ? Du travail créatif en général ?

Oui, absolument, le crowfunding a démontré son efficacité comme mécanisme de financement pour certains types de journalisme. Avec l’aide de plates-formes de crowdfunding comme Spot.Us, Kickstarter et SellaBand, cette méthode devient de plus en plus commune comme source de financement de projets journalistiques et artistiques. Ces plates-formes fournissent une grande opportunité de soutenir des projets particuliers que les gens apprécient au lieu de payer pour l’abonnement complet à un journal qu’ils ne lisent la plupart du temps que partiellement.

De plus, ces plates-formes offrent habituellement la transparence qui manque dans les organisations traditionnelles, comme les entreprises de médias et les rédactions. La transparence accrue offerte par les plates-formes de crowdfunding est importante pour les donateurs, ils peuvent suivre l’utilisation de leur argent.

Maintenant la question, c’est l’ajustement de ces mécanismes. Le grand changement dans les business models du journalisme, c’est qu’il n’y aura plus une ou deux sources de revenus comme c’était le cas jusqu’à présent (publicité et abonnements). Les revenus vont venir de sources multiples et différentes en fonction de la publication et de sa niche. Les dons peuvent en faire partie, selon le cas.

Qu’est-ce qui fait qu’un système de crowdfunding aura du succès ?

Actuellement, il existe deux façons d’approcher le paiement volontaire : soit la somme est fixée, ou le lecteur peut donner autant qu’il le désire. Par exemple dans le domaine du paiement social, Kachingle laisse les gens payer seulement 5 dollars par mois pour tous les sites qu’ils visitent, alors que sur Flattr vous pouvez déterminer la somme vous-mêmes.
L’argument de Kachingle c’est que quand la somme est fixée, le coût de la transaction mentale sera plus petite pour le donateur – ce qui signifie que c’est facile de donner quand vous n’avez pas besoin de réfléchir au montant du don.
Flattr donne aux utilisateurs plus de liberté, de même Spot.Us, le système indique au donateur une suggestion de don, mais ce dernier peut changer la somme. Ces deux approches ont leurs avantages et leurs inconvénients mais les différences sont minimes. Du point de vue des donateurs, c’est important d’avoir une expérience utilisateur intégrée avec le système de micropaiement. De plus, c’est important de donner aux donateurs des outils pour construire leur identité par leur don. Personnellement, je pense que le mieux c’est de fournir au donateur une suggestion du montant, mais aussi la liberté de le changer.
Je ne vois pas forcément une plate-forme l’emporter sur les autres, elles peuvent co-exister, s’il y a assez d’utilisateurs. Des systèmes de paiements sociaux, celui qui aura le plus de succès sera celui qui sera utilisé par le plus grand nombre de blogueurs importants, et des publications établies.

Vous soulignez que les systèmes de crowdfunding reposent sur l’intelligence collective, êtes-vous optimiste ?

Le cœur de l’intelligence collective peut être défini ainsi : la connaissance est plus juste quand elle est issue de contributions provenant d’une population répartie. Au lieu de compter sur un seul agent, la connaissance est à son meilleur quand une foule variée est conviée au processus de co-création. Le crowdsourcing et le crowdfunding sont des manifestations de l’intelligence collective.

Dans un modèle journalistique crowdfundé où on peut choisir un pitch auquel donner – comme sur Spot.Us-, le donateur a en fait le pouvoir de choisir quels types de sujets seront écrits. Il y a un parallèle entre le don et le vote : en donnant pour le pitch d’un sujet, le donateur vote pour un sujet qu’il souhaite voir publié. Dans un modèle journalistique crowdfundé, le pouvoir éditorial devient donc décentralisé. Les gens ont leur mot à dire sur les sujets qu’ils veulent lire, à la place des rédactions.

Ce changement radical mène effectivement à une autre question inévitable : est-ce que certains sujets resteront privés de couverture, sans publicité, si les lecteurs peuvent choisir ce qu’ils souhaitent lire ? Par exemple, un article sur telle minorité n’obtiendra peut-être pas assez de dons.

Je ne considère pas cela comme un problème, car les modèles crowdfundés sont encore marginaux. Je ne pense pas non plus que cela deviendra un problème car le crowdfunding restera une source de revenus parmi d’autres.

Est-ce que les écoles de journalisme préparent assez leurs étudiants à se voir eux-mêmes en termes commerciaux ? Est-ce que ce sera plus facile pour la nouvelle génération de journalistes d’embrasser ce modèle, en raison des difficultés qu’elle a déjà connues ?

Les écoles de journalisme traditionnelles n’ont pas préparé les étudiants au changement que nous sommes en train de vivre dans l’industrie du journalisme. Les business models et la réflexion entrepreneuriale n’ont pas été assez mis en avant dans le curriculum, quand ces sujets n’ont pas carrément été oubliés.

Nous entrons dans l’ère post-conglomérat du journalisme, comme je l’ai dit plus haut. Le journalisme entrepreneurial nécessite des compétences complètement nouvelles pour les journalistes quand ils sont diplômés de leur école.

Maintenant, l’état d’esprit dans les écoles de journalisme change, et les écoles enseignent de plus en plus ces connaissances, du moins aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Vous dites que “des changements similaires se passant dans les industries créatives, alors que les marques et les institutions comme les labels et les institutions médiatiques perdent du pouvoir.” Serait-il opportun qu’ils partagent ensemble sur ce sujet ?

Oui, tout à fait. Ces changements que nous observons dans le journalisme ont aussi lieu dans d’autres champs de la société : dans les domaines de l’éducation, de la connaissance, de la santé, du leadership, des entreprises, et les vieilles institutions du business se défont. Ces vieilles structures ne sont pas adaptées à ce nouvel âge qui requiert de la transparence et des interactions dans les deux sens.

Vous avez expliqué qu’il se passe dans le journalisme un “effet Obama”. Pourriez-vous résumer votre analyse ?

J’ai écrit sur le Huffington Post que “l’effet Obama” a lieu dans le journalisme, comme le pouvoir éditorial est en train de se décentraliser et que les gens peuvent de plus en plus avoir un impact sur les articles qui sont écrits, par exemple à travers les plates-formes de crowdfunding. Elles permettent aux gens de donner de petites sommes pour soutenir le journalisme qu’ils préfèrent et donc, une foule de donateurs peut avoir un impact. Exactement de la même façon que la foule a aidé Obama à réussir dans sa campagne par de petits dons. Le succès du crowdfunding est une autre preuve que les petites actions comptent.

Petites sommes deviendront grandes.

Vous avez noté que les donateurs ne participent pas beaucoup. À quoi cela tient-il ? Est-ce une lacune que les systèmes de crowdfunding devraient combler ?

Il est très intéressant que les donateurs dans les modèles de journalisme crowdfundé ne soient pas plus intéressés par la co-création. En principe, ils devraient participer plus, mais dans les faits, ils ne le font pas. Ils semblent estimer que c’est assez participer que de donner de l’argent pour un pitch. Ils ne contribuent pas beaucoup via les autres façons offertes, comme donner des tuyaux ou commenter.

Il y a plusieurs raisons à ce type de comportement. Le premier, c’est que les donateurs considèrent que le journaliste est l’expert sur le sujet et que les donateurs n’ont pas tant de connaissances que cela, pas assez pour les partager. Second aspect, les moyens de participer ne sont peut-être pas assez sophistiqués. En se basant sur les expériences de projets crowdsourcés dans le journalisme, plus la tâche est étroite et sophistiquée, plus il est probable que la foule participe.

Pensez-vous que les systèmes de micro-financement embeddable comme Flattr devrait et pourrait être utilisés par les médias traditionnels ?

Complètement, en fait, Flattr et son rival américain Kachingle sont appelés maintenant des “paiements sociaux”. Les lecteurs ont besoin d’avoir le choix sur le moyen dont ils payent pour le journalisme qu’ils aiment. Ils ont en particulier besoin du choix de soutenir certains auteurs et un certaines formes de journalisme, au lieu de payer pour toute la publication ou article, comme c’est le cas dans le modèle de revenu traditionnel.

Une question large pour conclure : pensez-vous, comme Andreas Kluth, qu’il n’y a pas de crise des médias ?

Non, le journalisme n’est pas en crise. Certaines entreprises de médias sont en crise car elle manque d’innovation et ont fait des investissements inconsidérés et autres décisions financières. Cependant, la débâcle financière de certaines entreprises de médias mène à la crise beaucoup de journalistes qui sont licenciés, une solution d’urgence pour sortir la tête de l’eau.

Le journalisme fait mieux que jamais, à plusieurs égards. L’audience est plus importante que jamais, par exemple le New York Times n’a jamais autant de lecteurs grâce à Internet. La liberté d’expression est plus forte que jamais car presque n’importe qui peut publier, en ligne, sans de lourds investissements dans des imprimeries et des bureaux. Le journalisme devient universel, dépassant les frontières, comme nous le voyons avec des plates-formes comme WikiLeaks.

Le journalisme fait mieux que jamais grâce à toutes les innovations qui émergent : nouveaux modèles de production de contenus, les lecteurs ne sont plus seulement des lecteurs mais participent au journalisme de co-création, expériences dans les modèles de revenus, c’est un nouvel âge d’or pour le journalisme.

La société a besoin du journalisme, c’est pourquoi il y aura toujours des façons de la financer aussi. Elles diffèrent peut-être de celles qui ont été utilisées depuis Gutenberg et sa presse imprimée mais cela ne signifie pas qu’elles soint pires. Ni que le journalisme soit en crise.

À lire aussi

De Tanja Aitamurto :

Spot.us ou l’impact du crowdfunding sur le journalisme et Les journalistes travaillent en public pour le public, deux articles publiés sur PBS MediaShift traduits par la soucoupe ; The Obama-Effect in Journalism: Decentralized Editorial Power

Ses présentation sur SlideShares

De Davduf et Fil : Flattr, vers un nouveau modèle économique ?

Images CC Flickr  kbaird et  By nickwheeleroz

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http://owni.fr/2010/08/11/le-crowdfunding-produit-un-effet-obama-dans-le-journalisme/feed/ 12
Spot.Us: les journalistes travaillent en public pour le public http://owni.fr/2010/07/06/spot-us-les-journalistes-travaillent-en-public-pour-le-public/ http://owni.fr/2010/07/06/spot-us-les-journalistes-travaillent-en-public-pour-le-public/#comments Tue, 06 Jul 2010 13:30:38 +0000 Tanja Aitamurto http://owni.fr/?p=21278

Dans mon précédent billet, j’ai présenté les découvertes les plus significatives de ma récente étude de cas portant sur Spot.Us, une plate-forme de crowdfunding pour le journalisme. J’y ai examiné ce que mes découvertes signifiait pour le journalisme et pour le rôle et le travail du journaliste.

Renégociation du rôle du journaliste

Un processus journalistique financé par le public apporte un nouvel élément au travail d’un journaliste : exposer, pitcher son projet en public. Traditionnellement, un journaliste pitche son sujet directement à un rédacteur en chef. Le journaliste n’a donc pas besoin de réfléchir à la promotion de son sujet aux lecteurs.

Dans un modèle crowdfundé, un journaliste doit être prêt à susciter l’attention sur son pitch afin d’attirer des donateurs. Cela signifie qu’ils doivent s’occuper de la promotion de leur pitch en convaincant la communauté de l’importance de son sujet.

Cependant, les journalistes de Spot.us ne sont pas très à l’aise pour pitcher leurs sujets en public et demander des dons. Cette nouvelle activité entraîne de nouvelles obligations et change la nature du rôle du journaliste.

Des changements similaires ont lieu dans l’industrie créative, les marques et les institutions comme les labels de disques et les institutions médiatiques perdant du pouvoir. Selon Mark Deuze, professeur associé au Département de Télécommunication à l’Université d’Indiana, la créativité et le commerce sont de plus en plus associés dans le travail culturel.

Ce développement suppose que les travailleurs créatifs conçoivent leurs compétences, leurs idées et leurs talent en termes commerciaux. Traditionnellement, les journalistes ont intégré l’autonomie créative et la critique de leurs pairs plutôt que l’intérêt du marché.

Ces nouvelles obligations défient la perception traditionnelle que le journaliste a de lui-même comme celle d’un créatif indépendant dont les histoires sont d’abord et surtout acceptées par les collègues plutôt que par le public.

La culture de la participation motive les journalistes

Sur Spot.us, une culture de la participation se manifeste déjà de plusieurs façons : les membres de la communauté (lecteurs et donateurs) peuvent donner de l’argent ou une idée pour un pitch, ils peuvent laisser un commentaire, soumettre un tuyau, ou s’acquitter d’une tâche qu’un journaliste a assigné aux lecteurs.

Ces options pour la participation, en particulier les dons de lecteurs pour un sujet, ont un impact fort et positif sur les motivations du journaliste. Un des journalistes que j’ai interviewé m’a expliqué que c’était “plus que motivant professionnellement” de voir que le public est prêt à soutenir son travail en donnant de l’argent.

Du point de vue du journaliste, le don crée un lien fort entre le journaliste et le donateur. Les journalistes trouvent cela gratifiant d’avoir un lien direct avec les lecteurs. Cette connexion crée aussi un fort sens de la responsabilité sur le sujet.

Cependant, c’est typique, les donateurs préfèrent participer seulement en faisant des dons. Ils ne sont pas désireux de laisser des commentaires ou de soumettre des conseils, ni ne s’engagent dans le processus au point de suivre de très près toutes les mises à jour du reportage. La plupart des donateurs ont le sentiment qu’ils ont fait leur part du travail en offrant de l’argent.

Spot.us : un laboratoire R&D personnel pour le journaliste

Pour les journalistes de Spot.us, cette plate-forme est plus qu’une façon de financer leur travail. Ils le voient comme une opportunité d’expérimenter de nouvelles méthodes journalistiques, par exemple l’engagement du lecteur.

Les journalistes voient aussi Spot.us comme une opportunité d’expérimenter des outils tels que la vidéo et l’infographie. Le site leur donne la liberté d’expérimenter à laquelle ils semblent aspirer. Ils ont l’impression qu’il y a un manque d’opportunité pour essayer de nouvelles choses quand ils travaillent dans un cadre plus traditionnel.

Les journalistes considèrent aussi Spot.us comme un bon moyen de trouver des partenaires en vue d’une collaboration.

Faire des dons pour une société meilleure

Les donateurs semblent moins contribuer pour un article en particulier que pour le bien commun. Ils suivent rarement les sujets qu’ils ont aidés à financer, et ils ne consultent parfois même pas l’article une fois fini.

Pour eux, ce n’est pas le sujet : ils veulent que leur don soit un catalyseur pour un changement dans la société. Ils espèrent que leur article aidera à ce que cela s’accomplisse.

Cette notion soulève une question sur le rôle du journaliste dans la société. Est-ce le rôle du seul journaliste d’informer les gens sur les débats et les problèmes ? Ou est-ce que le journalisme devrait aussi donner au public une chance de changer les choses, d’essayer de résoudre le problème ? Si la dernière hypothèse est valide, alors le journalisme de plaidoyer, guidé par des causes, ou qui vise à résoudre des problèmes a plus de sens pour la communauté que le journalisme neutre, objectif, qui fournit de l’information mais pas les moyens de résoudre les problèmes.

Un exemple de journalisme qui résout des problèmes, la rubrique Impact du Huffington Post, qui marrie le journalisme à des causes. Les articles d’Impact portent sur des sujets comme la faim dans les écoles, ou la misère d’une famille qui a perdu sa maison dans une inondation. À la fin de l’histoire, le lecteur a l’opportunité de donner à une organisation non-profit qui peut aider à réduire le problème.

D’après mes conclusions, certaines personnes, du moins, considèrent le journalisme comme un moyen de contribuer au changement social. Par conséquent, les organisations de journalisme devraient intégrer des outils tels que SeeClickFix ou le nouveau gagnant du Knight News Challenge CitySeed, qui permet au public de contribuer à l’amélioration de la communauté en un clic. Les lecteurs veulent des façons constructives de participer, et le journalisme devrait leur donner les outils pour cela.

Le journalisme aligné sur le cause marketing

Comme le public donne pour une cause, et pas nécessairement pour le journalisme, les pitches sur les plates-formes de journalisme crowdfundé comme Spot.us devraient se conformer aux caractéristiques du cause marketing, un terme appliqué au travail de marketing effectué dans une optique non-profit et dans le but d’un changement social.

En ces temps de déclin des conglomérats de médias, les organisations de journalistes devraient tenir un discours clair aux lecteurs sur les raisons pour lesquelles leurs sujets sont importants, et la façon dont un lecteur peut changer les choses dans la société. Il est important de noter, cependant, que la stratégie du cause marketing marche seulement pour certains types de sujets et de journalisme, comme le reportage d’investigation.

La participation comme outil pour construire son identité

Dans le journalisme crowfundé, les gens partagent plus qu’une simple histoire, ils partagent l’histoire de leur participation au procédé sur Twitter et Facebook. La participation lient les gens entre eux. Comme un donateur l’a exprimé : “J’ai eu le sentiment d’appartenir à une communauté quand j’ai donné.”

Quand les donateurs de Spot.Us parlent de leur don, ils construisent aussi leur identité. Le geste en dit sur eux, et ils veulent le partager. C’est un résultat et un bénéfice important pour le donateur. Les journalistes devraient donc réfléchir sur la façon dont ils pourraient fournir au public des moyens d’associer leur identité et les causes au reportage.

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Pour plus d’informations sur l’étude, contactez-moi à tanja.aitamurto at gmail.com ou sur Twitter @tanjaaita

Tanja Aitamurto est journaliste et effectue une thèse sur l’intelligence collective dans le journalisme. Elle a étudié l’innovation dans le journalisme à Stanford, et est diplômée en journalisme, sciences sociales et linguistique. Tanja conseille des compagnies de médias et des organisations non-profit sur les changements dans le domaine de la communication. Comme journaliste, elle est spécialisée dans le business et la technologie. Elle contribue principalement au HuffPo et au Helsingin Sanomat, le quotidien de référence en Finlande, ainsi qu’à la Finnish Broadcasting Company. Tanja partage son temps entre San Francisco et la Finlande, son pays d’origine.

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Voir la première partie du billet ici.

Billet initialement publié sur Mediashift sous le titre “Spot.Us Lessons: Journalists Work in, and For, the Public” ; traduction Sabine Blanc

Image CC Flickr alexkess.

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Spot.us ou l’impact du crowdfunding sur le journalisme http://owni.fr/2010/06/23/spot-us-ou-limpact-du-crowdfunding-sur-le-journalisme/ http://owni.fr/2010/06/23/spot-us-ou-limpact-du-crowdfunding-sur-le-journalisme/#comments Wed, 23 Jun 2010 12:14:53 +0000 Tanja Aitamurto http://owni.fr/?p=19786 Des plates-formes comme Spot.Us et Kickstarter montrent que le crowdfunding peut être une source de financement du journalisme. Comme ce mode de fonctionnement va certainement devenir de plus en plus fréquent, il est important d’étudier comment il impacte le rôle et le travail du journaliste.

J’achève actuellement un doctorat sur l’intelligence collective dans le journalisme, et mon étude de cas sur Spot.Us essaye d’aborder ces questions. J’ai interrogé quinze donateurs et reporters de Spot.Us, pour une étude que j’ai présenté la semaine dernière sous la forme d’un rapport de recherche à IJ-7, la septième conférence pour l’innovation dans le journalisme, à Stanford.

Ceci est le premier des deux billets basés sur mon rapport. Je propose ici cinq observations sur la façon dont le crowdfunding impacte le journalisme, à la fois du point de vue du reporter et du donateur. Les citations ci-dessous proviennent des interviews que j’ai réalisées avec les reporters et les donateurs de Spot.Us.

Le point de vue du reporter

Les dons lient les lecteurs aux reporters

Le don est un acte significatif qui lie les reporters aux membres de la communauté (les lecteurs). Les reporters disent que c’est très motivant de voir que la communauté est disposée à soutenir leur travail. Voici comment un reporter de Spot.Us décrit ce sentiment : “C’est fantastique. C’est gratifiant… Et voir quelqu’un payer 20 dollars pour un article — c’est plus de 20 cents.

Les reporters décrivent l’acte du don comme “encourageant“, “gratifiant” et “personnellement motivant au delà de la motivation professionnelle.” Les journalistes considèrent les donateurs comme leurs supporters. Pour eux, donner est un acte qui soutient leur travail et le sujet sur lequel ils travaillent.

Un fort sens de la responsabilité

La connexion créée par les dons développe un fort sens de la responsabilité chez les reporters. Ils le décrivent comme différent du sentiment de responsabilité lié à une mission traditionnelle. Une reporter de Spot.Us expliquait comment elle ressentait ce degré supplémentaire de responsabilité : “C’est plus qu’écrire son article dans un style élégant, joliment formaté, ces aspects dont tu te soucies pour un éditeur. Tu fais plus attention à l’exactitude, à rapporter vraiment honnêtement et présenter les questions correctement, car ces gens ont investi directement dans ton travail.

Un lien direct avec les lecteurs

Plutôt que d’écrire pour un éditeur, les reporters disent qu’ils ont l’impression d’écrire pour la communauté. Ils trouvent la connexion directe avec les lecteurs très enrichissante, et savent exactement qui ils sont. Un reporter m’a dit : “Quand j’ai commencé à travailler sur mon papier [pour Spot.us] je savais déjà qui allait le lire, alors que dans le cas d’un papier habituel [dans le cadre d'un journalisme traditionnel] j’ai parfois l’impression d’écrire dans le vide“.

Mal à l’aise avec le “pitch”

Les reporters de Spot.Us ne se sentent pas très à l’aise pour exposer leur projet en public. Par exemple, ils hésitent à entrer en contact avec  leur réseaux sociaux pour promouvoir leur sujet. “Je suis un journaliste, pas un vendeur“, a dit l’un des reporters. “Je ne peux pas sortir et faire la promotion de leur idée“. Un autre reporter a comparé cela à de la mendicité en disant que c’était comme de demander de la monnaie en agitant une cannette dans la rue.

Traditionnellement, les journalistes pitchent directement à leurs chefs plutôt qu’au public. Les reporters disaient qu’ils préfèreraient promouvoir leurs sujets en public si Spot.Us organisait des événements promotionnels auxquels ils pourraient participer.

Liberté d’expérimentation

Les reporters m’ont expliqué que Spot.Us est plus qu’une manière de financer leur travail : ils le voient comme une opportunité d’expérimenter de nouvelles méthodes de journalisme, et de nouveaux outils comme la vidéo et l’infographie. La plate-forme donne aux reporters la liberté à laquelle ils aspiraient.

Le point de vue des donateurs

Le don ne lie pas les donateurs

Le don ne lie pas les donateurs aussi fortement qu’il lie les journalistes. Après avoir financé un article, les donateurs ne retournent pas souvent sur Spot.us pour lire le résultat final. Ils ont plus de chances de suivre l’évolution de l’article si ils reçoivent des notifications de Spot.us, mais même dans ce cas le lien reste ténu. “Je ne suis pas vraiment impliqué dans ce qui se passe sur le site“, m’a dit un donateur. “Je vais attendre de recevoir le mail [me disant] que l’article est terminé, voilà le résultat. C’est parce que je ne me sens pas incroyablement proche de ces articles“.

spotusdonor.jpg

Pas enthousiastes pour laisser des commentaires, ni pour soumettre des tuyaux

Les donateurs ne sont pas avides de participer autrement qu’en faisant des dons. Ils expliquent souvent qu’ils n’ont pas assez de connaissances pour soumettre des tuyaux pour un article. Un donateur l’explique ainsi : “J’ai participé en faisant un don. Je n’ai pas tant de choses à dire sur ce sujet, je ne suis pas habitué à laisser des commentaires sur les sites.” Les donateurs interagissent rarement avec les journalistes, bien que Spot.Us encouragent ses lecteurs à le faire.

Donner pour une bonne cause

Les donateurs ont tendance à soutenir des sujets pertinents par rapport à leur vie personnelle. Cependant, la première raison du don semble être la volonté de soutenir une société en bonne santé, et considèrent le journalisme comme un élément essentiel pour cela. Donner revient plus à soutenir une bonne cause ou un bien commun, plutôt que soutenir une idée de sujet en particulier. Les donateurs ne s’attendent pas à un grand exercice journalistique en retour, bien qu’ils soient heureux si c’est le cas. “Je ne pense pas que je vais avoir quelque chose [pour mon don]“, dit l’un des donateurs. “J’apprendrai quelque chose au final… Je considère que c’est un don pour le bien commun, plus qu’un gain personnel ou autre chose.

Donner pour changer le monde

Les donateurs espèrent que l’article qu’ils soutiennent fera la différence dans la société. Ils considèrent les articles comme une force de changement pour améliorer la société en révélant les dysfonctionnements et les inégalités.

Donner permet de construire son identité

Donner pour un article aide à construire son identité personnelle. Les donateurs qui sont sur Twitter twittent généralement après avoir donné. Certains donateurs m’ont dit qu’en donnant ils avaient le sentiment d’appartenir à la communauté, même s’ils étaient incapables de définir cette communauté.

Dans mon prochain post, je discuterai et analyserai ce que ces observations signifient pour le journalisme. Pour plus d’information sur l’étude et pour l’intégralité de ce rapport, contactez-moi à tanja.aitamurto at gmail.com ou sur Twitter : @tanjaaita.

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Tanja Aitamurto est une journaliste et doctorante étudiant l’intelligence collective dans le journalisme. Elle a étudié l’innovation journalistique à Stanford, et a des diplômes en journalisme, en sciences sociales et en linguistiques. Tanja conseille des groupes de média et des organisations non-profit sur les changements dans le monde de la communication. En tant que journaliste, elle s’est spécialisée dans le business et les nouvelles technologies. Elle contribue principalement au Huffington Post et au Helsingin Sanomat, le principal journal Finlandais, ainsi qu’à la Radio-Télévision publique Finlandaise. Elle partage son temps entre San Francisco et la Finlande, son pays d’origine.

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Billet originellement publié sur Media Shift, sous le titre “Spot.Us Case Study Shows Impact of Crowdfunding on Journalism

Traduction : Sabine.

Illustrations : captures d’écran de Spot.us, crédits Photo CC Flickr : Mindfulone, Alan Cleaver.

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Un journaliste payé par ses lecteurs ? http://owni.fr/2010/02/15/un-journaliste-paye-par-ses-lecteurs/ http://owni.fr/2010/02/15/un-journaliste-paye-par-ses-lecteurs/#comments Mon, 15 Feb 2010 08:59:08 +0000 Jean Abbiateci http://owni.fr/?p=8184

L’hebdomadaire culturel Télérama vient de publier mercredi un assez bon article intitulé Journaliste à louer. Le papier pose notamment cette question : un lecteur peut-il directement financer le travail d’un journaliste ?

Certes, l’idée du « crowdsfunding » (« financement par la foule ») n’est pas nouvelle ; elle est aujourd’hui très tendance et parfois un peu « tarte à la crème » (le financement d’une partie du travail journalistique par les lecteurs, c’est quand même l’un des piliers de l’économie de la presse écrite).

Mais cette idée d’instaurer une relation directe entre un journaliste et une communauté d’internaute-financeurs, n’en constitue pas moins une piste intéressante pour l’avenir de notre métier. Elle a le mérite de redonner de la valeur au travail de qualité.

Et à ce petit jeu là, il me semble que les journalistes et photojournalistes indépendants, plus réactifs, plus conscients de leur « valeur » et de leur « marque », habitués à jongler avec les financements multiples, sont les mieux a même de tirer leur épingle du jeu.

En tout, cela donne envie d’être testé grandeur nature :) !

Voici donc quelques liens pour aller plus loin + quelques réflexions personnelles. Cette sélection et ses idées sont bien évidemment ouvertes aux suggestions et ajouts.

1. Le principe du « crowdfunding »

Journaliste à louer

Le papier original de Télérama signé Emmanuelle Anizon

Le crowdfounding et ses limites

Une analyste intéressante par un jeune journaliste, Florent Chevallier.

Lessons in crowdfunding (en anglais)

Retour d’expérience passionnant par David Cohn, fondateur de Spot.us (dont on peut retrouver l’interview sur Espritblog ici).

2. Les expériences menées

Le photojournaliste Zoriah

(et tout récemment Frédéric Sautereau, de l’Oeil Public)

La journaliste américaine Paige Williams

Cette journaliste freelance américain a  lancé un appel au don pour un projet de reportage estimé à 2000 dollars.

- Le projet Spot.us

Pour ceux qui ne connaissent pas, ce projet américain permet aux internautes intéressés par une problématique locale de financer le travail d’investigation d’un journaliste freelance.

Spot.Us – for reporters

A titre personnel, voici simplement quelques réflexions en vrac (et à enrichir).

- La communauté d’internautes-lecteurs ne pourra jamais être l’unique source de financement d’un reportage ou d’une enquête (voir le panorama des pistes possibles sur ce très bon post de blog de Pierre Morel).

- Le processus ne peut être qu’artisanal et direct, établissant une relation de confiance entre le journaliste et ses contributeurs. Pas d’intermédiaire.

- Il faut évidemment avoir su tisser une communauté autour de son travail. La communauté est différente d’un réseau : ce n’est pas à qui aura le plus d’amis sur Twitter ou Facebook, mais à qui aura su fédérer des fidèles sur un travail journalistique donné (comme peuvent le faire certains blogueurs-journalistes).

- le contributeur paiera pour un projet à valeur ajoutée (reportage, investigation), pas pour des tweets, de l’analyse, de la veille ou des papiers « bas de gamme ». Le contributeur paiera donc pour de l’information « rare » et pour des sujets « magazine » (donc moins périssable), pas pour du news.

- le contributeur ne s’engagera pas financièrement sur un « projet » ou un « synopsis ». Il faut déjà que le journaliste soit déjà  engagé dans la démarche, qu’il ait fait ses preuves, qu’il ait de la matière à montrer pour attirer le chaland !

- le journaliste doit donner de sa personne. L’argument de dire « donnez-moi, parce que mon travail est important » ne suffit pas ; il faut susciter le désir de donner, convaincre, partager, donner un peu de « chair » à ses motivations. Bloguer est surement le moyen le plus simple de le faire.

- Le contributeur ne paiera jamais pour « rien ». Il faut une « compensation », une « exclusivité » : un livre à la clé, l’accès à un contenu exclusif, une rencontre avec le journaliste…

- la transparence (relative, il ne s’agit pas de justifier chaque ticket de métro dépensé !) sur l’utilisation de l’argent est une nécessité.

» Billet initialement publié sur Espritblog

» Photo d’illustration alancleaver_2000 sur Flickr

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