L’érotisme serait-il, lui aussi, écologiste ?

Le 28 août 2009

Vite, vite, août se termine et je vais finir par rater le coche pour ce billet qui me trotte dans la tête depuis des jours… le coche du sexe. Et bien oui, c’est LE thème de l’été, le “marronnier” pour parler comme les pros du journalisme, le thème récurrent de nos beaux jours ensoleillés. Et il [...]

Vite, vite, août se termine et je vais finir par rater le coche pour ce billet qui me trotte dans la tête depuis des jours… le coche du sexe.

Et bien oui, c’est LE thème de l’été, le “marronnier” pour parler comme les pros du journalisme, le thème récurrent de nos beaux jours ensoleillés. Et il y en a eu cet été de jolis articles sur le sexe. On parlait du possible retour du poil chez Arrêt Sur l’Image, d’une lecture du machisme dans l’histoire à travers le vibromasseur dans Le Monde (si, si… allez voir !), des étudiants de Science Po qui s’apprêtent à sortir une revue érotique d’un très beau nom, L’imparfaite, les tribulations imaginaires de Vinvin à propos de cette cochonne d’Odette et des choses beaucoup moins drôles comme la diffusion de photos humiliantes intimes et parfois obtenues sous la contrainte dans les collèges. Ceci pour ne donner que les lectures de la fin de l’été… et dont je me souviens.

Couverture de la revue érotique de Sciences-Po, l’Imparfaite


Deux mois à voir du sexe écrit partout, tout cela, m’a naturellement remué les méninges… Et bon sang, le sexe vue par une nana qui ne voit le monde que par le biais de l’écologie et passionnée par la politique  (ben oui, y a des obsédées comme ça…), ça donnerait quoi ?

Côté politique : le sexe, plaisir démocratique par excellence

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Ah les plaisirs du sexe!! Pensez-donc à cette merveille : y a t-il un plaisir plus directement abordable que le sexe? Y a-t-il quelque-chose à dépenser? Non. Fondamentalement non. On peut bien sûr agrémenter, de la lingerie par là, des jouets par ci. Mais le plaisir du sexe n’est pas là, il est dans la jouissance parfaite de nos sens, de la vue, de l’odorat, du goût, de l’ouie, du toucher… rien dont vous ne disposez pas dans votre plus simple appareil et -surtout- dans votre plus simple appareil!

Riches ou pauvres,  les plaisirs du sexe ne dépendent pas de l’argent, ils dépendent de notre capacité à nous ouvrir aux plaisirs de nos propres sens, offerts gracieusement par Dame Nature, que nous soyons même beaux ou moches. Chacun de nous dispose de tout l’appareil adéquat à la naissance, et le sexe apparait bien comme le plaisir le plus démocratique qui soit!*

Côté société : le porno, ou la pulsion de la consommation

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Mais je reviens à mon titre “l’érotisme, serait-il lui aussi écologiste?” Récupération! diront certains. Oui, et amusée. Car en y réfléchissant, cela me semble bien pertinent.

On distingue souvent deux catégories dans “l’offre” de “publications” sexuelles: le genre pornographique et le genre érotique.

Photo dans la revue l’Imparfaite (une étudiante, Léa)


La pornographie se centre sur la satisfaction des pulsions de domination, possession, satisfaction du désir immédiat,etc.  bref des valeurs qui sont aussi celles de la société de consommation.

Symboliquement, on peut voir la partouze ou le gang bang comme la pulsion de répondre aux désirs du plus grand nombre. C’est là la définition du parfait objet de consommation!

L’offre porno qui s’affiche sur Internet gratuitement est inquiétante. Elle m’apparaît comme la déviance produite par notre société d’ultra-consommation où cette dernière n’est plus vue comme un moyen mais une fin, où le “consommateur” s’habitue et il faut sans cesse relancer son désir en allant plus loin. Si je regarde des sites pornos, je suis ébahie par la violence constante qui y réside, et beaucoup plus forte qu’auparavant (regardez des pornos des années 70, vous serez convaincus) : des nanas refaites , des acteurs dont on se demande s’ils sont tout à faits consentants ou amenés par surprise aux scènes auxquelles ils participent, et dont on se demande aussi parfois s’ils sont tout à fait majeurs. Et enfin des partouzes, gang bang à n’en plus finir, etc.

Si cette évolution m’inquiète particulièrement, c’est parce que lorsqu’on cherche des images sur le sexe, ce sont celles-là qui sont aujourd’hui les plus faciles d’accès. Et c’est donc sur celles que tombent les ados aujourd’hui quand ils commencent à faire leurs petites enquêtes sur ce grand mystère qu’est le sexe et qui commence légitimement à les titiller. Alors voilà, pour nombre d’entre-eux, ce sont elles qui fondent leur image de la sexualité. C’est sur cette base qu’ils partent. Triste et inquiétant, non?

Dessin de Zep (C) Glénat

Bon revenons à nos moutons. Le porno n’est donc pas DU TOUT écologiste. Ses valeurs sont à l’opposé de celles de l’écologiste.

Côté écologie : l’érotisme, ou la sublimation des potentiels de la Nature

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Précisons bien dès le départ et avant que ça ne chauffe dans les lignes qui vont suivre: j’entends par érotisme, tout ce qui ne se fait pas sans consentement ou aux dépens du partenaire. Ou alors on quitte l’érotisme pour la perversité.

Le porno est centré sur l’excitation des pulsions. L’érotisme est centré sur l’exploration des sens. Il cherche à atteindre les plaisirs du toucher jusqu’à leur extrême et dans l’exploration la plus totale. Il sublime ceux de la vue. Et que dire des plaisirs du goût de l’odorat et de l’ouïe! L’érotisme ne leur ouvre-t-il pas de nouveaux champs, bien propre à lui? L’érotisme est un art qui se cultive et s’approfondit. Apprendre, touche après touche, caresse après caresse, excitation après excitation,  à mettre ses sens en totale liberté et disposition d’accueil. Et leur faire exprimer leur entière nature. Oui, nature. Oui, apprendre à découvrir l’immense potentiel que la Nature nous a donné à travers nos sens. Et par notre art et génie humain, les renforcer et les sublimer.

Gustav Klimt, Le Baiser, 1907/1908


Dans cette optique, ce qu’on appelle déviance peut se voir d’une toute autre manière. Les adeptes de la photographie érotique peuvent être vus comme des exhibitionnistes, des voyeurs, ou comme poussant les plaisirs de la vue. Les adeptes du bondage ? Ceux encore plus sensibles aux plaisirs de la vue! Et les petites morsures, fessées ou pincements? Peut-être des biologistes patentés qui savent que sous l’effet d’une douleur, le corps secrète des endorphines, ces morphines naturelles qui calment la douleur mais amplifient les sensations de plaisir.

Il me semble, vu par ce prisme de l’écologie, que l’érotisme est bien, oui, écologiste! Un retour à sa nature, une exploration des potentialités de la nature.

Et enfin, côté philo

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A la dualité traditionnelle qui a beaucoup bercé nos sociétés “le plaisir corporel est-il licite ou non?“, l’écologie répond: vous est-il permis par la nature ou non?

C’est quand même beaucoup plus simple…

NB : c’était le test spécial été d’ecolo-info !  Si vous êtes écolo, et que le porno vous fascine, retournez à la case départ : c’est que vous avez manqué un épisode quelque part !

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++ Note ++

*en relativisant cette idée : le sexe serait bien le plaisir le plus démocratique qui soit si on n’en privait pas certains et surtout certaines par des mutilations comme l’excision. Ce sont encore 100 à 140 millions de femmes qui sont touchées de par le monde et dans certains pays, cette pratique loin de s’éteindre est en hausse. Mais bon… je n’avais pas envie d’entacher mon texte avec ce “petit” souci, toujours  bon à rappeler. Sources : UNFPA 2007

++ Liens ++

++ Livre ++

“Technologies de l’orgasme. Le vibromasseur, l”hystérie’ et la satisfaction sexuelle des femmes”, de Rachel P. Maines, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Oristelle Bonis, préface d’Alain Giami, Payot.

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Article d’Isabelle Delannoy initialement paru sur Ecoloinfo.com

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