Google Book : le grand bal des chimères

Le 26 novembre 2009

Depuis le commencement, l’Affaire Google Book Search pose cette question : la force parviendra-telle à revêtir les habits du droit ? Google a écrasé tous ses concurrents dans la course à la numérisation, grâce à sa puissance technologique et financière. Mais il ne sera pas le maître tant qu’il n’aura pas obtenu l’onction du [...]

Depuis le commencement, l’Affaire Google Book Search pose cette question : la force parviendra-telle à revêtir les habits du droit ?

Google a écrasé tous ses concurrents dans la course à la numérisation, grâce à sa puissance technologique et financière.

Mais il ne sera pas le maître tant qu’il n’aura pas obtenu l’onction du droit.

Un nouvel accord de règlement négocié entre Google et les parties au procès américain est intervenu le 13 novembre dernier.

Il modifie  en profondeur certains points essentiels, manifestant une réelle volonté de la part de Google de tenir compte des critiques formulées à son encontre.

Mais malgré tout, la question primitive revient toujours : celle de la légitimité du “coup de force” originel de Google.

Et derrière elle, celle de la possibilité pour une puissance privée de mettre en place de nouvelles règles que seule une loi serait en mesure de faire advenir.

Cet espoir est la chimère juridique de Google, mais il y en a bien d’autres dans cette affaire et ne sommes-nous pas tous en train de nous laisser entraîner dans un grand bal des chimères ?

(The Vampire. Chimere. Par jrover. CC-BY. Source : Flickr)

D’abord remonter un peu le fil du temps…

Le 18 septembre dernier, le Department of Justice américain adressait au juge Denis Chin en charge du procès Google Book Search un Statement of interest qui désapprouvait en profondeur l‘accord de règlement négocié en novembre 2008 entre le moteur de recherche et les auteurs et éditeurs américains, notamment sur la base de la violation des lois anti-trust. Cette intervention avait été précédée début septembre par des objections déposées par les gouvernements français et allemand au nom de la défense du droit d’auteur (et nous verrons que ces interventions ont eu un impact décisif sur le nouveau règlement). Face à cette charge, le juge avait décidé d’accepter à la demande des parties d’ajourner le jugement pour leur permettre de soumettre une nouvelle version de leur accord. Le suspens fut haletant puisque la date limite fut d’abord fixée au 6 novembre, puis au 9, puis au vendredi 13 (sic!) et c’est seulement à minuit (Midnight Madness ! comme dit James Grimmelman), à la dernière minute, que la nouvelle mouture du texte a été révélée, avec cet art consommé du story telling dont les américains ont le secret !

A six heures du matin le vendredi (avec le décalage horaire), je pêchais dans le flux grâce à Twitter (et @kcrews – excellente source sur la question)  un poisson informationnel bizarre qui s’avéra bien être la nouvelle version de la chimère… heu… du règlement. Depuis, le déluge des commentaires s’est abattu et j’essaie de ne pas me noyer… c’est déjà beaucoup…

Maintenant tâcher de comprendre et de se repérer…

Plus facile à dire qu’à faire… le texte du nouveau règlement est ici (368 pages absolument indigestes). On trouve là un document dit Amended Settlement Redline, qui permet de repérer exactement toutes les modifications (guère plus praticable). Pour commencer à appréhender l’étendue des changements, on peut se reporter utilement à cette synthèse en 3 pages ou à cette FAQ en deux pages (attention, ce sont des documents relativement objectifs, mais proposés par Google et ils sont en anglais – nous préparons avec Marlene une traduction en français).

Pour une première approche “en douceur”, j’ai un faible pour la synthèse sous forme de mots-clés réalisée par Michèle Battisti sur le site de l’ADBS. Si vous n’avez qu’une seule chose à lire et que vous voulez une présentation objective et d’une grande clarté,  allez là-bas.

On pourra également lire (en anglais, mais très instructif) le troisième volet du Guide for The Perplexed, publié par les trois principales associations de bibliothécaires américains, qui permet de cerner plus en détail la nature des changements.

Et ensuite, se faire une opinion…

Pour cela, il n’y a pas de secret : il faut se plonger dans les commentaires américains. Il est d’ailleurs fascinant de voir, quelques jours à peine après l’intervention du nouveau règlement, à quel point ce texte si complexe a déjà été fouillé, décortiqué, “déplié” par les analystes américains – juristes (James Grimmelman, Kenneth Crews, Pamela Samuelson), bibliothécaires (Karen Koyle, Peter Hirtle) , association de défense des libertés (EFF, ACLU). Depuis que je suis l’affaire Google book Search, j’ai pris conscience de la qualité et de la richesse du débat public aux Etats-Unis et il n’est pas abusif de dire que ce nouveau règlement est aussi quelque part un peu le fruit de cet esprit critique qui a su depuis des mois mettre à nu les failles et les risques inhérents à la précédente version du Règlement.

Rien de tel n’existe hélas vraiment en France et j’ai eu bien de la peine à trouver quelque chose de consistant écrit dans la langue de Molière à me mettre sous la dent…

J’ai essayé de rassembler un panorama de ces analyses et réactions américaines sous la forme d’un arbre de perles Pearltrees (excellent moyen de dompter l’infobésité). Vous pourrez y accéder en cliquant sur la perle ci-dessous, qui vous permettra de consulter des liens organisés de manière thématique (je continuerai à alimenter cet arbre au fil des évolutions).

Règlement GBS V2//

Pour se repérer dans le dédale de commentaires que génère le nouveau Règlement, un arbre de perles sur Pearltress

Vous constaterez que les débats outre atlantique font toujours rage et que le nouveau règlement, malgré de significatives concessions réalisées par Google, est loin d’avoir apaisé toutes les critiques… Il pouvait difficilement en être autrement…

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