Transcendance européenne

Le 14 décembre 2009

Je vais utiliser ici le terme transcendance dans un sens beaucoup plus étendu que dans son emploi philosophique. Je l'applique-là à l'idée toute simple qu'une réalité peut être dépassée et transformée par une volonté collective. C'est le cas de l'idée et de la construction européenne, nées à la suite de la catastrophe qui a débuté en 1914 et s'est achevée en 1945 ...

Averroes, Maimonide, Thomas d'Aquin

Averroes, Maimonide, Thomas d'Aquin

Je vais utiliser ici le terme transcendance dans un sens beaucoup plus étendu que dans son emploi philosophique. Je l’applique-là à l’idée toute simple qu’une réalité peut être dépassée et transformée par une volonté collective.
C’est le cas de l’idée et de la construction européenne, nées à la suite de la catastrophe qui a débuté en 1914 et s’est achevée en 1945. Cette période de 31 ans a vu l’Europe sombrer dans un gouffre d’inhumanité donc de barbarie dont le point le plus abominable fut la Shoah.

Le continent aurait pu ne jamais se relever de ses ruines, croulant sous la culpabilité, la honte et le déshonneur.
Mais grâce à quelques grandes âmes en France, en Allemagne, en Italie, au Benelux, la vieille Europe meurtrie reprit ses esprits et décida de se lancer dans une construction inédite : l’Europe telle qu’elle apparaît aujourd’hui.
Peut-être confuse dans ses institutions et ses processus de décision, l’ Europe est porteuse de paix dans le respect de chacun, une Europe créatrice d’idées, beaucoup moins arrogante que les états qui la composent, une Europe où les valeurs démocratiques sont vivantes. Dans cette Europe se construit un mode de gouvernement assez humble, consensuel, moteur des réponses aux impératifs politiques, environnementaux, culturels dans le monde en plein bouleversement.

Nous vivons dans les 3 dimensions de la géométrie mais aussi dans la 4eme, celle du temps.

Les effets de la Shoah, par exemple, se font sentir aujourd’hui sur les décisions politiques d’une façon très importante et souvent inconsciente. Cette abomination reste présente, pas comme un fantôme mais bel et bien comme une donnée indélébile des capacités négatives des humains.
Dans un moment où il est fréquent d’entendre dire que la politique est impuissante, la construction europééenne est la démonstration du contraire.
En effet, dans cette construction, c’est la volonté politique, humaine qui oeuvre seule contre les déterminismes historiques.

L’unité européenne est un chantier permanent, quotidien.
Mais le socle de cette unité est identifié. Il est fondé sur une adhésion quasi unanime aux textes bibliques et aux textes des philosophies grecques. Cette adhésion est vraie pour les trois principales religions d’Europe (le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam)

Au 12ème siècle,   trois penseurs issus de ces 3 religions firent avancer considérablement la relation entre la foi et la raison.
Ils peuvent être considérés comme les précurseurs  dont les travaux sont toujours valides pour une  communication et une interaction entre les religions en Europe :

Maimonide
Moïse Maïmonide est un rabbin andalou du XIIe siècle (30 mars 1138-1204), considéré comme l’une des figures les plus importantes du judaïsme, toutes époques et tendances confondues, au point d’être comparé, dans son épitaphe, à Moïse : « Mi Moshe ad Moshe lo kam ké Moshe » (De Moïse à Moïse, il ne s’en leva aucun comme Moïse).
Médecin, philosophe, commentateur de la Mishna, jurisconsulte en matière de Loi juive et dirigeant de la communauté juive d’Égypte, il excelle dans tous ces domaines, et influence également le monde non-juif, notamment Thomas d’Aquin qui le surnomme « l’Aigle de la Synagogue”.

Averroes
Abu’l-Walid Muhammad ibn Rouchd de Cordoue (né en 1126 -10 décembre 1198, à Marrakech), dit Ibn Ruchd, plus connu en Occident sous son nom latinisé d’Averroes, est à la fois un philosophe, un théologien islamique, un juriste, un mathématicien et un médecin musulman andalou du XIIe siècle.

Thomas d’Aquin
Thomas d’Aquin (vers 1225 à Aquino, près de Naples,Italie du Sud, 1274 à l’abbaye de Fossanova dans le Latium) et enterré à Toulouse, est un théologien et un philosophe italien, membre de l’ordre dominicain. Considéré comme l’un des principaux maîtres de la philosophie scolastique et de la théologie catholique,
auteur d’une Somme de théologie, il a été proclamé docteur de l’Église en 1567 et « Docteur commun » en 1880.
Appelé le « Docteur angélique » par l’Église catholique, il est considéré comme le patron des universités, des écoles et des académies catholiques.

Les travaux de ces  trois penseurs constituent un terreau fertile et facile à cultiver.

Il est infiniment plus urgent de creuser le sillon des prophètes de la raison pacifique que celui des diviseurs belliqueux.
Le judaîsme, le christianisme et l’Islam croient au même Dieu, il y a des différences et des divergences, mais entre personnes de bonne volonté et de bonne foi, il est possible de se comprendre et même d’enrichir les cultures respectives.
Comme l’ont montré Maimonide, Averrroes et Thomas d’Aquin.

L’équilibre est fragile, les réflexes identitaires fondés sur des données falsifiées sont des raccourcis faciles.

Les appels à la division, à la stigmatisation, à la haine et pour finir à la destruction de l’autre, trouvent toujours et à toutes les périodes de l’écho chez des gens mal informés ou apeurés.
Le dialogue, la conversation, l’amitié, le respect, l’écoute, la volonté de compréhension sont des trésors que les européens doivent choyer et multiplier.
Dès lors, les épiphénomènes du type : questions sur la présence des minarets ici ou là ne se poseraient plus, tant il semblerait naturel que les musulmans aient leur symbole visible comme tout le monde.

L’Europe peut transcender les incompréhensions, devenir un espace amical et fraternel. S’il est quelque chose à préserver, c’est l’unité européenne. Le reste est subordonné à cette exigence vitale.

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