Mp3 : The True Story

Le 8 janvier 2010

Dans le genre saga industriel, l'aventure du Mp3 mérite vraiment d'être contée.

Dans le genre saga industriel, l’aventure du Mp3 mérite vraiment d’être contée.

La génèse : C’est une affaire qui commence dès le XIXème siècle à l’époque ou le principe psycho-acoustique générique au mp3 est découvert : en 1894, Alfred Marshall Mayer découvre que l’on peut créer un son aigue à partir de sous composantes sonores moins aigues et soixante-dix ans plus tard, en 1964, Ernst Terhardt décrit le premier un principe d’algorithme qui s’appuie sur cette particularité physique pour générer des sons -et donc de la musique. L’idée d’un codec basé sur ce principe est finalement décrite par Manfred R. Schroeder, et M. A. Krasner, deux américains… Il est donc faux de dire que l’invention du mp3 est européenne, tout au moins de façon exclusive.

Le développement du Mp3 :  c’est seulement à partir de 1986 qu’un groupe de travail dénommé EU-147 et subventionné par la Communauté Européenne, commença à s’investir concrètement sur le sujet. Ce groupe comprenait principalement l’institut allemand de recherche Fraunhofer, qui deviendra par la suite leader du programme, l’Université de Nuremberg, Philips, le CCETT, centre de recherche français et d’autres encore. Dans un premier temps, les travaux n’avancèrent qu’assez peu, principalement en raison d’un désacord sur le niveau de qualité requit auquel il convenait de parvenir. C’est finalement sous l’impulsion du Professeur Karlheinz Brandenburg, qu’un compromis aurait été trouvé et que la chanson Tom’s Dinner, de Susanne Vega fut choisie comme étalon de test. Karlheinz en a retiré un certain mérite -on le croise régulièrement en guest-star au Midem-, mais il n’en oublie pas moins à chaque fois de rappeler qu’il n’est pas l’inventeur du mp3, mais qu’il s’agit bien un travail d’équipe. Il semble qu’il touche lui même une partie des royalties issues du brevet, grâce à un accord interne à l’Institut Fraunhofer, ce qui lui permet d’ailleurs de financer plusieurs start-up dans la musique.

En 1988, au bout de deux ans de travail, un premier format fut arrêté. Il fut alors convenu d’intégrer l’ensemble du travail de Thomson et de l’université de Hanovre, qui avait tous deux développé des formats semblables, dans un corpus unique qui deviendra le mp3. Il semble également qu’à partir de cet instant, Thomson n’ait eu de cesse de revendiquer la copropriété du format -avec Fraunhofer-, en rachetant les brevets qu’il ne lui appartenaient pas à des tiers ou, en faisant des accords de licence, parfois sur les marches du tribunal.

Par la suite, de nombreux procès ont eu lieu autour du format ; par exemple concernant des contributions de recherches de chercheurs qui, ayant changé d’employeurs, ont été deux fois à l’origine du même dépôt de brevet.
Les premiers brevets ont été acceptés en 1991 (dépôts initiaux en 1987) et les derniers brevets auraient été déposés et acceptés vers 1992. La consécration arriva en 1993 avec une normalisation du format par l’ISO. Pour la petite histoire, mp3 est un acronyme de MPEG1 layer 3. Une norme définie par l’ISO pour l’ensemble des formats multimédia.

Les premiers usages : Dans un premier temps, l’usage du mp3 fut assez limité. Les PC n’étant pas assez rapide pour décompresser le mp3 en temps réel. Il semble même que ni Fraunhofer ni Thomson n’essayèrent de licencier activement leur trouvaille. Sur le site de Thomson consacré au mp3, l’histoire semble d’ailleurs avoir été un peu réécrite. Il est expliqué que le nom mp3 a été arrêté de façon consensuelle.

Il semblerait plutôt que mp3 eut été choisi comme un acronyme technique .mp3 -plus facile d’usage que MPEG1.3, et que les velléités commerciales furent limitées. Un indice vient d’ailleurs largement corroborer cela : le trademark mp3 a finalement été déposée par Nicolas André (co-fondateur de Musiwave), plusieurs année plus tard, en 1999.

Le décollage semble finalement être venu de Winamp à partir de 1997, qui mis son logiciel à disposition de tous gratuitement -un modèle économique innovant à l’époque.

Succès et business : Le mp3 ne tarde cependant pas à attirer toute une ribambelle d’entrepreneurs et d’investisseurs qui flairent l’opportunité : des fabricants de lecteurs à l’instar de Rio, premier à commercialiser un player portable, en 1998 ; et surtout, bulle de l’Internet aidant, des créateurs de start-up. En 1998 également c’est Michael Robertson qui lance le site mp3.com, après en avoir racheté l’URL quelques milliers de dollar à Martin-Paul the 3rd ! Rapidement, Robertson stigmatise toute la colère de l’industrie de la musique. il n’en a cure, poursuit son développement et va jusqu’à introduire sa société en bourse.

A son apogée, on pouvait trouver près de 4 millions de titres sur le site, qui finira par être racheté en 2001 par Vivendi Universal pour 385 millions de dollars, à la fureur des responsables de la division musicale Universal.
De nombreuses autres start-up se lancent sur le créneau. En europe Vitaminic et Peoplesound mènent la danse. En France, c’est Francemp3.com qui parvient à lever 25 millions de francs sur le modèle de MP3.com.

Il est amusant de mentionner que l’url mp3.fr finit dans l’escarcelle de Musiwave, amenée par Nicolas André parmi les actifs de démarrage.

Création d’un standard : Dès 2000, on peut considérer que le mp3 est devenu un réel standard de l’industrie musicale et, ironie de l’affaire, totalement contre son gré ; votre serviteur se souvient ainsi qu’il était vivement recommandé de ne pas mentionner ces trois lettres dans les murs d’une major, sous peine de raccompagnement à la porte immédiat.

La technologie se banalise pourtant rapidement. Installée d’office (sans jeu de mots) dans PC et Mac, elle contamine rapidement les lecteurs de CD, les autoradios, etc. et finalement le monde des téléphones mobiles. La base de consommateurs fait la force, mais aussi, au début l’absence de patent-fee. Il semble que ce ne soit qu’après avoir constaté le succès de leur format que Thomson et Fraunhofer se résignent à poursuivre les indélicats. Leurs prix ne sont de toute façon pas très élevés, très en deçà de ceux qui sont officiellement affichés sur le site de thomson. On parlerait de quelques centimes d’euros pour un grand fabricant de mobile par exemple.

Pour donner une idée du succès de ce format, un rapport récent de l’institut de recherche Forrester estime à près de 900 millions le nombre de terminaux “mp3 ready” qui devraient être commercialisés en 2010.

Suite et fin :  peu d’inventions peuvent se prévaloir d’un tel succès. Il n’en reste pas moins qu’après une vingtaine d’années d’existence, le Mp3 pourrait voir sa suprématie s’étioler peu à peu. Le succès de plus en plus important des offres de musique en streaming, l’émergence de l’AAC et de l’AAC+ comme format de meilleur qualité commencent déjà à se faire sentir.
Il est plus que possible que la notion de possession de mp3 soit rapidement conçue comme une incongruité tant les avantages des plateformes de streaming sont importants. A l’instar du minitel pour le Web, le mp3 deviendrait alors une sorte d’incongruité dépassée, à l’aune des standards musicaux du 21ème siècle.

» Article initialement publié sur Sawnd Blog

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