Médiamétrie, les docteurs Mabuse de l’audience dans le collimateur

La mesure de l’internet est loin encore de faire l’unanimité. Médiamétrie a durci sa méthode dernièrement. L’institut prépare aussi une révolution avec des audiences de la radio mesurées par un enregistreur automatique en 2011 ...

arton624

La mesure de l’internet est loin encore de faire l’unanimité. Médiamétrie a durci sa méthode dernièrement. L’institut prépare aussi une révolution avec des audiences de la radio mesurées par un enregistreur automatique en 2011.

La mesure d’audience, c’est le nerf de la guerre entre les médias. Ces derniers ne sont pas tous logés à la même enseigne, loin de là. Entre la télévision, la radio, la presse ou l’internet, rien n’est égal, et les mesures sont soit précises, soit fantaisistes, voir carrément mensongères. Depuis déjà longtemps les soupçons sur la méthodologie utilisée pour mesurer les chaînes de télévisions par Médiamétrie ont disparu, et la bataille se fait principalement sur le terrain des programmes. Il n’en est pas de même pour la radio, mais surtout de l’internet. Pour le premier, les audiences sont évaluées à partir de sondages téléphoniques, alors que l’internet requiert l’utilisation de mouchards.

Les raisons qui expliquent ces différences de traitement n’ont rien à voir entre elles. D’un côté, la radio ne s’est jamais entendu pour passer au niveau supérieur : l’utilisation d’un appareil portatif qui enregistrerait l’environnement sonore. Tandis que l’internet est un média jeune, et Médiamétrie continue d’améliorer chaque mois ses méthodes en association avec Nielsen. Ne parlons même pas de la presse, dont les seuls chiffres disponibles sont déclaratifs, et malgré la certification de l’OJD, ils n’ont qu’une fonction d’affichage, mais guère plus.

Cela dit, et en attendant une mesure unifiée des médias, sur des critères comparables, les prochaines évolutions planifiées par Médiamétrie vont très certainement représenter un virage important, et permettre d’améliorer sensiblement leur fiabilité. Ainsi l’étude Nielsen NetRatings sur l’internet a subi depuis juillet des modifications drastiques. Les résultats ne se sont pas faits attendre, et dès le mois de novembre certains des sites mesurés ont montré une fâcheuse tendance baissière, signe que pour eux, l’audience était aussi largement gonflée aux stéroïdes.

Ces dégringolades sont nuisibles à plus d’un titre pour l’ensemble du marché. Les envolées de TF1.fr, LeFigaro.fr ou NRJ.fr sont toxiques. Elles mettent le doute dans l’esprit des annonceurs, et perpétuent une vision mafieuse des mesures pratiquées par Médiamétrie. Avec comme conséquence plus inquiétante encore, une baisse des revenus publicitaires sur l’ensemble du marché. Un long travail est certainement nécessaire dès à présent pour regagner la confiance. Et comme toujours, cela passera par un consensus des éditeurs de sites pour travailler dans la même direction. C’est le sens du dernier message de Médiamétrie expliquant par le détail les dernières modifications introduites à partir de novembre dernier dans la méthodologie du Nielsen NetRating.

Atypique

En voici quelques extraits :

« En avril 2009, Médiamétrie a mis au point une méthode d’exclusion de ces panélistes. Si elle a permis d’améliorer la situation, elle restait perfectible, d’autant que son efficacité s’est dégradée au fil des mois »

- comprenez que les vilaines combines mises en place pour attirer de l’internaute n’avaient pas abdiqué, et que les digues bâties par Médiamétrie pour exclure les internautes au « comportement atypique » avaient été submergées, une fois de plus.

Il s’agit essentiellement d’internautes répondant massivement aux mailing de jeux concours, et qu’il devient très aisé d’attirer sur un site, pour en augmenter artificiellement l’audience. Le lien entre l’internaute captif et la matière traitée sur le site n’a alors plus aucun rapport, si ce n’est que le passage du premier est comptabilisé par Médiamétrie. Bref, il fallait sévir, et une fois le coup de balai passé, Médiamétrie affirme qu’« ainsi, d’un mois à l’autre, on compte une base d’exclusion commune de près de 70%, contre 35% avec l’ancienne méthode ».

La différence se ressent, puisque le site du Figaro, qui pédalait très largement devant ses concurrents, maillot à pois sur les épaules, a d’un coup perdu 20% de son audience pour finir par être rattrapé par le premier peloton.

Alors où se situe la véritable audience de ces sites ? Est ce que le Monde, le Figaro réunissent véritablement entre 5 et 6 millions d’internautes par mois – le Figaro a d’ailleurs communiqué sur une audience de 6 millions en janvier ? La vérité est certainement en-dessous. Comme on l’a vu, il suffit que Médiamétrie évince les internautes « atypiques » pour que les audiences baissent instantanément dans le NetRatings suivant. Il est aussi certain que cette lutte de l’épée contre le bouclier est loin d’être terminée. Comme cela se voit dans le sport de haut niveau, les docteurs Mabuse ont toujours quelques coups de Jarnac d’avance.

On peut donc estimer que l’audience actuelle de ces sites est encore gonflée de 20 à 30%, sans trop de crainte de se tromper. Cependant, les pratiques ne sont pas les mêmes selon les sites. Et si le Figaro est un Pantani reconnu du Web, Le Monde n’a pas usé des mêmes méthodes. Alors que les audiences d’un site comme NRJ, ou celui de TF1 par exemple montrent des profils assez variables. La Une affiche pour janvier 8,679 millions de visiteurs uniques – Overblog n’étant plus compté, plus question d’annoncer 15 millions de Vu comme par le passé. Pour le coup, TF1.fr est en passe de perdre sa place dans la sacro-saint Top 30 du Nielsen NetRatings. Une descente que les services concernés expliquent par la sortie du périmètre de mesure de plusieurs sites.

La mesure d’internet est encore convalescente, mais celle de la radio est aussi un cas particulier sur lequel il n’est jamais inutile de se pencher à nouveau. Les audiences sont obtenues par Médiamétrie après moulinage des chiffres bruts découlant d’une enquête téléphonique menée sur 126 000 personnes tout au long de l’année. Ce procédé relativement efficace pour ce qui est des grosses radios, celles qui drainent le plus d’audience n’est pas très précis dans les autres cas. Notamment parce que les personnes interrogées se souvient en premier des marques fortes, comme RTL, Europe 1 ou France Inter. Il est très difficile pour une station nouvelle de se faire une place. Ce phénomène se traduit par une prime d’audience aux médias installés de longue date dans les résultats communiqués par Médiamétrie. Cette méthode possède aussi d’autres défauts importants, mais elle a un vrai gros atout : elle prouve que l’auditeur a écouté la station, qu’il en a gardé un souvenir même si parfois, il se trompe de bonne foi sur le nom.

Agenda

Or depuis près de 15 ans, Médiamétrie et les membres du collège radio s’interrogent sur l’opportunité de passer à une mesure automatique de l’audience. En 1995 une première batterie de tests avaient été menée, mais rapidement arrêtée. En fait, l’utilisation d’un petit boitier qui enregistrait tous les sons posait des problèmes, car les cobayes ne le gardaient pas tout au long de la journée sur eux. Une société suisse proposait aussi une montre avec les mêmes capacités d’enregistrement, mais tout le monde ne porte pas de montre… Bref, les expériences ont été stoppées jusqu’en 2005. Sans que les nouveaux essais n’aient démontré un mieux.

Il fallait reprendre à zéro et c’est bien ce que compte faire Médiamétrie et les acteurs de la radio en France. Une série de réunions a eu lieu depuis quelques semaines, la prochaine étant prévue pour dans une quinzaine de jours. Aucune solution n’est écartée, ni même pour Médiamétrie de concevoir de A à Z un procédé de mesure automatique du champ sonore des auditeurs témoins. Un agenda a été décidé. L’année en cours permettra de définir le cahier des charges de cette nouvelle mesure. Tandis que les premiers essais sont prévus pour 2011 en région parisienne. Ensuite, seulement les radios décideront de valider ou non la méthodologie.

Les enjeux ne sont pas minces. D’après certaines études, une mesure de ce type, adossée à un enregistrement automatique des sons, comparés ensuite à une base de données pour identifier les programmes avec précisions, entrainerait des variations de plus ou moins 20% des audiences par rapport aux sondages téléphoniques. Les éditeurs radiophoniques préfèrent bien sûr ne pas se presser trop, et envisagent aussi de tout arrêter si cela tournait trop vinaigre. Europe 1 empile les études pour connaître les implications de ces mesures automatiques ; NRJ est plutôt favorable ; RTL n’est pas contre ; Skyrock se tâte mais se rangerait plutôt dans le camp des opposés, etc. Cela dit, il faudra pour Médiamétrie dégager un consensus, car au moment de payer pour mettre sur les rails le nouveau système de mesure, c’est aux éditeurs radiophoniques de mettre l’argent sur la table. C’est la règle…

» Article initialement publié sur Électron Libre

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