Démolition programmée du service public à La Poste

Le 26 novembre 2010

Dans un souci de rentabilité préalable à la privatisation, La Poste multiplie les contrats précaires, supprime les tournées... Au point que certains usagers seront bientôt obligés d'aller chercher leur courrier à la mairie tout seuls !

Le Monde de ce matin titre doctement sur le nouveau plan stratégique de La Poste qui, Ô surprise, s’apprête à réduire encore plus sa masse salariale pour, soi-disant, s’adapter à l’érosion de l’activité courrier tout en conservant une belle courbe turgescente de rentabilité.

Ce que ce papier sans mise en perspective ne dit pas, c’est :

  • que depuis quelques années, les effectifs ayant déjà fondus, les postiers survivants ont des tournées de plus en plus longues, avec de plus en plus de foyers à couvrir chacun. Il n’est plus rare qu’un postier finisse sa tournée en dehors de ses heures de service. Les tournées sont calculées avec un chronomètre à la main et ne tiennent pas compte des contraintes de circulations ou des montées en charges régulières de l’activité courrier (impôts, catalogues saisonniers, etc.)
  • que depuis quelques années aussi, le gros des recrutements se fait en contrats de droit privé ultraprécaires, avec des salaires au plancher et des salariés au sifflet que l’on prend, que l’on jette, pendant des années, avec des sous-statuts et des sous-conditions de travail.
  • que la poursuite de la réduction des effectifs ne pourra se faire qu’avec la réduction programmée du service rendu, la notion de service public passant largement à la trappe.
  • Déjà, le projet de ne plus distribuer le courrier des particuliers le lundi est dans les cartons depuis un petit moment, en attendant que le public soit pédagogiquement prêt à accepter une fois de plus de payer toujours un peu plus cher un service toujours un peu plus dégradé.

De la même manière, les effectifs étant gérés en flux tendu, les absences, que ce soit des congés ou des maladies, entraînent régulièrement des dysfonctionnements de service sur lesquels La Poste reste d’une discrétion exemplaire. Les postiers volants (ceux qui n’ont pas de tournée affectée) sont le plus souvent des précaires qui connaissent peu ou mal leurs secteurs : temps de tri augmenté de manière exponentielle et temps de tournée hors limite.

Mais comme même les volants viennent régulièrement à manquer, une tournée vacante est :

  • soit partagée entre deux autres tournées, ce qui augmente la charge de travail des postiers survivants et rallonge le temps de distribution sans compensation,
  • soit tout simplement délestée.

Bien sûr, La Poste nie toute pratique de délestage des tournées, mais dans les faits et les cambrousses, il y a des jours où la petite voiture jaune est aux abonnés absents.

Boîtes aux lettres uniques pour service ultra-minimum

Face à l’explosion de l’habitat péri-rurbain qui augmente significativement les points de tournées et le nombre de foyers par tournée, les nouveaux foyers en lotissement ne sont plus desservis, mais les boîtes sont regroupées à l’entrée du lotissement. Donc, plus de ports de recommandés et de colis : services disparus sans compensation financière.

Et surtout, le modèle à l’espagnole nous guette, avec regroupement des boîtes des petits villages à la mairie, avant de passer directement à la fin de la desserte du dit village, avec boîtes postales obligatoires dans quelques centres de tri cantonaux.

Résultat intéressant de cette stratégie de démolition programmée du service courrier : non seulement, on crée des chômeurs avec un enthousiasme qui ne s’érode jamais, non seulement on ruine la notion de service public sans aucun bénéfice pour l’usager, mais surtout, on crée un gaspillage et de la pollution à tire-larigot, parce que la simple perspective de la rentabilité immédiate ne se préoccupe jamais des conséquences collectives de ses choix.

Si l’on suit la logique stratégique postale jusqu’au bout, d’ici très peu de temps, là où un gus salarié desservait 200 foyers avec une seule voiture, il y aura bientôt un chômeur de plus et 200 péquins qui prendront chacun leur caisse chaque jour pour aller chercher le courrier au bourg à 10 ou 20 bornes de là.

On n’arrête vraiment pas le progrès !

Billet initialement publié sur le blog Monolecte sous le titre La Poste s’assoit sur le service public.

Image CC Flickr coincoyote et claytron

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