Sousveillance urbaine

Le 27 décembre 2010

La sousveillance consiste à “surveiller la surveillance”. Territoire de plus en plus soumis à la surveillance, la ville constitue un terrain de jeu fertile pour ce concept.

La présence de caméras de surveillance, les détecteurs de vitesse ou les dispositifs de comptage (vélos, automobiles) font parti de l’attirail urbain de surveillance désormais classique. Pour quoi faire ? Compter les gens, savoir où ils sont, observer les comportements “déviants” ou re-visionner une scène de délit… entre autres possibilités. Ces artefacts ne sont évidemment pas neutres et incluent, dans leur conception ou dans leur usage, une définition plus ou moins explicite de ce qui est la norme ou la déviance. Mais ce n’est pas le sujet de ce billet. Je voudrais plutôt aborder la notion de contre-surveillance ou de “sousveillance“: c’est-à-dire l’activité de “surveiller la surveillance” en analysant les systèmes de surveillance eux-mêmes et les autorités qui les contrôlent. Tout comme la citation classique du poète romain Juvenal qui disait “Quis custodiet ipsos custodes ?”, c’est-à-dire “Qui surveille nos gardiens ?” (en bon anglais “Who watches the watchmen ?” pour ceux qui ont lu Alan Moore). Cette question est le point de départ de plusieurs projets de design d’interaction. Ceux-ci s’intéressent soit à produire divers objets pour réaliser cette sousveillance, soit à créer des prototypes qui visent plutôt à provoquer et faire prendre conscience de la nécessité de “surveiller nos gardiens”.

Un exemple classique de la sousveillance concerne les caméras mobiles proposées par Steve Mann, Jason Nolan et Barry Wellman dans leur célèbre article fondateur sur le sujet [pdf, en]. Ces chercheurs de l’université de Toronto ont créé divers prototypes d’objets qu’ils ont ensuite décrits en créant des prospectus d’une société fictive nommée Existech. Il s’agit en fait de caméras que chacun peut porter et qui ont la même apparence que celles présentes dans la rue ou dans les centre commerciaux… à la différence qu’elles ont pour but de permettre à chacun de filmer le monde et d’atteindre une forme de sousveillance définie par Mann comme “l’enregistrement d’une activité du point de vue d’une personne qui y participe” afin “d’exercer ce pouvoir de surveillance par le bas”. Dans l’article avec ses collègues, Mann se réfère aux diverses “performances” qu’ils ont réalisé avec ces objets : filmer des agents de sécurité dans des mall, demander aux propriétaires de magasins ce que sont que ces objets qui ressemblent à des caméras, etc. À noter que ce type d’enregistrement du quotidien a vite trouvé d’autres applications en dehors des champs sécuritaires ou de l’activisme : c’est le courant actuel du “lifelogging” qui consiste à collecter toute sorte d’information sur soi. D’où des produits en vente dans le commerce tels que le podomètre Nike+ connecté à l’iPhone ou la caméra Sensecam de Microsoft qui prend des photos automatiquement toutes les 30 secondes.

Pour revenir à la sousveillance, tournons-nous vers le projet isee [en], une application web qui vise à cartographier les caméras de surveillance. Chacun peut ainsi repérer ces éléments et les placer sur une carte participative. L’idée sous-jacente est de proposer des parcours dans la ville qui permettrait d’éviter les caméras en prenant des “chemin de surveillance minimale” (le trait vert). Dans l’exemple ci-joint, les cartes proposent de visualiser la position de ces outils de surveillance dans le cas de Manhattan.

Si la plupart des projets de sousveillance des dernières années se focalisent sur la vidéo et l’enregistrement de données visuelles, d’autres se préoccupent pourtant de capteurs plus variés et de RFID. Par ailleurs, certains chercheurs et activistes se demandent également que faire de ces données et comment aller plus loin que la simple collecte d’information comme outil politique.

Billet initialement publié sur Le Laboratoire des villes invisibles ; image CC Flickr Probs – EndoftheLine

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