Pourquoi l’Estonie peut-elle intégrer l’Euro?

L'économie saine et dynamique de l'Estonie lui a permis d'obtenir la permission d'intégrer la zone euro. Pourtant, cette entrée n'était pas gagnée d'avance, et il aurait été néfaste de la lui refuser.

En janvier 2011, l’Estonie deviendra le 17e membre de la zone Euro. La décision, prise par les ministres des finances des 16 pays de la zone, peut surprendre. C’est néanmoins, selon moi, une étape pragmatique qui aurait – si elle avait été retardée – envoyé un message négatif à nos voisins de l’Est Européen.

__

Les points noirs du dossier estonien

Il y avait 2 raisons pour retarder l’entrée de l’Estonie.

- Une résistance générale à l’élargissement due à la crise grecque mais aussi à quelques pays de l’Est et du Sud de l’Europe qui s’accommodent toujours d’une bonne dose de corruption et de déséquilibres financiers.

- Un avis négatif de la Banque Centrale Européenne. Son principal problème est de soutenir la croissance à long-terme, et le combat contre l’inflation est considéré comme un pilier de cette stratégie. Pas sûr que l’Estonie puisse se plier à ces exigences.

Comment la BCE se rachète une légitimité

Mais on aurait tort de penser de cette manière, même si le signal de la Banque Centrale est le bienvenu. Ce signal est bienvenu, parce que la BCE a donné un avis économique et que l’une des critiques les plus virulentes à son égard ces derniers temps était son manque d’indépendance économique. Mais on aurait tort de suivre son avis parce qu’en ce moment précis, l’Estonie est le seul Etat qui respecte les critères fixés par l’Europe. Sa dette ne s’élevait qu’à 7,2% du PIB en 2009 et son déficit 2009 n’était que de 1,9%. Ces chiffres n’ont pas été obtenus sans efforts, étant donné que l’Estonie a été frappée par une bulle immobilière il y a quelques années, provoquant une chute du PIB de l’ordre de 14%. Des coupes sèches dans la force de travail, et des salaires flexibles, ont permis un rebond de l’économie. L’avis de la BCE parait bizarre compte-tenu des chiffres actuels. Selon The Economist, l’inflation était négative (-0,7%) en Estonie, bien en dessous de l’objectif de 1% de la BCE.

Tout ça ne donne pas vraiment d’indices sur le futur du pays, vu que l’inflation est repartie à 2,5% en Avril, mais souligne que ce pays ex-communiste a pris extrêmement soin de sa situation financière. Sa réussite future dépend en grande partie de ses voisins, en particulier la Suède, mais ça n’en fait pas un argument contre son entrée dans la zone Euro.

Il y a une autre raison pour laquelle nous devons nous réjouir de l’entrée de l’Estonie. Un refus – alors que tous les critères étaient remplis – aurait démoralisé bien plus que les Estoniens. Plusieurs pays attendent toujours leur entrée dans l’Euro ou dans l’Union, le plus puissant et le plus prestigieux d’entre eux restant la Turquie. Mais la Lettonie et la Lituanie attendent aussi.

La portée de cet argument dépend, en partie au moins, de votre point de vue sur le bien-fondé de l’élargissement. Ce n’est pas un mystère : le scepticisme et les peurs ont grandi au cours des 12 derniers mois. Ce n’est pas non plus une surprise, mais ça fait toujours plaisir de voir que le pouvoir politique est toujours capable de peser le pour et le contre au milieu d’une crise mondiale.

Et l’Estonie ne devrait-elle pas, elle aussi, récolter les fruits d’un marché ouvert ? Leur monnaie a été fixée à l’Euro, ce qui signifie qu’ils n’ont ni la liberté d’accès à nos marchés ni ne bénéficient des taux d’intérêts avantageux de la zone. Ces choses font qu’il n’est pas surprenant de voir un retour de l’inflation dans ces derniers mois.

Les magazines et les journaux n’ont eu de cesse de répéter que l’Euro est un projet ; un projet économique sans base politique. C’est en partie vrai. Mais si l’Estonie joue avec nos propres règles, ne devrions-nous pas jouer avec elle ?

__

Billet initialement publié sur Small Talk, sous le titre Welcome Estonia.

Crédit Photo CC Flickr : Mario’s Planet.

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés